Comme attendu, les membres du conseil de direction de l'Isie se sont rebellés contre leur président, Mohamed Tlili Mansri, en décidant le gel de ses activités en attendant que les députés le révoquent officiellement. On craint sérieusement pour le sort des élections de fin 2019 au cas où la crise au sein de l'Isie perdurerait. C'était dans l'air et le principal intéressé ou victime déclare que la décision ne l'a pas surpris. Il s'agit du gel par les membres du conseil de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) des fonctions du président de l'Instance, Mohamed Tlili Mansri, en attendant qu'il soit démis officiellement à l'issue d'un vote qui aura lieu à l'Assemblée des représentants du peuple sur la base de la majorité absolue, c'est-à-dire 109 députés au moins qui voteront pour la proposition du conseil de l'Instance. Hier, ils ont été huit sur les neuf membres du conseil de l'instance à voter pour que Mohamed Tlili Mansri soit écarté à titre provisoire de la présidence de l'Isie jusqu'à l'aval ou le rejet par les députés de la recommandation qui leur sera soumise pour mettre fin aux activités du président à la tête de l'Instance. Mais pour quel motif huit membres du conseil de l'Isie ont-ils décidé de se débarrasser de leur président dont ils contestent la présidence depuis le premier jour où il a été élu par l'ARP à la tête de l'Isie ? L'information communiquée sur le gel des activités de Mohamed Tlili ne mentionne aucun motif derrière la décision. Sauf que les indiscrétions ayant filtré du côté de l'Isie parlent d'une faute grave qui aurait été commise par le président dans l'accomplissement de ses fonctions. Et les membres de l'Isie de refuser de dévoiler la nature de la faute grave dont ils accusent leur président. Même Ani Jarboui, considéré comme très proche de Mohamed Tlili Mansri (mais qui a voté pour sa mise à l'écart) a refusé, hier, de révéler, sur Radio Mosaïque, l'erreur qu'a commise le président de l'Instance. De son côté, Mohamed Tlili Mansri se défend en soulignant : «Je n'ai commis aucune faute professionnelle pour mériter cette décision. Je m'attendais à pareille décision dans la mesure où je n'ai jamais bénéficié de l'unanimité des membres du conseil qui veulent mettre l'Instance sous leur coupe». Les législatives et la présidentielle de 2019 sont-elles compromises ? Maintenant que les jours de Mohamed Tlili Mansri à la tête de l'Isie sont désormais comptés, la question qui s'impose est la suivante : comment l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) va-t-elle réagir à la décision du gel des activités du président de l'Instance et quelle réponse les députés vont-ils réserver à la demande qui leur parviendra d'un moment à l'autre les invitant à démettre le président de ses fonctions en application de l'article 15 de la loi organique portant création de l'Isie ? L'article en question dispose, en effet, ce qui suit : «Le président de l'Isie ou l'un des membres du Conseil sont démis de leurs fonctions en cas de faute grave dans l'accomplissement des obligations leur incombant en vertu de la présente loi». La loi stipule également que le Parlement peut décider de démettre de ses fonctions le président de l'Isie au cas où les 2/3 du Conseil de la direction (six membres sur neuf) le lui demanderaient. Les observateurs se posent la question de savoir comment se comportera le Parlement face à cette nouvelle crise en ayant dans la mémoire le feuilleton éprouvant et harassant quand Chafik Bousarsar, ex-président de l'Isie, a démissionné de ses fonctions et que les députés ont mis près de 6 mois pour lui trouver un remplaçant en la personne de Mohamed Tlili Mansri, l'actuel président de l'Isie, qui n'aura passé, en définitive, que quelques mois à la tête de l'Instance alors qu'il était parti pour un mandat de six ans quand il y a été élu l'été 2017. Et les associations spécialisées dans le contrôle des élections de réagir aussitôt informées du déclenchement public de la crise au sein de l'Isie. L'Observatoire Chahed pour le contrôle des élections et le soutien des mutations démocratiques a appelé, hier, «le Parlement à ouvrir une enquête pour connaître la vérité sur ce qui se passe au sein de l'Isie et à procéder rapidement au renouvellement du tiers des membres de l'Isie en remplacement des membres concernés par le tirage au sort (le tiers des membres, c'est-à-dire 3 membres). L'Observatoire Chahed met en garde contre ce qu'il appelle «les conséquences et les répercussions graves de la décision de révocation de Tlili Mansri sur la stabilité du processus électoral», une formule diplomatique pour insinuer que les élections législatives et présidentielle de fin 2019 sont réellement menacées au cas où la crise perdurerait au sein de l'Isie et au cas où le Parlement mettrait plusieurs mois pour trouver un nouveau président à l'Instance et pour renouveler également les trois membres du conseil que le tirage au sort désignera pour quitter l'Isie. Pour Moez Bouraoui, ancien président de l'Association tunisienne de l'intégrité et de la démocratie des élections (Atide), «pour éviter que les prochaines élections de fin 2019 ne soient compromises, il est impératif que l'Isie soit dotée d'un nouveau président d'ici octobre 2018, soit une année avant le rendez-vous électoral comme l'exigent les standards internationaux en la matière». Moez Bouraoui évoque aussi la possibilité du maintien par le Parlement de Tlili Mansri à son poste à la tête de l'Isie et donc le rejet de la décision prise, hier, par huit membres du conseil estimant que le président actuel n'est plus habilité à diriger l'Instance. «Dans ce cas, les huit membres peuvent démissionner, obligeant ainsi le Parlement à renouveler le conseil de direction de l'Isie dans sa totalité. Si cette éventualité se produit, les élections de fin 2019 peuvent attendre», ajoute-t-il.