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Les enseignements du scrutin
MUNICIPALES 2018
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 05 - 2018

Maintenant que les jeux sont pratiquement faits et que les élections ont vécu, une lecture sereine des résultats et de leurs retombées est plus que nécessaire. Le désengagement des citoyens, notamment les jeunes, par rapport aux élections ou les doutes sur la capacité des dirigeants à changer les choses doivent être analysés à froid et avec beaucoup de profondeur. Au lieu de se cacher derrière de faux alibis pour expliquer leur échec, les partis ont intérêt à se remettre en question et à revoir leur méthode de travail et leur gestion. Sinon les abstentionnistes ne se contenteraient pas de se tenir à l'écart du processus démocratique, mais ils finiraient par ne plus se sentir concernés par les droits civils et la gouvernance locale. Ce qui impacterait fortement tout le processus démocratique.
Reportées quatre fois, les premières élections municipales post-14 janvier 2014 ont, finalement, eu lieu dimanche 6 mai, et se sont déroulées dans de bonnes conditions. Plus de 60.000 militaires, policiers et gardes nationaux ont été déployés sur le terrain, au cours de cette journée, pour assurer la sécurité du scrutin dans tous les centres du pays. Un déploiement sans précédent, compte tenu des menaces qui pèsent sur le scrutin, notamment par crainte d'attentats terroristes. Un succès, tout compte fait, qui a fait démentir tous ceux qui jouaient aux Cassandre en prédisant l'échec de cette échéance ou son report sine die. En attendant la proclamation des résultats définitifs, prévus pour le 13 juin prochain, la lecture des résultats préliminaires permet de tirer plusieurs enseignements qui pourraient nous édifier sur la nouvelle configuration du paysage politique.
2.074 listes se sont engagées dans cette bataille électorale et près de 53.000 candidats ont formulé l'espoir d'obtenir la confiance des électeurs dans leurs circonscriptions respectives pour briguer un siège parmi les 7.280 mis en jeu. Au cours de trois semaines de campagne « incolore, inodore et sans saveur » (dixit La Presse), ils n'ont pas, pour la plupart, réussi à hisser leur discours au niveau des attentes des citoyens, à la fois indifférents et désabusés. Ils se sont évertués à multiplier des promesses en l'air véhiculant des paroles creuses qui ne convainquent personne. En l'absence d'un vrai débat comme exutoire, en raison, notamment, des interdits et des obligations imposés par l'Instance des élections (Isie) et celle de l'audiovisuel (Haica), les contradictions ont bouillonné et les intérêts partisans ont primé sur l'intérêt général du pays.
Les résultats préliminaires sont venus confirmer la crainte d'une désaffection généralisée des Tunisiens dont nous avons parlé dans un précédent article publiée le 19 janvier 2018. L'abstention a été le grand vainqueur du scrutin avec un taux de 65% des inscrits mais qui est en réalité beaucoup plus important encore. La participation est une donnée importante dans chaque élection et reflète le degré d'intérêt des citoyens pour la politique. Pour calculer le taux de participation lors d'une élection, on utilise généralement la base des inscrits sur les listes électorales pour la comparer avec le nombre des électeurs qui se sont déplacés aux centres de vote le jour du scrutin. Dans le cas des élections municipales, le nombre d'inscrits est de 5.369.892 sur un total d'environ 8.500.000 personnes en âge de voter, soit 63%. Sur ces inscrits, seulement 1.796.151 ont accompli leur droit de vote, soit 33.4%. Or, si l'on calcule le taux de participation sur la base de la population en âge de voter, il descendra à 21% seulement. Ce qui signifie que quatre Tunisiens sur cinq ont boycotté les élections. Une donnée significative qui prouve, si besoin est, qu'ils sont dégoûtés et indifférents aux candidats et leurs discours et désabusés de la politique. Cette forte abstention a sonné comme une raclée pour les partis politiques englués dans leurs conflits internes et incapables d'apporter des réponses à la grogne sociale et à l'attente des populations. Elle est aussi une claque pour l'alliance « sacrée » entre Nida Tounès et Ennahdha qui n'ont même pas réussi à mobiliser le tiers de leurs électeurs de 2014. Elle est, enfin, synonyme d'un malaise général et d'un ras-le-bol, surtout, d'une jeunesse toujours en quête de repères et exprime le rejet d'un «aggiornamento» politique qui s'est opéré à la faveur d'un accord entre deux partis pour se partager le pouvoir et régir ensemble le pays. Une sorte de « mariage d'intérêt » ou encore un vrai faux consensus qui cache « une bonne dose d'hypocrisie et de mauvaise foi».
Entre Nida et Ennahdha, « je t'aime moi non plus »
Mais c'est le parti présidentiel qui sort fortement amoindri de ces élections, arrivant en troisième position derrière les indépendants, véritable surprise du scrutin, et son « allié et rival » Ennahdha avec seulement 20% de l'ensemble des voix exprimées contre, respectivement, 32% et 28% pour les listes indépendantes et les listes islamistes. Soit à 12 et 8 longueurs des deux premiers. Et même si ses dirigeants, parmi les « nouvelles recrues » notamment, tentent de rassurer leur base en cherchant à lui faire « avaler des couleuvres », ils ne font, en fait, que discréditer davantage leur parti aux yeux de l'opinion publique. Imputer cet échec avéré à la seule gestion chaotique du gouvernement et la situation sociale et économique difficile serait se disculper et fuir ses responsabilités. Ils n'ont pas retenu la leçon d'Allemagne et leurs militants, se sentant trahis et en proie au doute, les ont boudés. Nida a cédé beaucoup de terrain à son ancien rival et nouvel allié Ennahdha qui a même puisé dans le « réservoir stratégique nidaiste », à savoir les militants de l'ancien RCD. Situation abracadabrantesque, voire saugrenue, écrivions-nous déjà, d'un parti qui, pourtant, était bien parti pour assurer l'équilibre sur la scène politique nationale et sauver le pays du marasme dans lequel il s'est enlisé au cours des dernières années.
Le mouvement de Rached Ghannouchi qui continue à prôner le consensus et minimiser l'échec de son allié, s'il a perdu beaucoup de sa base électorale de 2011 et de 2014, se trouve conforté par cette première place parmi les partis politiques qui confirme sa position au sein du parlement où son groupe, qui compte 68 membres, a ravi la première place à celui de Nida Tounès. Avec le plus grand nombre de représentants dans les conseils municipaux, Ennahdha pourrait agir dans la gestion des villes, voire imposer plusieurs points de son programme. Contrairement à Nida qui s'est fissuré, le mouvement islamiste a sauvegardé son unité et s'est bien préparé pour « l'examen » des municipales. Il a même mis à profit les reports du scrutin pour affiner ses listes. Par ses moyens, son organisation et sa base militante, il a réussi à mobiliser, beaucoup plus que les autres partis, dans chacune des 350 circonscriptions. En présentant des femmes non voilées et un concitoyen juif à la tête de quelques listes électorales, il a cherché à envoyer un message à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Sa « victoire » présumée est interprétée comme une réponse à ses détracteurs pour leur montrer que « l'Islam et la démocratie pourraient faire bon ménage ».
Le sort des autres partis
Les résultats ont également marqué l'échec des partis formés par les dissidents de Nida Tounès. «Machrou » de Mohsen Marzouk, « la Tunisie d'abord » de Ridha Belhaj et « Bani watani » de l'ancien ministre de la Santé Said Aydi n'ont pas, dès le départ, présenté de listes dans un grand nombre de circonscription, se contentant d'une simple figuration. A l'arrivée, ils n'ont récolté que des miettes. Même l'Union civile dont, ils sont parmi les initiateurs, n'a pas atteint les 2% de l'ensemble des voix exprimées. Véritable fiasco. Il en est de même pour le «harak» de Moncef Marzouki qui a connu un échec cuisant, y compris dans son fief électoral au sud et notamment à Kébili et Tozeur. Il a fait moins, selon les premiers résultats, que le Parti destourien libre d'Abir Moussi qui, en peu de temps, a réussi à s'imposer sur l'échiquier politique. Présent dans seulement 31 circonscriptions sur 350, il a obtenu une quarantaine de sièges, ce qui n'est pas négligeable. Le discours, parfois virulent, de sa présidente reçoit un écho favorable parmi les anciens militants du RCD dissout qui se sentent perdus dans les méandres d'un paysage politique confus et trahis par les anciens hauts dignitaires du parti. D'ailleurs, ce genre de discours pamphlétaire, pratiqué par une autre figure politique, la députée du Courant démocrate Samia Abbou, a un écho auprès d'une autre frange de la population, déçue par le développement des événements au cours des dernières années et la «confiscation de la révolution» par de nouvelles forces politiques. Le Courant a surpassé plusieurs partis et s'est hissé au niveau du Front populaire formé par une coalition de sept partis. Une force montante qui pourrait brouiller les cartes au cours des prochaines échéances.
Le message des indépendants
Et si nous avons laissé les listes indépendantes à la fin de l'article, c'est pour mettre en valeur leur performance. Les 860 listes, dont plusieurs ont été soutenues par des partis politiques, ont réussi à damer le pion aux deux premiers partis du pays en rompant avec leur cogestion calamiteuse des affaires du pays. Réussissant à dépasser la barre des 30%, les candidats indépendants s'imposent comme une donnée incontournable dans le nouvel échiquier politique. L'exemple de l'Ariana est très édifiant à cet égard. La liste conduite par l'ancien constituant, l'universitaire Fadhel Moussa, et composée de jeunes cadres connus pour leur intégrité, a obtenu plus de sièges que les listes de Nida et d'Ennahdha ensemble. Un signal fort de l'envie de rebattre les cartes du paysage politique, constamment brouillé par les luttes intestines et les jeux politiciens qui minent le fond même de la politique et désabusent davantage les Tunisiens. Un message pour exprimer le rejet des credo des partis, leur démagogie. Cette percée inattendue est, en fait, une sanction et une défiance à l'égard des dirigeants du pays. Elle remet en cause un système politique basé sur la prééminence des partis et un mode de scrutin proportionnel aux plus forts restes qui a participé à l'éparpillement des voix et, par là même, des sièges lors de leur répartition. Il est qualifié de « scrutin de non gouvernabilité » par le constitutionnaliste Amine Mahfoudh et qui, selon lui, « a conduit à une situation de non-gouvernance ».
Maintenant que les jeux sont pratiquement faits et que les élections ont vécu, une lecture sereine des résultats et de leurs retombées est plus que nécessaire. Le désengagement des citoyens, notamment les jeunes, par rapport aux élections ou les doutes sur la capacité des dirigeants à changer les choses doivent être analysés à froid et avec beaucoup de profondeur. Au lieu de se cacher derrière de faux alibis pour expliquer leur échec, les partis ont intérêt à se remettre en question et à revoir leur méthode de travail et leur gestion. Sinon, les abstentionnistes ne se contenteraient pas de se tenir à l'écart du processus démocratique, mais ils finiraient par ne plus se sentir concernés par les droits civils et la gouvernance locale. Ce qui impacterait fortement tout le processus démocratique.


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