Les créanciers de la Grèce avaient accepté de renouer le dialogue. La décision de l'Eurogroupe fait suite à une lettre d'Athènes, qui semble avoir répondu aux inquiétudes de ses créanciers sur les mesures budgétaires récemment adoptées. L'Eurogroupe débloquera le mois prochain un accord sur des mesures de court terme d'allègement de la dette grecque, les ministres des Finances de la zone euro ayant reçu de la part d'Athènes des assurances sur la mise en œuvre de réformes, a-t-appris samedi de sources au sein de l'Eurogroupe. Ces mesures proposées par le Mécanisme européen de stabilité (MES) ont été entérinées le 5 décembre par l'Eurogroupe, mais le fonds d'aide financière de la zone euro a suspendu leur mise en œuvre neuf jours plus tard, après la décision du gouvernement grec de distribuer une prime aux retraités modestes. «Nous avons reçu une lettre des autorités grecques en réponse aux inquiétudes soulevées par les institutions ainsi que par le groupe de travail Eurogroupe sur des mesures budgétaires récemment adoptées», a déclaré un responsable européen. «Nous avons été rassurés par la note d'évaluation des institutions qui indique que les préoccupations initiales importantes, à la fois sur la procédure et sur le fond, sont levées par cette lettre [...], en particulier en ce qui concerne les retraites», a poursuivi le responsable de l'Eurogroupe. «Dans ce contexte, les procédures formelles de mise en œuvre du MES et du FESF (Fonds européen de stabilité financière) seront conduites en janvier», a-t-il dit. Les mesures de court terme proposées par le MES doivent permettre de réduire le poids de la dette grecque de 20 points de pourcentage du produit intérieur brut (PIB) d'ici 2060. Le prix élevé de la restructuration de la dette Pour obtenir la restructuration de sa dette, Athènes va donc devoir donner des gages et prendre de nouvelles mesures d'austérité. L'objectif de 3,5% du PIB pour 2018 était contesté par Athènes qui refusait toute extension de cet objectif. Il est pourtant, dans le projet d'accord, prolongé jusqu'en 2020 de deux ans supplémentaires. Ceci conduira à prendre des «mesures supplémentaires», notamment une «rationalisation des dépenses sociales» qui devrait principalement toucher l'assurance sociale, mais aussi l'aide au chauffage des ménages ou les allocations familiales. Le but est de concentrer l'aide sociale sur «les plus fragiles», au risque de fragiliser encore davantage la classe moyenne inférieure. Au programme également, la réduction des exemptions fiscales, notamment pour les salariés, une nouvelle réduction des effectifs de la fonction publique, une réforme du droit du travail pour réduire la représentativité syndicale et faciliter les licenciements économiques et, enfin, l'engagement de ne pas proposer de rédemptions de dette privée dans l'avenir. Les demandes sont donc importantes pour ce protocole d'accord «supplémentaire» à un protocole d'accord déjà singulièrement durci en juin dernier. Plus que jamais, donc, la Grèce semble bien condamnée à l'austérité perpétuelle. Les objectifs fixés, réaménagement de la dette ou pas, sont en effet très ambitieux et inatteignables. Malgré une croissance supérieure aux attentes et un excédent primaire très important, le document identifie des «besoins budgétaires supplémentaires» pour atteindre les objectifs de 2017 et 2018. La Grèce doit donc, quels que soient ses efforts, «courir» en permanence après ses objectifs fixés. Et plus elle rate ses objectifs, plus on lui en fixe de nouveaux en réclamant «de vraies réformes». Un mélange de mythe de Sisyphe et de flèche de Zénon d'Elée que la restructuration de la dette proposée par le MES entretient. Des mesures salutaires ? Car, en réalité, ces mesures sont-elles réellement salutaires ? La baisse d'un cinquième de la dette en 2060 est une simple hypothèse. On sait combien, dans le cas grec, les institutions internationales se sont trompées jusqu'ici. Elle laisse, de toute façon, une charge considérable à la Grèce qui se retrouverait avec un niveau de dette dans 43 ans proche de niveaux qui apparaissent préoccupants pour plus d'un Etat aujourd'hui. Surtout, ces calculs ne prennent évidemment pas en compte d'éventuelles crises financières dont il serait étonnant qu'elles ne se produisent pas d'ici 43 ans. Or, la Grèce restera un «maillon faible» compte tenu de son niveau d'endettement et pourrait perdre son accès fragile aux marchés. Par ailleurs, comme on l'a vu sur 2019-2020, cette réduction de la valeur actualisée nette ne conduit pas à alléger rapidement les besoins de financement du pays dans l'immédiat. La Grèce va devoir rembourser l'intégralité de sa dette et va donc, pour cela, devoir dégager en permanence des excédents primaires. Elle y sera d'autant plus contrainte qu'elle devra, une fois de retour sur les marchés, y rester et qu'elle ne pourra y rester qu'avec des excédents constants afin de rassurer des investisseurs très prudents. De plus, de retour sur les marchés, la Grèce refinancera sa dette à prix plus élevé qu'avec le MES, ses besoins de financement vont donc progresser, obligeant à des excédents toujours plus élevés. Or, ces excédents sont autant de ponctions sur une économie détruite qui réduit son potentiel à long terme.