Les travaux de la cinquième conférence économique africaine ont démarré, hier, à Tunis. On rappellera que cette conférence qui vise, de par son thème, à «établir un plan d'action pour la relance économique et la croissance à long terme de l'Afrique» est conjointement organisée par la Banque africaine de développement ( BAD) et la Commission des Nations unies pour l'Afrique. Les thèmes identifiés dans le cadre de cette conférence touchent les priorités de développement en Afrique, notamment l'exploitation des partenariats mondiaux pour le développement de l'Afrique, l'analyse de la pauvreté, l'intégration régionale, le développement financier, le développement du secteur privé, la mobilisation des ressources intérieures et des transferts de fonds, la finance au service de l'Afrique. M.Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a indiqué, à cette occasion, que les économies africaines ont mieux résisté que les autres économies à la crise économique, enregistrant une forte croissance économique (+5%) et du commerce (+ 6%). En outre, les exportations africaines ont progressé vers les pays asiatiques et d'Amérique latine. Dans la perspective de capitaliser cette forte croissance, M. Lamy a fait trois propositions. Premièrement, l'accent doit être mis sur la diversification des exportations africaines, l'amélioration des qualifications de la main-d'œuvre du continent et l'investissement dans les services. Deuxièmement, il s'agit de bien mener les négociations dans le cadre du cycle de Doha, notamment pour les exportations agricoles africaines. L'objectif est de lutter contre les barrières tarifaires et les subventions commerciales mises en place par les pays riches. L'issue des négociations de Doha est primordiale pour le continent, a-t-il affirmé. Troisièmement, il importe de réduire la forte dépendance des exportations africaines d'un nombre limité de marchés et diversifier les débouchés commerciaux. Le directeur général de l'OMC a précisé que l'obstacle qui entrave l'intégration de l'Afrique au commerce mondial consiste en le déficit en matière d'infrastructure et notamment de transport, appelant à développer la connectivité des infrastructures africaines. La Tunisie, a indiqué M. Lamy, constitue un exemple en matière d'insertion à l'économie régionale et mondiale. Il a évoqué les réformes mises en œuvre par le pays avec "patience et constance", en procédant à un subtil dosage entre "ouverture économique et politique publique menée par l'Etat". L'exemple de la Tunisie constitue un enseignement plus convaincant, que l'élaboration de simples théories, a-t-il conclu. La voix de l'Afrique M.Donald Kaberuka, président de la BAD, a souligné, pour sa part, que la voix de l'Afrique doit se faire entendre. Le continent, qui a enregistré au cours de la dernière décennie une forte progression, est sur la trajectoire de la croissance. Il a rappelé que des réformes macroéconomiques ont été mises en œuvre, ce qui a permis aux pays du continent de résister à la crise économique. Toutefois, a-t-il poursuivi, le continent reste pauvre et progresse lentement. Etant donné que chaque pays africain présente des conditions différentes, il importe de mener des expériences empiriques pour définir des solutions de relance économique. Cette relance, estime le président de la BAD, devrait être axée sur l'intégration économique, la bonne gouvernance et la contribution du secteur privé aux efforts de développement. De son côté, M.Abdoulie Janneh, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA), a rappelé que l'Afrique a enregistré un taux de croissance de 5% cette année et devrait atteindre un taux similaire l'année prochaine. Si l'Afrique réalise de bons scores, les perspectives économiques mondiales incitent à la prudence, a-t-il toutefois relevé. Il a évoqué, à ce niveau, les politiques d'austérité budgétaire menées par les pays riches, ainsi que les dévaluations compétitives des monnaies menées par certains pays, lesquelles ont des incidences sur les exportations africaines. Il a réitéré que l'Afrique doit se faire entendre et freiner les tendances protectionnistes, appelant pour cela à l'intégration régionale, la diversification économique et la mobilisation des financements nécessaires à la relance économique du continent noir. M. Tegegnework Gettu, secrétaire général adjoint et directeur du bureau régional pour l'Afrique du Pnud (Programme des NU pour le développement), a appelé, pour sa part, à poursuivre les réformes économiques dans les pays africains, promouvoir les systèmes de protection sociale, accroître l'élasticité de la croissance, assurer une distribution plus équitable des revenus, améliorer la productivité agricole et renforcer la participation des femmes dans les efforts de développement. La Tunisie constitue à ce niveau un bon exemple, a-t-il soutenu, indiquant "le pays a entrepris des investissements ciblés et mené des programmes dynamiques pour assurer sa croissance économique" . M.Njuguna Ndungu de la Banque centrale du Kenya, a précisé qu'il fallait identifier, d'abord, les scénarios qu'on peut appliquer en Afrique et cerner les priorités du continent en matière de développement. Il a, à ce propos, souligné qu'on parle souvent de déficit en matière d'infrastructure et d'énergie et qu'il était important de se pencher, de près, sur les actions à entreprendre en vue de pallier ces déficits. Le conférencier a, en outre, rappelé que les solutions et les stratégies doivent être établies en prenant compte des particularités régionales et de certains problèmes spécifiques, ajoutant qu'il était essentiel de résoudre les contraintes aussi bien au niveau national qu'international et de veiller à mobiliser les ressources disponibles afin de développer l'infrastructure en Afrique. M.Ndungu s'est, en outre, attardé sur l'importance d'établir des partenariats dans ces secteurs prioritaires. Zephirin Diabre de «Areva» a, de son côté, traité la question de l'étude du marché chinois en tant que partenaire potentiel pour l'Afrique. Il a relevé, à ce propos, que la relation avec la Chine est complexe et qu'elle apporte autant d'avantages que de risques. On constate, en effet, qu'on n'a pas de feuille de route ni de stratégie pour cerner ce partenaire, a-t-il souligné. Il a évoqué, d'un autre côté, un glissement au niveau des partenariats économiques de par le monde, relevant qu'il y a de plus en plus de flux financiers sud-sud. S'agissant du partenariat que l'Afrique aurait avec les nouveaux pôles économiques tels que la Chine et l'Inde, il a noté que cette orientation découle de plusieurs facteurs et est confortée par une opinion publique favorable, une opinion qui a toujours critiqué la position de supériorité véhiculée par le partenaire occidental. Il a d'un autre côté relevé que comme il y a des opportunités, le partenariat avec la Chine se rattache à un certain nombre de risques, précisant que six zones de tension ont été identifiées à ce niveau. Il s'agit, notamment, de la concurrence directe sur le marché intérieur, la concurrence indirecte véhiculée par les Chinois sur certains marchés tels que le Bangladesh et le Vietnam, le manque de capacités locales et les pratiques nuisibles envers l'environnement.