C'est une vérité empirique connue des notaires : la première génération construit et bâtit, la deuxième exploite et dans le meilleur des cas développe et innove, la troisième dilapide ou liquide. «Le père crée, le fils n'arrive pas à maintenir, le petit-fils en garde le souvenir ». Ce qui pourrait être vrai pour les entreprises familiales peut-il tout autant l'être à l'échelle d'un pays ? En clair, un peuple, une nation peuvent-ils être confrontés à l'épreuve de la « loi des trois générations » ? Ne le souhaitons pas ! Mais au vu du spectacle que nous offre la scène politique nationale où l'accessoire supplante le principal et l'intérêt particulier celui national, au vu de ce désert de la pensée positive et de l'assèchement de intellectuel et de cette «matière grise» chère au leader Habib Bourguiba, qui, en lieu et place de nous proposer une vision pour la Tunisie de demain, nous soumet et se soumet au diktat du «courtérmisme», il est à craindre le pire. Sans doute nous faudra-t-il nous souvenir des valeurs que portaient les pères de l'indépendance: le don de soi, le nationalisme, l'amour du pays, l'amour du travail, le désintéressement et l'exigence, l'impératif de réhabiliter aujourd'hui ces valeurs en s'inscrivant dans le volontarisme de l'élite de l'époque. En se rappelant que cette élite a sauvé le peuple avec la raison, par l'esprit cartésien et par l'esprit des Lumières. Que cette élite a élevé le niveau du peuple par amour du peuple et de la patrie et que dans ce volontarisme et dans cette pédagogie, il y avait un parfait désintéressement. Nous fêtons aujourd'hui le 61e anniversaire de l'indépendance et il est difficile d'admettre que soixante et un ans après l'indépendance, la Tunisie en soit encore à s'interroger sur son propre destin. Toutefois, l'histoire contemporaine de notre pays, particulièrement après 2011, nous prouve, malheureusement, que dans tout projet de construction nationale, il n'est qu'une certitude: rien n'est définitivement acquis. Qui peut, en effet, nier aujourd'hui que le principal acquis de l'indépendance, l'objet de toutes les luttes anticoloniales, l'Etat fait face à des défis exceptionnels qui sont à même de mettre en cause ses fondements les plus inébranlables ? Soixante et un ans après l'indépendance, où en sommes-nous et, surtout, quel projet et quelle vision pour la Tunisie de demain ? Sollicitées par La Presse, de grandes figures nationales, des hommes politiques et les premiers responsables des deux grandes et historiques organisations nationales (Ugtt et Utica) ont accepté de nous donner leur lecture dans une démarche à la fois prospective et rétrospective. Nous les remercions vivement pour leurs précieux éclairages et pour leur grande réactivité sachant que nous les avions contactés, pour ainsi dire «à la dernière minute». Il est à noter que le timing n'a pas permis à certains dirigeants de partis politiques dont Nida Tounès d'apporter leur contribution à ce spécial 20 mars.