10% du budget de l'Etat seront réservés aux municipalités dans les trois prochaines années Le projet de loi du Code des collectivités locales est fondé sur une adéquation portant sur les principes de la libre gouvernance des autorités locales et la garantie de l'unicité de l'Etat, a souligné le ministre des Affaires locales et de l'Environnement, Riadh Mouakher. Dans sa réponse aux interventions des députés lors de la plénière de l'Assemblée des représentants du peuple qui a poursuivi jeudi le débat général sur le projet de loi du Code, le ministre a affirmé que ce projet est porteur d'une reforme radicale des pouvoirs local et régional, concrétise dans les faits la démocratie, tient compte de la conjoncture du pays et adopte le principe de l'application progressive du chapitre VII de la Constitution tunisienne. Il a précisé que l'élaboration du projet de loi s'est inspirée des lois comparées, des différentes expériences de décentralisation avec une vision tunisienne, en tenant compte des spécificités du pays, tout en écartant des lois qui ne s'adaptent pas à la réalité tunisienne. «La décentralisation n'est pas un but en soi mais un mode et un moyen pour améliorer les services prodigués au citoyen et être une locomotive pour le développement», a-t-il souligné. Il a qualifié de «légitimes» les appréhensions des députés quant au risque de la décentralisation sur l'unicité de l'Etat, mais a réaffirmé l'impératif de respecter les dispositions de la constitution et d'œuvrer à garantir par le code cette unité de l'Etat. Le ministre a également mis l'accent sur l'efficacité exigée des autorités locales, rappelant que le ministère des affaires locales et de l'environnement, initiateur du projet, se propose d'introduire des amendements à plusieurs articles du code. Moakher a indiqué à ce propos que le pouvoir des conseils municipaux ne peut contredire les décrets gouvernementaux, faisant remarquer que les garde-fous prévus par le code des collectivités locales, protègent l'unicité de l'Etat, ne peut porter atteinte au pouvoir de l'Etat, son unité, la détermination de sa politique extérieure, le système éducatif et sa justice unifiée. Il a précisé par ailleurs que son département œuvre à désigner en urgence 2500 cadres pour les municipalités récemment créées ou manquant de personnel, rappelant que l'objectif est de recruter 7 mille cadres municipaux dans les sept prochaines années. «L'Etat réserve 4 pour cent de son budget aux municipalités et s'emploie à porter le taux à 10 % dans les trois prochaines années et à 14 % dans les six ans à venir», a-t-il indiqué. La plénière de l'ARP a entamé jeudi les débats sur le code des collectivités locales et devra procéder au vote de ses articles avant son adoption dans la période du 26 mars au 6 avril 2018. Selon les dispositions de l'article 121 du règlement intérieur du parlement, le dépôt des amendements du code, au nombre de 392 articles, a débuté après la publication du rapport du code sur le site officiel de l'ARP le 11 mars courant. Jusqu'ici on dénombre 400 propositions d'amendement et ajouts. La commission parlementaire de l'organisation de l'administration, des affaires des agents porteurs d'armes avait adopté, le 7 mars courant à l'unanimité, le rapport sur le projet de loi organique portant création du code des collectivités locales, rappelle-t-on. Pour une loi sur la dépolarisation Il est à préciser qu'un total de 53 députés ont voté lors de la plénière de l'Assemblée des représentants du peuple qui a poursuivi jeudi le débat général sur le projet de loi du Code des collectivités locales pour la discussion du projet article par article. Lors de la séance de l'après-midi, les députés ont mis l'accent sur la nécessité de délimiter les prérogatives du gouverneur et du conseil municipal pour éviter que ces attributions n'interfèrent dans celles du pouvoir central. Les remarques des députés ont oscillé entre l'appréhension de voir le pouvoir local prendre l'ascendant sur le pouvoir central, et l'avis selon lequel la décentralisation et la consolidation de l'autorité des collectivités locales est un appui à la mise à contribution du citoyen dans l'amélioration des prestations dont il bénéficie. La députée Basma Jebabli (mouvement Ennahdha) a mis l'accent sur la nécessité d'appuyer le projet du code des collectivités locales par un projet de loi stipulant la dépolarisation et un autre délimitant les prérogatives et le champs d'action du gouverneur. Elle s'est prononcée pour le transfert progressif des larges prérogatives des collectivités locales «afin de ne pas faire échouer le processus de consécration de la décentralisation en cas de précipitation dans sa mise en œuvre». Le député Salem Labyadh (bloc démocratique) a critiqué les appréhensions de certains députés quant à une mainmise de la décentralisation sur le pouvoir central. «Ces craintes sont une révision du principe de la centralisation et un attachement au pouvoir central puissant, ascendant et loin des préoccupations des citoyens», a-t-il estimé, soulignant que le pouvoir local est une réhabilitation du citoyen non un émiettement de l'Etat ou une consécration du régionalisme. En revanche, le député Mohamed Ramzi Khamis (bloc de Nida Tounès) n'a pas caché sa crainte d'un malentendu sur la décentralisation ce qui risque, à ses yeux, de démanteler les structures de l'Etat déjà affaibli ces dernières années, estimant que «sans un pouvoir central, on ne peut parler de décentralisation rationnelle». Il a fait valoir à l'appui de sa thèse que plus de 80 municipalités ont été créées récemment mais manquent de moyens et souffrent de l'absence du minimum pour mener à bien leurs activités. Dans une longue intervention, le député Ahmed Seddik (bloc du Front populaire) a tenu à clarifier certains concepts, soulignant la nécessité de mettre en place un pouvoir dépolarisé capable de négocier avec le pouvoir local et régional afin que les pouvoirs décentralisés puissent travailler efficacement et représenter le pouvoir central dans la région. Pour le député Marouène Felfel (Bloc de Machrou Tounès), les collectivités locales ne peuvent accomplir leur devoir au mieux sans la mobilisation de moyens matériels, rappelant l'absence de compétences et de cadres et le manque de formation professionnelle et juridique pour rendre ces services locaux efficients. De son côté, le député Ibrahim Ben Said (Bloc démocratique) a exprimé la crainte de voir le projet du code des collectivités locales vider de sa substance et limiter les prérogatives des autorités locales par les consensus. Il a estimé que le pouvoir décentralisé atténuera l'acuité du sentiment tribal et régional, «car c'est la centralisation qui a alimenté ces phénomènes», à son avis. La députée Olfa Sokkari (indépendante) a fait valoir que la mise en place du pouvoir local va consolider la démocratie et la citoyenneté, soulignant la nécessité de garantir la liberté d'action du pouvoir local accompagné d'un pouvoir de contrôle pour conférer plus de transparence à l'action de ces pouvoirs locaux dont les services sont destinés au citoyen.