Il est l'un des rares footballeurs tunisiens, qui avaient, en même temps, de formidables qualités techniques et un égal souci de la récupération et de la relance. Abderrazak Chachat est le footballeur de charme qui a symbolisé à lui seul le Club Africain des années 80 et 90 et aussi l'Equipe de Tunisie. L'ex-sociétaire de l'ESRadès a été l'un des esthètes de l'équipe et disposait d'une polyvalence qui offrait à ses nombreux entraîneurs (Mohamed Bouchnak, Jedidi, Zlitni, Tlili, Nagy, Amor Dhib, Kosbek, Zouaoui, Taoufik Ben Othmane, Piechienzek, Milic) un éventuel de solutions très précieux. C'est également le joueur qui a été indisponible pour de nombreuses blessures. «Je suis venu au football par le biais du quartier et du lycée. En 1989, je suis allé seul au club de l'ESRadès pour signer une licence avec les minimes. C'est l'entraîneur Mohamed Bouchnak qui m'a lancé comme ailier gauche chez les juniors. Il faut souligner que j'ai brûlé toutes les étapes pour arriver chez les seniors de l'ESRadès à l'âge de 17 ans. Il faut aussi dire que j'ai occupé tous les postes à caractère offensif. C'était en 1980 que j'ai joué mon premier match face au COT sous la conduite de feu Slim Zlitni. Après mes belles prestations avec l'ESR, le sélectionneur national Mohamed Salah Jédidi m'a convoqué en équipe nationale avec des joueurs de talent, tels que Chebbi, Jéridi, Khouni, Amara, etc. Mais comme Jédidi était clubiste, il a tout fait pour que je renforce l'équipe clubiste. Avec un président aussi dévoué comme feu Férid Mokthar, je n'ai pas hésité à rejoindre le Club Africain surtout que je suis Clubiste. Mon intégration a été facile et l'entraîneur Milic n'a pas hésité à me titulariser face à la JSK en 1989. A cette époque, j'ai côtoyé Naïli, Ayari, Mouelhi, Chargui, Chebbi, Moussa, Goummidh, Bayari, Gasmi, Bach Hamba, Boushih et Kalsi. Notre objectif était constamment de faire plaisir à nos supporters. La devise de nos dirigeants, c'était de bien jouer pour mieux gagner. Après Milic, Mokhtar Tlili était venu. Les résultats n'ont pas suivi, avec une 2e place en Ligue 1, mais une défaite en finale en coupe face au CAB. J'étais indisponible en raison des ligaments croisés contractés face à la JSK dans un match comptant pour les demi-finales de la coupe de Tunisie». Mais en dépit de ses qualités techniques et tactiques, Abderrazak Chahat a été très fragile. Il a eu plusieurs blessures contactées lors des matchs de championnat et aussi en équipe nationale. En 1986, Youssef Zouaoui le convoque pour le match Tunisie-Bénin. Il a été blessé et a été contraint d'être indisponible pendant une année et demie. Il a fait deux opérations : «Je suis malchanceux et ce en raison de mes nombreuses blessures qui me guettent partout, c'était l'enfer en restant inactif et surtout en dehors des terrains. En 1986, Amor Dhib est devenu l'entraîneur du CA. Son mérite est grand puisque c'était lui qui m'a changé de poste en évoluant comme arrière gauche, ce poste m'a consolidé et m'a permis d'être plus offensif et plus utile» Il fut rappelé encore une fois par Vincent puis par Taoufik Ben Othmane. Ce dernier a réussi à qualifier l'équipe de Tunisie aux Jeux olympiques de Séoul. «Nous avons fait des éliminatoires extraordinaires grâce à un grand entraîneur Taoufik Ben Othmane. Il a été l'un des artisants de notre série positive. En effet, après notre billet pour les Jeux olympiques de Séoul et après un stage de Jordanie, nous sommes rentrés en Tunisie. Et à l'aéroport, un dirigeant de la FTF est venu à Taoufik Ben Othmane pour lui annoncer qu'il a été limogé et remplacé par le Polonais Pechniczek. Tous les joueurs ont été surpris par cette mauvaise nouvelle. Et je n'oublierai jamais les larmes de notre entraîneur, touché par l'ingratitude des membres de la FTF. Nous avons fustigé le mauvais geste de la FTF». De retour de Séoul, Chahat a été toujours malchanceux en perdant des finales respectivement face au COT, au CAB et au CSHL. Retraité à 26 ans! «En 1990, j'ai effectué une bonne préparation pour être fin prêt pour le démarrage de la nouvelle saison, mais encore une fois, j'étais grippé et plus encore j'étais blessé alors que j'ai tout fait pour jouer sous la conduite de Faouzi Benzarti. Désespéré et touché moralement par les 90 cicatrices et par les nombreuses opérations, j'ai décidé de prendre ma retraite à 26 ans». Chahat n'a rien gagné pendant ses huit ans avec le CA, mais il a gagné l'estime des gens et des supporters. Il a eu aussi la chance de jouer avec les quatre générations (celles de Tarek Dhiab, Témime, Agrebi, Akid, Djedidi, Bayari F. Rouissi, Adel Sellimi, Bouhali, Chebbi, Limam, Herguel et Chebbi. «J'ai eu la chance de côtoyer de grands entraîneurs mais Nagy reste un technicien hors pair. Il y a encore Youssef Zouaoui qui a eu la malchance d'avoir un des joueurs, Tarek Dhiab, suspendu par Mohamed Kraïem, cette équipe nationale a la possibilité de se qualifier au Mondial mais l'ex-ministre des Sports ne l'a pas voulu et c'est bien dommage pour nos joueurs et pour le football tunisien, certes je n'ai pas eu la chance de marquer pendant ma carrière mais j'ai fait des assists pour tous mes coéquipiers du CA et de l'Equipe de Tunisie. Evoquant l'après-retraite, Chahat nous a souligné qu'il a fait son come-back à l'ESRadès comme joueur, puis comme président de section de football en 1995. «J'ai profité du projet du duo Hassen Macouch et Kamel Kolsi pour avoir successivement des diplômes de LV1, LV2, 1er et 2e degrés. Il ne faut pas oublier que j'ai joué 40 matches avec le onze national. Je saisis cette occasion pour remercier Noureddine Ben Hammed, Raouf Mansour, Ezzeddine Bach, Hédi Ben Romdhane, feu Férid Mokhtar, Azouz Lasram et Abdelmajid Sayadi». Chikhaoui mérite d'être rappelé Evoquant les chances de l'Equipe de Tunisie au Mondial 2018, Chahat nous a affirmé : «Certes, notre groupe est assez robuste mais sur un match tout est possible et nos chances sont intactes. Si nous évoluons comme on l'a fait face au Costa Rica, notre onze national aura une chance face à l'Angleterre et la Belgique. Je connais mon ami Nabil Maâloul, il a assez d'atouts pour préparer un ensemble rodé et compétitif. Seulement, il est inconcevable de ne pas rappeler Yassine Chikhaoui qui évolue au Qatar. Il doit avoir une chance surtout qu'il a été blessé il y a si longtemps en équipe nationale. A mon avis, il est assez fort pour être utile». Mordu de formation des jeunes, Chahat a vite fait le projet d'une académie : «Cela fait 12 ans que je forme des jeunes pour des clubs. A titre d'exemple, j'ai alimenté le CA et l'ESt par des jeunes très doués. J'ai aussi renforcé l'effectif du CSHL par Mahmoud Ben Lazrag et Malek Jamel, de grands joueurs d'avenir. Même le PSG a un joueur sorti de mon académie, en l'occurrence Bayram Bouallègue qui joue actuellement en CFA. Je saisis cette occasion pour dénoncer l'indifférence de la FTF à mon égard, et ce, sur mon argent après avoir subi deux opérations suite à ma blessure à Séoul. Je rends hommage à feu Farid Mokhtar qui m'a envoyé en France pour me faire soigner sous la conduite de Dr Bosquier. Son mérite était grand. Il était pour moi comme un père, ami et frère. Cette race de dirigeant est en voie de disparition. Je déplore aussi l'ingratitude de quelques personnes qui ont attaqué Slim Riahi qui a certes manqué d'expérience, mais a versé des millions et des millions au CA. Parlant du niveau de notre championnat, l'arrière gauche de charme clubiste nous a donné les éclaircissements suivants : «Notre championnat possède un niveau appréciable mais le mal vient des problèmes extrasportifs qui entravent la bonne marche de notre compétition. Il y a aussi la faiblesse manifeste des joueurs étrangers qui ne cessent de mettre nos jeunes footballeurs en sourdine. Les entraîneurs de tous les clubs ne travaillent seulement que pour sept postes. C'est aberrant. Il est temps que la DTN revoie le problème des joueurs étrangers. Je suis pour leur interdiction dans le football tunisien», a conclu Chahat. Il a aussi mis en exergue ses amitiés avec Slim Ben Othmane et Mounir Jaïez. Aujourd'hui, Abderrazak Chahat possède un centre de formation de grande renommée internationale. Il est marié et père d'une fille et deux garçons qui se portent merveilleusement bien.