Hier, s'est ouvert à Tunis l'événement : «L'Art contemporain en Tunisie, un Possible Potentiel». Ces rencontres entre la presse internationale et les acteurs de l'art contemporain se déroulent jusqu'au 3 octobre. Initiatrice de la manifestation, Sadika y participe avec une performance, organisée aujourd'hui sur la plage de Gammarth : «Les tombeaux de la dignité». A l'image de l'expression, dans toutes ses dimensions, qui s'est affranchie de la censure et du quadrillage policier, l'art contemporain connaît une belle dynamique en Tunisie depuis la révolution du 14 janvier. Parce que l'art contemporain se nourrit de liberté, d'indépendance et d'impertinence, il incarne peut-être le meilleur miroir des bouleversements sociaux, politiques et culturels qui agitent depuis sept ans la Tunisie en transition démocratique. Vidéo, street art, graffiti, photo, performance, sculpture, technique numérique croisée à la peinture, à la danse et à la musique... les supports, les disciplines, les expériences et les concepts se multiplient à vue d'œil. La preuve, aujourd'hui Dream City et hier, jusqu'à 2012, le Printemps des arts de la Abdalliya. Or, par manque d'une biennale dédiée à l'art contemporain et surtout l'absence d'artistes tunisiens dans le marché de l'art international, cette réalité reste ignorée de par le monde. Voilà ce qui a poussé l'artiste Sadika Keskes, connue pour ses sculptures en verre soufflé, à ramener le monde en Tunisie. A travers les médias, dont le métier consiste à relayer les petites réalités particulières. Des visites dans les galeries et ateliers d'artistes En invitant une dizaine de journalistes français, allemands et italiens spécialisés dans les arts à venir découvrir la richesse du paysage artistique local, Sadika cherche à donner une visibilité et une plateforme internationales à des talents en ébullition. Elle a pour partenaires dans cette opération artistique, «L'Art contemporain en Tunisie, un possible potentiel ou entre potentiel et possible» (30 septembre-3 octobre), les ministères du Tourisme et de l'Artisanat et celui des Affaires culturelles. «Quel meilleur ambassadeur que l'art pour exporter tout ce qui bouge et se transforme de magnifique chez nous ?», estime Sadika Keskes. Le programme prévoit des visites des journalistes aux ateliers d'artistes Mouna Jemal Siala, Feriel Lakhdar et Omar Bey. Ainsi que des stations d'échange et de prise de contact avec sept galeristes, parmi les plus cotés, qui ont adhéré, dès le départ, spontanément au projet : Musk & Ambar, Galerie Salma Feriani, Bchira Art Center, Galerie Al Marsa, El Birrou (Sousse), Galerie Gorgi, Alain Nadaud. Des expositions ouvertes ces jours-ci, en ce début de saison artistique, dans ces espaces donnent le ton de la grande palette des styles et des démarches. «Les journalistes feront également lundi 2 octobre une incursion dans Dream City, en work in progress, à la veille pratiquement de son ouverture», ajoute Sadika. «Les tombeaux de la dignité» : un cri contre l'indifférence Un des moments forts de l'événement Po Po, sera probablement la performance de Sadika Keskes, «Les tombeaux de la dignité». L'artiste placera aujourd'hui dimanche sur la plage de Gammarth une installation de tombeaux en verre, en hommage à tous ceux qui continuent à périr en Méditerranée. La performance sera précédée d'un rassemblement à l'Espace d'Art Sadika, puis du lever des tombeaux à 16h 30. Une procession suivra qui mènera le public jusqu'à la plage attenante de Gammarth. Une minute de silence. Puis arrivée des bateaux des pécheurs, qui ramèneront les tombeaux flottants dans la mer. Une deuxième performance, sur ce thème d'une actualité à la fois brûlante et douloureuse, est prévue à la plage du port à Lampedusa en Italie le 5 octobre. «Hier, espace de liens, la Méditerranée est devenue aujourd'hui un cimetière, c'est une honte ! Ce cri, violent, veut en fait bousculer les politiques des deux rives pour revenir à plus d'humanisme dans le traitement des problèmes de tous ces naufragés, ces voyageurs du désespoir. Au moins leur rendre une certaine dignité au moment de leur mort», témoigne Sadika.