Le ministre de l'Education a pris les devants. Hatem Ben Salem et ses proches collaborateurs ont décidé de sauter à l'eau. Quitte à naviguer à contre-courant. L'administration paperassière serait en passe de battre de l'aile, en partie. Et pour cause. C'est la source par excellence de la corruption, du favoritisme, des passe-droits et des réseaux parallèles. Le ministère de l'Education, la Poste, les banques publiques et privées, la monétique, tout le monde s'y est mis cette année. Pour l'année scolaire 2018-2019, l'inscription dans les collèges et lycées secondaires ne sera possible qu'à distance à travers Internet ou via le téléphone portable et ce, à partir d'aujourd'hui, 29 août. Soit. Une décision courageuse et novatrice. Encore faut-il la mener à bout. D'autant plus qu'elle concernera près d'un million d'élèves. Et, aux dernières nouvelles, les fax ont été relégués aux oubliettes au département de l'Education. Ce qui n'a pas fait que des heureux. N'empêche. Le ministre de l'Education a pris les devants. Hatem Ben Salem et ses proches collaborateurs ont décidé de sauter à l'eau. Quitte à naviguer à contre-courant. L'administration paperassière serait en passe de battre de l'aile, en partie. Et pour cause. C'est la source par excellence de la corruption, du favoritisme, des passe-droits et des réseaux parallèles. Bref, de cet air feutré et vicié qu'on sent dès qu'on met les pieds dans une administration ou qu'on a affaire à elle. C'est-à-dire, pour les mortels administrés que nous sommes, toute la vie durant. Et puis, qui peut le plus peut le moins. À l'instar des examens de fin d'année, toutes instances confondues, la rentrée scolaire est l'une des opérations les plus complexes. On s'y prend carrément une année à l'avance. Près de deux millions de familles tunisiennes s'y investissent corps et âme. Moyennant bourses déliées et angoisse du lendemain aussi. Pour l'éducation de ses enfants, le Tunisien lambda consent tous les sacrifices, ne recule devant rien. Non sans épreuves, ressentiment et rancœurs. Suffit-il que l'administration centrale daigne faciliter les protocoles obligés et leur lot de procédures, on respire. Et puis il y a cette guerre contre la corruption qui revient dans les discours des hauts responsables comme un vieux serpent de mer. Et qu'à force d'invoquer sans matérialiser partout, on finit par ranger volontiers dans le rayon des slogans creux. Or, la corruption a, en très grande partie, une relation de cause à effet avec l'administration. Avec ses relais secrets, ses zones grises, la frange de son personnel à l'affût de la douteuse affaire juteuse, du coup tordu. La bonne gouvernance et la transparence en prennent un sacré coup. Quotidiennement. Sous les oripeaux clinquants du silence complice, des marchandages à demi-mots, codés, tout en subterfuges, manigances et traquenards. Considérée sous cet angle, une partie non négligeable de l'administration tunisienne s'apparente aux écuries d'Augias. Investie par les réseaux opaques, croulant sous les saletés et les immondices, sur fond d'odeurs putrides et nauséabondes. Et ça se dégrade à vue d'œil. L'accalmie ne semble guère pour bientôt. À la défaveur du laxisme et du laisser-aller en vogue depuis quelques années. Qu'est-ce qui empêcherait dès lors de généraliser la digitalisation à toute l'administration, aux marchés publics, aux appels d'offres et autres prestations de services administratives, monétaires, douanières ? Pourquoi le traitement des situations, des autorisations, des prestations se font-ils toujours à la tête du client ? N'y a-t-il pas anguille sous roche derrière cette obstination à toujours endosser les vieux moules de l'administration éculée, surannée et douteuse ? Autant de questions qui méritent des réponses claires. Et, surtout, un salutaire renversement de la vapeur. D'autant plus que la petite corruption est devenue un fléau qui touche un large spectre de citoyens et de contribuables. Et que, sous prétexte de débrouillardise, on s'y adonne un peu partout, du landau au tombeau en quelque sorte. Parce que, sous nos cieux par la misère de ces jours, des morts touchent des pensions, des primes, votent, ont toujours des comptes en banque, bénéficient d'allocations, font des retraits ! Soyons clairs. Digitaliser l'administration et ses procédures, ici et maintenant, c'est un antidote à la corruption. Dans la bouche de certains responsables, cependant, ce serait un peu comme la fameuse Arlésienne, celle dont on parle toujours mais qu'on ne voit jamais. Et vogue la galère.