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Est-ce un mal nécessaire ?
Reportage — Endettement des ménages
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 09 - 2017

Crédits et chèques antidatés, jockers incontournables dont use le Tunisien pour mener la vie qu'il aime.
Depuis les années 90, la société tunisienne est entrée de plain-pied dans le monde de la consommation, voire de la surconsommation. Un mode de vie qui suit le rythme frénétique mondial et qui sert le modèle capitaliste et les intérêts des grands pôles mondiaux tout comme la dynamisation quasi forcée des pays en voie de développement. En dépit de leur niveau de vie modeste, les Tunisiens ont pris goût à la surconsommation, laquelle leur procure bien-être social et autosatisfaction psychologique. Plus l'on consomme, plus on a la certitude de faire partie d'une communauté « active » — dans le sens consommateur du terme — en évolution, car en parfaite harmonie avec le mode de vie collectif.
Les événements du 14 janvier 2011 et leurs répercussions économiques et sociales fâcheuses, notamment la baisse vertigineuse du pouvoir d'achat, la cherté de la vie et l'appauvrissement graduel et continu de la classe moyenne, n'ont pas réussi à freiner la frénésie consommatrice.
La société est prise au piège d'un choix à la fois inconscient et consenti, d'un mal nécessaire qui la contrarie à vivre au-dessus de ses moyens. Pour ce, crédits et chèques antidatés s'avèrent être les jokers incontournables dont use le Tunisien pour continuer à mener sa vie comme il l'aime. L'endettement des ménages devient, pour certains, une nécessité absolue pour faire face à la cherté de la vie et pour repousser le plus loin possible le spectre de la précarité.
Il est 11h30 en ce mercredi 13 septembre. C'est une journée comme les autres. Au centre-ville de Tunis, les Tunisiens vaquent à leurs occupations. Certains passants tiennent dans leurs mains des sachets sur lesquels sont inscrites différentes enseignes commerciales de renom. Les boutiques des grandes marques internationales grouillent de clients. Les restos aussi.
Les parfumeries où sont proposés des produits hauts de gamme continuent à séduire les férus de produits de beauté. Des parents accompagnés de leur progéniture en âge de scolarisation achèvent les dernières dépenses liées à la rentrée scolaire...Tout dans ce paysage urbain incite à la consommation. Nour El Houda travaille dans une société privée. Elle presse le pas pour rejoindre son véhicule après avoir déniché quelques jolis vêtements pour elle et pour l'une de ses trois filles. «J'ai remis un chèque antidaté de 320 dinars », indique-t-elle, décontractée.
Pour que sa famille ne manque de rien
Cette maman a pris l'habitude de donner des chèques et de contracter de petits crédits de consommation pour subvenir aux besoins de sa famille. «Ce sont des moyens disponibles et légitimes nous permettant de mener une vie plus belle car plus réconfortante. L'argent, et contrairement à ce que l'on pense, fait le bonheur. Je suis issue d'une famille modeste pour qui tout ce qui relevait du facultatif devait être évité. Je veux que mes filles aient la chance de vivre dans l'aisance et qu'elles ne manquent de rien. Je veux qu'elles soient sur un pied d'égalité matérielle avec leurs semblables», indique-t-elle, franche. L'année dernière elle a décroché un crédit de 1.000 dinars rien que pour célébrer la réussite au baccalauréat de son aînée. «Nous n'avons pas le choix. Il faut savoir gérer sa vie en fonction des moyens et des opportunités qui se présentent à nous. Les crédits ouvrent, à mon sens, la voie aux Tunisiens pour mieux vivre », renchérit-elle.
Dans l'une des enseignes internationales de prêt-à-porter, l'on se bouscule pour dénicher des vêtements pour la rentrée.
Certaines mamans souhaiteraient vivement que leurs filles puissent avoir un coup de foudre pour des tenues soldées, dans l'espoir de payer moins cher. «Sinon, je serais dans l'obligation de donner un chèque antidaté. Après les dépenses liées à l'aïd et aux fournitures scolaires, ma fille n'a droit qu'à une centaine de dinars pour faire l'acquisition d'une tenue pour la rentrée. Au-delà de ce montant, je devrais recourir à mon carnet de chèques», indique Latifa, en faisant la moue.
Non aux crédits de caprice !
Si certains s'adonnent sans hésitation aux petits crédits de consommation, dont la valeur n'excède pas les trois mille dinars, d'autres considèrent que l'endettement des ménages ne doit, aucunement, rimer avec dépenses de caprice. C'est le cas de Chiraz Ebdelli, prof de sport et maman de deux enfants âgés de 14 et 11 ans. Pour elle, les crédits sont faits pour aider la classe moyenne à avoir des biens et à accéder à la stabilité sociale et financière. «Nous avons, mon mari et moi, pris un crédit de logement et un autre pour acheter une voiture. S'agissant des crédits à la consommation, je pense qu'il vaut mieux se limiter à ses propres moyens et ne pas se hasarder à prendre des engagements accablants», indique-t-elle. Un avis que partage Habib Karoui, un comptable âgé de 60 ans. Il considère que notre société obéit nettement aux principes du capitalisme, ce qui la place parmi les sociétés de consommation ; une condition qui oblige les Tunisiens à suivre ce modèle. «Il s'agit d'une loi économique, d'un système qui n'a rien de personnel ou d'individuel. C'est plutôt la règle, voire une obligation. D'autant plus qu'il est inconvenant d'expliquer l'endettement des ménages par la baisse du niveau de vie.
En France, par exemple, le niveau de vie de la classe moyenne est nettement supérieur à celui de la société tunisienne. Ce qui n'empêche pas les Français de recourir à l'endettement », explique-t-il. Avisé, Habib refuse, toutefois, de recourir aux crédits de consommation. Le seul crédit qu'il a obtenu, tout au long de sa vie, était consacré à la construction.
Nouri Ben Mahmoud est un père de famille âgé de 55 ans. Retraité, il commence à peine à envisager de solliciter un crédit auprès de sa banque afin d'acheter une nouvelle voiture. Ce monsieur montre du doigt la cherté de la vie et surtout la complexité des procédures qui mettent le Tunisien entre le marteau et l'enclume. «Dans les pays occidentaux, il est possible pour un citoyen d'échanger une ancienne voiture en bon état contre une nouvelle et d'en payer seulement la différence, ce qui n'est pas permis en Tunisie. Ici, tout converge vers l'endettement des ménages. Au final, et si l'on procède par élimination, nous nous rendrons à l'évidence qu'il n'existe pas de mécanismes adaptés à l'appui matériel de la classe moyenne. Cette dernière se trouve, par conséquent, dans l'obligation de recourir à l'endettement, lequel représente une solution incontournable», argumente-t-il.
Manifestement, reprocher aux Tunisiens d'être de bons vivants et de vouloir, à tout prix, améliorer leurs conditions sociales, quitte à s'endetter, n'aurait aucun sens. Est-il logique de ramer à contre-courant alors que l'apparat devient un critère d'appréciation inéluctable, que les besoins relatifs à l'éducation d'un enfant valent la totalité d'un salaire, que l'école privée tout comme les cliniques usent du commercial pour promettre des services meilleurs ? Est-il possible, pour un Tunisien, de résister à la tentation du confort, lequel pourrait être compensé via des retraits financiers tout aussi réguliers qu'étudiés ? L'endettement des ménages traduit, aussi, la capacité de la famille tunisienne à s'adapter aux changements socioéconomiques et à se débrouiller pour subvenir à ses besoins. L'endettement des ménages demeure, en dépit de tout, un engagement à honorer et un vecteur essentiel à la dynamisation du secteur bancaire. Autant fixer la moitié pleine du verre !


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