Le nouveau gouvernement italien est conduit par l'aile dure de l'extrême droite. «Paroles, paroles», chantait Dalida, la petite Italienne devenue superstar mondiale du showbizz. Cet air inoubliable, qui avait, à l'époque, fait un tabac dans toute la planète, est, oserons-nous écrire, de retour, après que le nouveau gouvernement italien a mis à exécution sa promesse de barrer la route aux migrants étrangers qui affluaient massivement sur ses côtes. C'est maintenant fait, puisqu'une première embarcation transportant «les aventuriers de la mer» a été, samedi dernier, empêchée d'accoster au port de l'île de Lampedusa. Déclarée ainsi, et de façon catégorique, persona non grata, ladite embarcation dut, au terme d'une longue attente, rebrousser chemin pour mettre le cap sur... l'Espagne où elle a été, enfin, autorisée à jeter l'ancre. Il n'y a donc pas photo : l'Italie a achevé de fermer sa frontière maritime aux embarcations de la mort, en attendant d'honorer son autre promesse, non moins implacable, de refouler les quelque 500 mille étrangers — dont des Tunisiens —se trouvant en situation irrégulière sur la péninsule. Peut-on en conclure que l'émigration clandestine qui avait longtemps fait souffrir ce pays n'y est plus qu'un souvenir, et que les vagues humaines qui y affluaient par milliers n'ont plus qu'à se dire, la mort dans l'âme, «adieu l'Italie» ? On peut répondre par l'affirmative. D'abord, parce que nos amis italiens en ont apparemment marre, quand on sait qu'ils considèrent, généralement, que les migrants étrangers ont considérablement contribué au développement alarmant et fort inquiétant des phénomènes de la criminalité et du... terrorisme, une bonne partie de ces migrants qui ont réussi à gagner l'Italie s'étant avérés des jihadistes ayant fui des foyers de tension ailleurs pour venir s'implanter dans ce pays à des fins macabres. Ensuite, parce que le nouveau gouvernement italien est conduit par l'aile dure de l'extrême droite. Ruée sur... le taureau Maintenant que l'Eldorado italien est devenu un rêve impossible, que vont faire les accrocs de l'émigration clandestine ? Sur quelle(s) côte(s) se rabattront-ils ? Réussiront-ils à relever le défi? En attendant ce que décide le sommet qui réunira incessamment les pays européens autour de cette question, une première «lueur d'espoir» pointe à l'horizon : l'Espagne. Un pays qui semble, il est vrai, et pour le moment, le plus tolérant, donc le plus accueillant, comme en atteste son geste humanitaire vis-à-vis de l'embarcation refoulée d'Italie dont on a parlé ci-haut. Une lueur d'espoir, soit. Mais sans doute au prix fort, étant donné que la traversée sera plus longue donc plus risquée et, par conséquent, plus coûteuse pour les candidats têtus à la «harga». «L'Espagne, vous dites ? Mais je suis même prêt à aller par mer... au Brésil», lance l'un d'entre eux, sous couvert de l'anonymat bien sûr. «Je connais, poursuit-il, des amis qui sont parvenus à arriver en Espagne clandestinement, avant de gagner la France et les autres pays européens. Et j'ai juré de leur emboîter le pas». A voir la détermination et l'assurance que dégage le propos de notre interlocuteur, on a l'impression, la nette impression, que les solutions de rechange ne manquent pas et que le... taureau ibérique a déjà volé la vedette aux spaghettis italiens ! C'est que les barons des traversées illégales, jamais en panne d'idées, ne sont pas de ceux qui lâchent facilement prise. Vous leur bouchez une issue et ils en dénichent une autre et, s'ils subissent un revers, ils se rachètent bien vite. Après avoir abandonné la piste italienne, ils vont assurément s'engouffrer dans celle de l'Espagne. Et cela, selon leurs stratagèmes qui n'échappent pas au flair de la police, en y arrivant soit via les côtes des gouvernorats de Bizerte et de Nabeul, soit carrément via les eaux territoriales marocaines qui donnent sur Gibraltar, ultime terminus avant d'atterrir au pays de la tauromachie. Pour ceux qui ont la chance d'avoir leur passeport, l'odyssée sera moins pénible d'autant plus qu'il suffit seulement de faire le voyage aérien Tunis-Casa pour être... à un vol d'oiseau de l'Espagne. Le sud, quel manque à gagner ! Dans la foulée, l'île de Kerkennah, on en parle encore. Non pas comme étant le théâtre de l'une des pires catastrophes humaines connues par la Tunisie, mais plutôt comme une région qui a presque totalement vaincu l'émigration clandestine, suite au sursaut ravageur des autorités qui, tout en faisant le siège de l'île, ont pu récemment en démanteler les principaux réseaux et en arrêter les boss les plus notoires. Ces derniers, désormais hors d'état de nuire, ne comptent plus les dégâts : peine de prison, fortune gaspillée et perte d'une clientèle solide et «généreuse», parce que constituée de migrants tunisiens mais aussi d'étrangers venant, en transit par la Libye, de lointaines contrées africaines. Pour ceux-ci, il n'y a plus qu'à choisir entre un départ lourd de conséquences à partir des eaux territoriales libyennes, ou une traversée non moins risquée à partir des régions du centre et du nord du littoral tunisien. Cela revient à dire que, justement, dans ces régions encore fertiles et prenables, il y a vraiment du pain sur la planche pour les autorités tunisiennes. Pourvu que les lendemains nous contredisent !