Des milliers d'élèves parcourent plus de 5 km à pied pour aller à l'école. Outre la précarité des conditions matérielles des familles, surtout en milieu rural, la dégradation de l'environnement avec la présence de reptiles dans les pourtours de certaines écoles rurales, l'état de délabrement de beaucoup d'établissements scolaires, le transport scolaire fait défaut dans plusieurs localités, le ramassage scolaire n'est pas assuré dans beaucoup de villages reculés à cause de la dispersion des habitations et l'état déplorable des pistes qui deviennent impraticables à la moindre pluie. D'où le calvaire des jeunes élèves âgés entre 6 et 11 ans sur les routes du savoir et qui sont contraints de parcourir plusieurs kilomètres à pied avec tous les dangers des crues, des délinquants et des animaux sauvages. Affrontant chaque jour des moments difficiles avec la peur au ventre, ces bambins sont livrés à eux-mêmes dans des contrées oubliées. C'est ce qui explique, en grande partie, l'échec et l'abandon scolaire. D'ailleurs, le taux général de l'analphabétisme dans le gouvernorat de Kairouan est de 33,8% et on a recensé 161.343 analphabètes, dont 104.960 femmes et et 56.478 hommes. Ines Rebhi, 18 ans, originaire du village montagneux de Traza (délégation d'El Ala) nous parle de son amertume de n'avoir pu continuer ses études… «Je n'ai pas eu la chance de terminer mes études à cause des conditions indignes et dangereuses de déplacement vers l'école primaire et de la pauvreté de mes parents qui n'ont pas pu assurer les charges de mes dépenses scolaires. D'ailleurs, beaucoup de mes jeunes voisins ont abandonné leurs études à cause, d'une part, de l'absence répétée des enseignants qui ne trouvent pas de moyens de transport à cause de l'état vétuste de l'école sans eau potable, sans cantine, sans clôture. Alors comment passer toute une journée sans eau et sans nourriture?». Enquête exhaustive de la LTDH de Kairouan Notons dans ce contexte que les membres de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (secteur de Kairouan) vient de réaliser une enquête relative aux difficultés du transport scolaire dont les répercussions portent préjudice aux résultats scolaires. Cette enquête réalisée, avec la collaboration de la direction régionale de l'éducation et des syndicats, a été basée sur un échantillon de 300 élèves et de 100 parents. Au total, 4.500 élèves font chaque jour plus de 5 km à pied pour atteindre leurs écoles. D'autres ont recours à l'autostop en empruntant des charrettes de fortune, des tracteurs ou des camionnettes transportant des animaux, le jour du souk hebdomadaire, avec tout ce que cela comporte comme risque d'accident ou d'agression malgré l'aspect de solidarité qui caractérise les habitants d'un même village qui n'hésitent pas à dépanner les jeunes élèves n'ayant pas accès au transport public. On apprend par ailleurs à travers cette enquête, que 3.169 élèves empruntent les moyens de transport rural agréés par le gouvernorat à travers des conventions avec 139 chauffeurs dont les véhicules sont en bon état. Au total, 68 écoles sur un total de 254 situées en milieu rural sont desservies par le transport rural. Pour ce qui est de la Soretrak, elle a consacré cette année, 117 bus pour le transport scolaire ont été, mobilisés au profit de 24.017 élèves, ce qui permet d'effectuer 548 navettes par jour. Or, on reproche à la Soretrak la vétusté de la plupart des bus qui tombent souvent en panne et qui ne sont pas ponctuels, ce qui cause beaucoup de tort aux élèves qui arrivent en retard à leurs classes ou qui sont obligés parfois de s'absenter. Tout cela se répercute négativement sur leur scolarité. On se souvient dans ce contexte du cas des 3 élèves de la localité de Jhina qui sont arrivés en retard de 21 minutes, le jour où ils devaient passer l'épreuve de philosophie de l'examen du bac (le 6 juin 2018). D'où leur échec à cet examen, faute de moyen de transport. Par ailleurs, certains collégiens et lycéens n'hésitent pas à emprunter les vélomoteurs de leurs pères afin de pouvoir aller en classe, ce qui représente un danger, vu l'état déplorable des pistes en milieu rural, surtout que ces motos ne sont pas assurées. En outre, 19% des enseignants utilisent leur propre moyen de transport, tandis que d'autres passent leurs nuits dans des salles de classes froides et humides. Et c'est ce qui les pousse à demander leur mutation. Il va sans dire que toutes ces mauvaises conditions de travail ont contribué au dépeuplement de beaucoup d'écoles rurales, telle l'Ecole Magra, située dans une zone montagneuse de Oueslatia, créée en 1962 et qui a contribué au succès de centaines d'élèves. Aujourd'hui, cette prestigieuse école ne compte plus que 60 élèves encadrés par des suppléants! Quelles solutions ? Parmi les recommandations élaborées à la fin de cette enquête réalisée par la Ltdh de Kairouan, on pourrait citer celle relative à la nécessité d'aménager les routes de façon à les rendre praticables, été comme hiver, ce qui permettra à la Soretrak de desservir davantage de lignes, surtout en milieu rural. D'autre part, on souhaite le changement de l'horaire scolaire de façon à ce qu'il y ait une séance unique qui se termine à 15h00, l'augmentation du nombre d'internats et l'amélioration de la qualité des repas servis dans les cantines.