Ibrahim Matouss est un pseudonyme créé, depuis 2010, par un artiste qui a fait de la figure du clown un compagnon de route, plus que cela, un alter ego! L'artiste xylophage expose dans «Etat des lieux» trois autoportraits tirés d'une série éponyme. Un rendez-vous à ne pas manquer actuellement à la galerie Aïcha Gorgi avec l'exposition collective «Etat des lieux». Une occasion de découvrir les nouvelles œuvres d'artistes qui installent un nouveau pont dans l'art tunisien. La teneuse des lieux, Aïcha Gorgi, y a réuni les artistes Walid Ardhaoui, Abdessalem Ben Ayed, Amel Ben Attia, Ymen Berhouma, Slimen Elkamel, Lassaâd Ben Sghaier, Belhssan Chtioui, Malek Gnaoui et Ibrahim Matouss. Il y a d'abord les deux grandes toiles de Slimen Elkamel que nous ne pouvons que remarquer en entrant dans la galerie. «Festive» et «Pause» trônent comme deux grands monuments se détachant par une palette vive et une saturation des détails inscrits en all over : de petits écrans de télé contournant la toile avec leurs propres «spectacles» et juxtaposés autour d'une grande scène. Chroniques d'une société du spectacle, l'artiste, «nourri au sein du récit populaire» avec «une enfance pétrie par l'imaginaire du milieu rural où prospérait la tradition du conte et de la poésie populaire», y cultive une constellation d'images à n'en plus finir, de figures, de situations, de bribes d'images tirées du réel et rencontrées ça et là dans les supports du quotidien qu'il nous retranscrit et re-pose dans des éternelles mises en scène. Lassaâd Ben Sghaïer, maîtrisard en arts plastiques à l'Institut supérieur des Beaux-arts de Tunis, a, aussi, suivi, en 2010, une formation en sculpture sur marbre (la première formation dans ce domaine en Tunisie). L'œuvre qu'il expose intitulée «Le jardin des délices» est un tirage sur papier et collage, accompagné d'un tirage en plâtre d'un buste de Habib-Bourguiba. Une sorte d'installation à l'intitulé suggestif qui met en scène une réalité historique de la Tunisie. Le buste en blanc du «guide suprême» dialoguant avec un autre monument dictatorial, une sorte de mise en abîme dans la symbolique, car il s'agit de la même. Un passé dialoguant avec son devenir et sa continuité, un passé qui n'en est pas vraiment un! Ibrahim Matouss est un pseudonyme créé, depuis 2010, par un artiste qui a fait de la figure du clown un compagnon de route, plus que cela un alter ego ! L'artiste xylophage expose dans «Etat des lieux» trois autoportraits tirés d'une série éponyme. Il cultive le mystère jusqu'au bout avec cette double existence, celle de l'artiste qui fait parler de lui et l'homme incognito, faisant écho à son univers plastique bâti sur les dichotomies et les contrastes. Ibrahim Matouss est un habitué de la galerie ayant déjà exposé en collectif et en solo. S'attaquant toujours au bois, faisant se rencontrer, en technique mixte, dessin, collage et pyrogravure. L'on retrouve ses autoportraits en clown désenchanté, ses figures aux traits, à la fois précis et disloqués, ses fonds neutres et ses bouts de bois-chaires grignotés et noircis par le feu à quelques endroits. Il opère, comme il nous a habitués, sur la chaire de bois, la brûle et la soulage de ses copeaux, la creuse et la met à nu pour donner corps/formes à ses figures masquées et autres, avec toujours cette dévorante mélancolie. D'autres œuvres sont à voir d'autres artistes sont à (re)découvrir. L'exposition est à ne surtout pas rater!