La vie est difficile à la campagne pour les enseignants qui non seulement perçoivent une maigre rémunération mais aussi enseignent par ailleurs dans des conditions précaires, voire très précaires. Ils sont des milliers à figurer sur le répertoire des enseignants suppléants affectés à l'enseignement et l'éducation de nos enfants, un peu partout dans le pays, souvent dans des contrées lointaines où les conditions de vie et de transport sont pénibles et où les écoles rurales sont de plus en plus délabrées et se vident ou ferment leurs portes alors que, paradoxalement, le pays souffre d'un manque cruel en instituteurs estimé à dix mille enseignants. Même si le gouvernement a décidé, dès cette nouvelle rentrée scolaire, de revaloriser les salaires des suppléants, que ce soit dans le primaire ou le secondaire et l'amélioration des conditions matérielles et sociales de tous les suppléants affectés avant 2017, soit 7.500 en tout, la question de la précarité dans le secteur de l'enseignement revient comme un leitmotiv au début de chaque année scolaire, parfois même avec insistance, tant le système éducatif est, depuis quelques années, en proie à des turbulences engendrées par les multiples revendications professionnelles et, tout particulièrement, par le manque d'enseignants dans les deux secteurs du primaire et du secondaire. Et la misère de la condition se poursuit toujours pour ces hommes et ces femmes malheureux qui sont soumis aux tourments et aux difficultés de la vie et contraints de se séparer de leurs conjoints et de leurs proches pendant plusieurs jours par semaine, voire plusieurs mois. Amel, institutrice, évoque son long parcours du combattant au sein des écoles primaires de la région du Kef où parfois elle a vécu avec nombre de ses collègues dans des conditions plus que difficiles en pleine campagne en se contentant de peu de moyens pour sa survie, avant de se libérer, enfin, du joug de cette misère qui l'a poursuivie pendant nombre d'années et de voir sa situation s'améliorer avec d'abord son recrutement en tant que stagiaire et ensuite sa titularisation dans l'enseignement primaire et de gravir, plus tard, les échelons de la profession. Quand le transport fait défaut et que les suppléants passent la nuit sur place Plusieurs autres instituteurs sont passés sous les fourches caudines de ces campagnes tunisiennes où le transport fait, malheureusement, encore défaut notamment en fin de journée quand les véhicules de transport rural achèvent leur tournée, souvent, avant la fin des cours, poussant les uns et les autres à rester sur place et à passer la nuit dans leurs écoles, glacés d'effroi dans des salles sombres et sinistres en attendant le lever du jour. Certaines institutrices racontent même avoir eu une grande peur quand elles ont appris que leurs collègues ont failli être agressées, l'un des soirs, par des inconnus Pire encore, les suppléants doivent parfois attendre longtemps pour recevoir leurs maigres rémunérations qui ne satisfont pas leurs attentes et leurs besoins réels. D'autres enseignants mariés, des deux sexes d'ailleurs, sont aussi passés par ce chemin de la honte, loin de leurs conjoints pendant des semaines, ne pouvant les rejoindre tant leurs conditions matérielles sont précaires. Ce cas s'applique aussi à nombre d'enseignants titulaires, qui en dépit des interventions des syndicats n'arrivent pas toujours à se rapprocher de leurs conjoints et se trouvent, ainsi, contraints d'attendre longtemps avant d'être mutés auprès de leur famille. Dans nombre de cas, ils sont affectés dans des zones toujours éloignées de leurs lieux de résidence et doivent faire un long chemin pour rejoindre leurs établissements et, par ricochet, leurs domiciles, ce qui rend le métier d'enseignant suppléant coercitif et éprouvant, à bien des égards. Régularisation de la situation des suppléants Le ministère de l'Education a, certes, annoncé que cette situation devrait changer et qu'un effort sera fait pour améliorer les conditions de travail de tous les enseignants, dès cette année, qu'ils soient suppléants ou titulaires, mais cela reste encore tributaire de la trésorerie de l'Etat, actuellement en mauvaise posture, ce qui nécessitera encore plus de sacrifices, essentiellement de la part des suppléants, devenus plus nombreux ces dernières années, aussi bien dans le primaire que le secondaire. Les syndicats déplorent même la précarité des conditions matérielles des enseignants et ont beau appeler à une action rapide pour mettre fin à leur calvaire, notamment dans les zones rurales défavorisées où le transport est difficile et la vie est dure, à cause aussi du manque des moyens de loisirs et de certains produits de consommation, y compris le pain, souvent introuvable. Mais les choses ont peu changé et il va falloir attendre probablement encore longtemps pour voir l'école tunisienne changer et garantir les meilleures conditions de réussite aussi bien aux enseignants qu'aux élèves, au demeurant, au cœur de toute opération éducative et pédagogique.