Pour l'instant, les protagonistes ont convenu de procéder à un bilan du gouvernement, une semaine et des poussières durant. Une manière de noyer le poisson et soupeser les armes secrètes et le degré de détermination dans les positions des uns et des autres. Certains parlent d'un sursis pour le gouvernement Chahed. Mais, sous nos cieux, tenir encore une semaine ou deux, c'est pouvoir tenir quelques mois, voire une année supplémentaire Les politiciens politicards, cela n'empêche guère l'économie de sombrer. Témoin, la dernière réunion des signataires du Document de Carthage, mardi dernier, et les principaux indices économiques qui font du surplace dans le marasme. Le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abbassi, a du pain sur la planche. Les mesures décidées et annoncées, la semaine dernière avec son staff, ne jugulent pas pour autant la crise profonde. Certes, l'on se réjouit depuis hier que les réserves en devises aient augmenté d'un jour, renversant la tendance vers le bas observée depuis des mois. Il n'en demeure pas moins qu'on est toujours à seulement 79 jours d'importations. Un chiffre catastrophique en somme. Côté arrangements politiques, la situation ne se décrispe guère. Le corporatisme et l'isolationnisme reprennent du poil de la bête. Les partis politiques de la majorité gouvernementale dite d'union nationale s'étripent. Ils étaient neuf signataires du document de Carthage. Depuis, leurs rangs se sont clairsemés. Le pôle Nida-Ennahdha se dilue et se recompose au gré des humeurs. Ils se sont opposés dans une véritable passe d'armes à l'occasion de l'élection parlementaire de quatre membres de la Cour constitutionnelle. Ce n'est même plus le donnant-donnant ayant présidé jusqu'ici à leurs rapports. C'est plutôt le chacun pour soi et l'intérêt public aux enchères. Les organisations nationales ne sont pas en reste. La centrale ouvrière, l'Ugtt, souffle le chaud et le froid. Tantôt elle réclame l'imminente relance des négociations salariales. Tantôt son secrétaire général, Noureddine Tabboubi, réclame un remaniement ministériel d'envergure et annonce que le temps du chef du gouvernement, Youssef Chahed, est irrémédiablement épuisé. Les patrons expriment, eux aussi, leur colère, moyennant des sorties médiatiques du nouveau président fraîchement élu de l'Utica. Pour l'instant, les protagonistes ont convenu de procéder à un bilan du gouvernement, une semaine et des poussières durant. Une manière de noyer le poisson et soupeser les armes secrètes et le degré de détermination dans les positions des uns et des autres. Certains parlent d'un sursis pour le gouvernement Chahed. Mais, sous nos cieux, tenir encore une semaine ou deux, c'est pouvoir tenir quelques mois, voire une année supplémentaire. N'empêche. Pour le chef du gouvernement, le ver est déjà dans le fruit et les carottes sont cuites. Tout est question de temps, sinon de conditions préalables. Il n'est en effet pas exclu qu'à l'issue des élections municipales, le maintien de Youssef Chahed aux affaires sera tributaire de sa garantie de se départir de toute ambition en vue des élections de 2019, plus particulièrement l'élection présidentielle. Youssef Chahed n'a pas le choix. Son propre parti, Nidaa Tounes, le soutient du bout des lèvres et n'hésiterait pas à le sacrifier. Ennahdha a déjà exprimé ce souhait via l'interview de Rached Ghannouchi en août dernier. Il y avait monnayé la poursuite de son soutien à Youssef Chahed contre l'engagement de ce dernier de ne pas se présenter en 2019. C'est dire qu'il s'agit d'une espèce de marché de dupes. Tout le monde veut tirer son parti d'affaire et, dans tous les cas de figure, le pays réel trinque. Les protagonistes semblent mus par les intérêts sordides et les calculs de boutiquiers. Et il en sera toujours ainsi tant que le système politique en vigueur demeure inchangé. C'est le ciment idéal de la zizanie et des équilibres catastrophiques. Pour l'instant, si ça donne l'impression de faire du surplace, la veillée d'armes à géométrie variable se poursuit en profondeur. Et le gouvernement dit d'union nationale demeure suspendu ; en sursis d'exécution, comme un purgatoire entre deux déserts.