L'épilogue de la crise laitière est-il pour bientôt ? Echaudés par le coût excessif de la production, les éleveurs n'hésitent plus à crier leur colère, en bradant leur cheptel et en abattant leurs vaches laitières. Ils lancent un vrai cri de détresse Pour les professionnels du secteur, il n'y a qu'une alternative : sauver la filière en consentant une majoration immédiate et inévitable du prix du lait demi-écrémé, en le vendant à 1,300 le litre, au lieu de 1,120 actuellement ou recourir à l'importation, moyennant des devises précieuses, en procédant à l'importation et dans ce cas le prix du litre serait de l'ordre de 1,700 Il est à rappeler que la filière laitière regroupe 112.000 éleveurs.La majorité d'entre eux sont de petits producteurs possédant 2 ou 3 vaches. L'on compte également 250 centres de collecte et une dizaine d'industriels. Cette filière a permis, avec l'appui de l'Etat, d'atteindre l'autosuffisance en matière de lait depuis l'an 2000 avec une production annuelle de l'ordre de 1,4 milliard de litres et une consommation de 110 à 120 kg d'équivalent lait par tête d'habitant. N'empêche, depuis pratiquement une année et sous l'effet de la forte dépréciation du dinar tunisien et les répercussions directes sur le prix des aliments du bétail, en l'occurrence le soja et le maïs, sans parler de l'enchérissement du coût de l'énergie des emballages industriels et partant tous les intrants nécessaires, les intervenants, en particulier les éleveurs, travaillent à perte. Par ailleurs, il y a lieu d'ajouter que le prix du lait industriel n'a connu aucune variation depuis janvier 2015. De ce fait, le lait en Tunisie reste le moins cher dans la région méditerranéenne. Pour faire face à cette situation qui menace sérieusement la pérennité de la filière qui vient d'enregistrer, pour la première fois, une baisse annuelle de la production de l'ordre de 5%, les trois acteurs déterminants du secteur, soit les trois chambres syndicales : productions, centres de collecte et industriels ont signé avec les ministres concernés, Agriculture et Commerce, le 17 avril 2018 un pv portant sur le principe d'augmentation du prix du lait, juste après le mois de Ramadan. De même une réunion de suivi a eu lieu, avec les mêmes ministres, le 21 juin pour statuer sur le montant de l'augmentation. Depuis, on n'a rien vu venir. D'après certaines sources, l'augmentation devrait être de l'ordre de 200 millimes par litre, ce qui permettra aux éleveurs d'encaisser 134 millimes par litre de lait produit. Pour les professionnels du secteur, il n'y a qu'une alternative : sauver la filière en consentant une majoration immédiate et inévitable du prix du lait demi-écremé, en le vendant à 1,300 le litre, au lieu de 1,120 actuellement ou recourir à l'importation, moyennant des devises précieuses, et dans ce cas le prix du litre serait de l'ordre de 1,700. Mahdia, bassin laitier ? La crise est sérieuse à Mahdia. Du 15 juin 2017 au 15 juin 2018, 180 éleveurs ont mis la clef sous le paillasson, et ont soit changé d'activité ou émigré. Ils n'acceptent pas de travailler à perte. De ce fait, la production a chuté de 20%. Les connaisseurs du secteur affirment que d'ici 2020, il n'y aura plus de reconstitution du cheptel, vu l'abattage anarchique et sans contrôle vétérinaire de femelles, le bradage de vaches laitières et la démotivation à tous les niveaux. M. Rachid Aroui, agriculteur connu, fulmine et ne trouve plus les mots pour qualifier la situation : «Je possède 5 vaches, et je n'arrive plus à m'en sortir de cette situation dramatique, Je peine à nourrir mes animaux, mes recettes sont insignifiantes par rapport à ce ce que je dépense. Je trime nuit et jour en me faisant aider par les membres de ma famille et en redoublant de vigilance pour ne pas me faire voler. Mais je n'arrive pas à m'en sortir. Bientôt, je serai acculé à céder, et à vendre mes vaches. Mes enfants sont découragés et m'incitent à me défaire de ce fardeau». Un même son de cloche se fait entendre dans tout le milieu rural. Les éleveurs souffrent le martyre et ils le font savoir. Mohamed Sioud, directeur de la coopérative laitière, ne cache pas sa déception et sa colère,en préconisant de libéraliser le secteur. Il appelle, pour l'heure, à une majoration immédiate du prix du lait. La prime de collecte doit être revue à la hausse, sans délai, pour sauver ce qui peut l'être. Il insiste également sur la nécessité de mieux contrôler les circuits de distribution. Mahdia risque de ne plus être ce bassin laitier qui a fait les beaux jours d'un secteur qui faisait la fierté de tous ceux qui ont œuvré pour cet exploit de naguère. M.M.