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«Le divertissement ne fait pas le citoyen»
Entretien du lundi — Sonia mbarek
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 07 - 2018

Ex-ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, docteur en Sciences politiques, enseignante universitaire spécialisée en droits de l'homme et droits d'auteur, consultante experte en diplomatie & politiques culturelles et gestion des festivals, artiste-interprète, Sonia Mbarek travaille actuellement sur un nouveau projet dont elle est l'initiatrice «Etats et cultures au Maghreb». Elle nous en parle.
Vous êtes lauréate du Prix Fatima El Fahria pour la promotion de l'accès de la femme à la formation et aux responsabilités professionnelles en Méditerranée pour l'édition 2018...
Effectivement ! Je poursuis mon parcours d'universitaire et d'artiste d'ailleurs... Pour le mois d'août, je me prépare pour une série de conférences et Master class à Boston et à un concert unique à New York au Merkin concert hall. Sonia Mbarek c'est aussi l'enseignante universitaire et la «chercheur». D'ailleurs depuis des années j'ai été dans la recherche et l'enseignement à l'Institut supérieur de musicologie. J'enseigne les droits d'auteur qui est l'une de mes spécialités.
Vous êtes également chercheur associé à la Faculté de droit et de sciences politiques de Tunis et vous êtes en train de travailler sur un grand projet «Etats et cultures au Maghreb».
La région du Maghreb est aujourd'hui face à beaucoup de défis : politiques, économiques, ou sociaux et la culture au sens large du terme est appelée à jouer un grand rôle au milieu de toutes ces mutations. C'est un travail qui va me prendre des années mais c'est aussi un travail que je supervise et coordonne puisque mon idée de travailler sur le Maghreb m'interpellait fortement. Je me suis déjà lancée et à la rentrée nous prévoyons notre premier colloque en novembre que j'organise à la faculté de Droit.
Quel est en substance le concept de ce projet ?
Comment faire interagir les politiques culturelles maghrébines pour construire une politique culturelle intégrée ? C'est le point de départ de ce projet. Il y a eu l'expérience de l'UMA qui, malheureusement, n'a pas abouti malgré le potentiel énorme qui existe. Personnellement je défends l'idée suivante : puisque nous n'avons pas encore réussi au niveau politique et social nous pouvons trouver des passerelles au niveau culturel et nous devons les trouver. Et peut-être qu'à travers ces passerelles et les institutions bilatérales ou trilatérales, on pourra résoudre les problèmes jusque-là irrésolus sur le plan politique, social et historique. Ce qui m'importe dans tout cela c'est de pouvoir fédérer, autour de cette recherche (qui va prendre des années avec des partenaires dans le monde entier), des chercheurs, des médias et des journalistes qui doivent être présents avec nous pour donner leur avis ainsi que la société civile.
N'est-ce pas un projet ambitieux d'autant plus qu'il existe un énorme problème de circulation des personnes dans le Maghreb ?
Je ne dis pas qu'on va réussir le pari à cent pour cent mais on pourra sûrement réussir à mettre en place une ou deux institutions qui peuvent mener ce travail à terme. C'est pour cela que j'ai parlé il y a bien longtemps des pôles culturels maghrébins. Un pôle cinéma par exemple pour qu'il y ait une symbiose entre les compétences de la Tunisie, du Maroc et de l'Algérie. Dans ces trois pays, il y a un potentiel énorme, même si au niveau de la gouvernance culturelle on n'a pas les même logiques.
Quels sont les objectifs de ce projet ?
Nous espérons au moins apporter quelques recommandations et surtout des indicateurs pour le premier objectif. Pour le deuxième, il s'agit de réconcilier les Tunisiens et les Maghrébins en général avec leur culture plurielle et diversifiée. La cible qui m'intéresse dans ce sens sont les jeunes parce qu'ils ont besoin d'un projet et je pense que ça ne peut être qu'un projet culturel qui les associe. Quand j'étais ministre de la Culture, j'ai défendu une approche participative et solidaire de la culture. Il s'agit également de sortir par ce projet culturel de ce sentiment d'exclusion sociale qui conduit à la violence et à l'extrémisme.
Vous pensez vraiment que le problème est essentiellement le manque de projets culturels ?
La démocratie est une question de culture ! On ne peut pas se dire qu'on va devenir démocrates en deux ou en sept ans parce que c'est une question d'éducation et de respect. La démocratie est une révolution à l'intérieur de chaque individu et cette révolution ne peut être que culturelle.
Pourquoi selon vous certains jeunes ne se sentent plus appartenir à leur pays ?
Parce qu'il n'y a pas de projet culturel et sociétal qui les valorise, qui les écoute. À une certaine époque, il était justifié que l'Etat était le concepteur du projet culturel qu'il intégrait à son plan de développement mais à un certain moment ce projet s'est transformé en culture officielle. Personnellement je combats cette standardisation et je trouve qu'elle a des conséquences que je qualifierais de catastrophiques, et cela nous l'avons vécu les dix dernières années avant 2011. Par contre je m'inscris dans la démarche qui contribue à l'éclosion de ces jeunes et leur permet de récupérer l'espace public. Ces jeunes doivent s'épanouir dans les centres culturels qui, paradoxalement, sont fermés pendant le week-end... Mais pour cela il faut du temps et une stratégie à moyen et à long terme.
Pourquoi n'a-t-on pas réussi à sortir de la standardisation culturelle malgré les ministres (qui sont après tout relativement jeunes) et qui se sont succédé à la tête du ministère de la Culture ?
Le problème à mon avis c'est le modèle de gouvernance, qu'elle soit économique ou culturelle. On est toujours dans le cadre d'un Etat providence. Or, l'Etat ne peut plus faire cela. Puis il s'agit de mettre fin à l'idée que l'administration détient la vérité absolue. Il s'agit d'en finir avec le formalisme administratif. Pour ne citer qu'un exemple : le décret d'application de la loi sur le partenariat public/privé est beaucoup plus compliqué que la loi elle-même ! Nous avons encore beaucoup de défis à relever mais pour moi tout commence par l'approche suivante : que pense le politique de la culture ? Est-ce un instrument de divertissement pour lui, ou bien un moyen avec lequel il construit ce projet de transition démocratique ? D'après moi, c'est le centre névralgique de toute la question.
Dans votre livre vous parlez du «règne de la culture du divertissement». Faut-il mettre fin à cette culture qui était un instrument entre les mains des anciens régimes ?
Je n'ai jamais dit qu'on doit mettre fin au divertissement mais construire la politique culturelle sur le divertissement sous-entend qu'on emprunte un chemin vers l'ignorance. Je défends la culture du savoir parce que le projet culturel est fait de savoir. Dans ce sens j'aurais souhaité que l'appellation du ministère de la Culture ne soit pas «les Affaires culturelles» mais plutôt «ministère de la Culture et de la démocratie» parce qu'il y a une culture démocratique, ou bien «ministère de la Culture et des nouvelles technologies» parce que notre défi aujourd'hui c'est d'entrer dans cette ère nouvelle dominée par les nouvelles technologies. A mon avis, il faut sortir de cette vision limitée de la culture et des arts «pour le divertissement». Le divertissement est une donnée qui doit exister mais on est également appelés à construire un citoyen ou un esprit citoyen et cela on ne peut pas le faire avec le divertissement. Il y a deux projets qui me tenaient à cœur quand j'étais en charge du ministère et qui heureusement ont été lancés : l'école culturelle et la vulgarisation des pratiques culturelles dans le milieu carcéral. C'était parmi les projets qui ont prouvé la réussite de la coopération interministérielle. Ce sont aussi des projets dont l'objectif était de construire un potentiel citoyen.
En tant qu'auteur de «Le statut du musicien en Tunisie», pourquoi selon vous l'artiste peine-t-il toujours à avoir un statut en Tunisie ?
L'artiste est dans le monde entier une sorte de «outsider» qu'il est difficile à enfermer dans un carcan. Mais il se trouve que dans les sociétés où nous vivons c'est l'artiste qui revendique l'intervention de l'Etat et le recours à la loi pour que son métier soit reconnu. En Tunisie il y a un paradoxe. Il y a une profusion d'artistes sans précision aucune puisque au niveau de la législation il n'y a aucune définition ni de l'artiste ni du musicien. Tout est aléatoire. Sur le plan musical, par exemple, on a donné une place principale à l'interprète et on a complètement occulté la question de l'auteur de l'œuvre. Cet acteur essentiel est complètement dénié aujourd'hui.
Pourquoi publiez-vous ce livre «Le statut du musicien» aujourd'hui ?
D'abord c'est une synthèse de ma thèse de doctorat. La question du statut que je traite dans ce livre et qui fait peut-être son originalité n'est pas uniquement abordée par le côté juridique. Mais l'idée c'est de pouvoir entremêler le statut juridique, la loi, la réglementation, un état des lieux de cette réglementation et le statut institutionnel. L'autre dimension est relative au rôle symbolique ou les rôles que devrait avoir l'artiste en général dans son pays. Donc j'ai travaillé sur ces trois dimensions : l'aspect juridique, l'aspect institutionnel et l'aspect sociologique ou la place de l'artiste dans la cité. Il y a une lecture de cette législation qui est aujourd'hui désuète et une réflexion au niveau des droits d'auteur avec ses défaillances également et puis il y a une partie réservée à la loi sur la carte professionnelle et artistique qui date de 1969 et qui est appelée à mon sens à changer voire à disparaître.
Pourquoi ?
Parce que cette loi de 1969 est discriminatoire. Elle permet à celui qui détient la carte d'avoir les avantages de la couverture sociale ainsi que de la retraite. Or, personnellement je défend l'idée que ces avantages soient étendus à tous les artistes. De façon à ce que le point central qui donne ce statut est le contrat qui lie l'artiste avec celui qui organise le spectacle. Un contrat peut garantir tous les droits d'un artiste aussi bien ses droits d'auteur que la cotisation qui doit être versée à la caisse de solidarité sociale, etc. Il s'agit aussi de distinguer les contrats professionnels des contrats amateurs mais il faut généraliser la profession.
Vous continuez à croire à l'art comme moyen pour élever l'homme à un rang supérieur ?
Tout à fait et je trouve qu'on n'est pas en train de valoriser l'art et particulièrement la musique. Mandela disait que la musique peut servir la politique mais la musique est beaucoup plus puissante que la politique. Aujourd'hui l'art est un enjeu très important. Les politiciens doivent s'y intéresser, ne serait-ce pour faire redémarrer la machine économique. Les politiciens ont un grand rôle à jouer dans ce sens, tout comme ils sont aussi appelés à se regarder dans le miroir en répondant à cette question : êtes-vous toujours à l'écoute des gens qui vous ont élu ?... Enfin, tout ce que j'espère c'est que la Tunisie soit un projet de transition démocratique pilote. .


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