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Origine, objectifs et conceptualisation
La Presse Lettres, Arts et Pensée : Journées musicales de Carthage
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 11 - 2010


Par Dr Leïla Habbachi, Musicologue
Comment les Journées musicales de Carthage peuvent-elles contribuer à la réforme de la musique tunisienne? C'est une des questions que posent les musiciens et la critique à l'approche de cette manifestation. La réponse à la question nécessite, au préalable, de comprendre quelles sont les limites ou les causes qui ont amené le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine à transmuter le festival de la musique (ex- festival de la chanson) en Journées musicales. Puis, à la lumière de cette élucidation, d'analyser les objectifs que le comité d'organisation projette de leur assigner.
Aperçu historique
La Presse du 16 janvier 1987 a publié une information selon laquelle le ministère des Affaires culturelles(1), «ayant examiné plusieurs questions relatives aux activités musicales avec la commission sectorielle de la musique, a appelé à l'animation de la saison d'hiver par l'organisation de spectacles artistiques tunisiens dont les meilleures productions seront présentées lors des festivals d'été. D'autre part, le principe de l'organisation d'une conférence nationale sur la musique a été approuvé avec pour but de débattre des problèmes liés à la production, au professionnalisme artistique, ainsi qu'à la formation et l'assistance aux artistes».
De ce fait, naîtra le premier festival de la chanson tunisienne qui s'étalera sur trois jours, du 17au 19 février 1987. Cette manifestation avait pour axes directeurs de :
1- Contribuer à l'émergence des caractères spécifiques de la chanson authentiquement tunisienne.
2- Contribuer à l'animation de la vie musicale en Tunisie.
3- Encourager une émulation entre les compositeurs, poètes et interprètes (2).
Deux concours ont été, par ailleurs, prévus, l'un pour la meilleure interprétation de chansons traditionnelles tunisiennes et le second pour la meilleure production de l'année 1986 (3).
Ainsi fut la configuration du festival de la chanson jusqu'à 2004, date à laquelle un changement intervint pour permettre à des genres musicaux nouveaux liés au spectacle de participer aux compétitions. Dès l'année 2004, en effet, le festival de la chanson avait pris une nouvelle forme et une nouvelle appellation (le festival de la musique).
Selon le programme publié à l'époque, les objectifs restaient les mêmes, à quelques variations près. On visait toujours la promotion de la chanson à spécificité locale, mais on ajoutait, désormais, l'intérêt pour la musique instrumentale. De plus, on faisait place à l'évaluation des projets musicaux tendant à la mise en évidence de nouveaux styles avec, néanmoins, comme critère, la singularité de l'identité tunisienne. L'édition 2004 marqua, enfin, l'avènement d'un concours réservé à «La création spécial festival».
Les limites du festival
Lors de ses premières sessions, le festival de la chanson avait donné lieu à des œuvres typiques — d'aucunes très élaborées — et permis d'asseoir la popularité de nombre de paroliers, mélodistes et chanteurs. Les chansons couronnées ont été souvent enregistrées et diffusées à la radio comme à la télévision.
Certaines furent prises en charge et distribuées pour le compte de maisons d'édition de cassettes. Tout un contexte artistique et médiatique y aidait, et une grande partie de la critique, aujourd'hui, se souvient, non sans regret, de «la belle musique des années 80», de «sa production prolifique» et de «son inlassable dynamique». Ce qui laisse à croire que, du moins pour l'essentiel, les objectifs du festival de la chanson avaient pu être atteints.
Pour diverses raisons, cependant, dont notamment la brusque mutation du paysage audiovisuel, l'irruption des satellitaires arabes, les difficultés grandissantes du marché national des cassettes, le contexte artistique a viré d'un extrême à l'autre. Le festival en a fort logiquement subi le contrecoup (baisse du niveau et de l'audience), ce qui a conduit à «une saison blanche» déjà, en 1992.
Mais en 2009 le ministère opte résolument pour la suspension de l'activité du festival de la musique sous réserve d'une reprise l'année suivante sous un aspect nouveau.
Pourquoi cette décision ? A la vérité, et indépendamment des difficultés objectives du contexte, le festival en lui-même impliquait de plus en plus d'inconvénients. La sélection des candidatures (à la base donc) devenait de plus en plus délicate à cause de l'imperfection des productions. De plus, les chansons sélectionnées créaient toujours des controverses dans le milieu artistique et ne correspondaient plus ni au goût de la critique ni à celui du public. Ce qui engendrait toujours une polémique surmédiatisée, et mettait les membres des différents jurys dans des situations d'hostilité et d'inconfort vis-à-vis de la profession. Cette dernière en est, du reste, arrivée à ignorer le festival et, pour une grande partie de son élite, à le déserter. Tout cela, et bien d'autres petits et grands «travers» d'ordre éthique, légitimait sans doute, la décision du ministère de tutelle.
Mais si nous voulons aborder les choses d'une façon un peu plus approfondie, nous devons commencer par nous poser la question suivante : Quelles sont les causes réelles de ce déclin artistique et de ces dysfonctionnements organisationnels?
Les objectifs visés à l'origine ont-ils été vraiment concrétisés après 19 sessions ? Il est certain qu'à ses débuts, de même que lors de sa phase mitoyenne, le festival n'était pas en tous points parfait. Un constat global s'impose à nous cependant : c'est que plus les sessions se succédaient, plus les montants des prix alloués allaient à la hausse, et plus le niveau des créations et des prestations baissait. Les explications «immédiates» ne suffisent sans doute pas. Quelque part, tout au long de ces deux «décennies festivalières», il y a eu aussi décalage entre les objectifs de base d'une manifestation et leur mise en œuvre sur le terrain de l'action.
Si nous remontons au texte fondateur de 1987 qui recommandait d'animer la ville lors de la période hivernale, afin de préparer les artistes aux festivals d'été, et incitait, de même, à débattre des problèmes liés à la production, au professionnalisme, à la formation et à l'assistance des artistes, nous nous rendons compte en effet que les directions successives se sont davantage souciées d'organiser un événement que de mettre en place un rendez-vous musical périodique et de participer au règlement des questions de fond dont dépendent la stabilité, la sécurité et les besoins concrets des professionnels de la musique et de la chanson, qui sont la matière nourricière d'un festival de cette envergure, de cette portée et de cette ambition. Exemples : a-t-on suffisamment traité de la production et de sa diffusion ? S'est-on, surtout, occupé de la question des droits d'auteurs, élément responsable de la frustration des artistes ? Si l'artiste ne perçoit pas ses droits, notamment s'il n'a aucun autre moyen pour vivre, comment va-t-il créer des chansons le ventre vide ? Comment pourra-t-il faire honneur à sa participation à un festival de la musique ?
Au cours des dernières années, le ministère a augmenté les prix et fourni d'autres catégories de récompenses. Malgré cela, le niveau est resté toujours en baisse. Ce qui est un fait normal : on ne peut composer juste pour gagner un prix ! L'art est beaucoup plus libéral et ne peut être conditionné de la sorte. Et, en ce qui concerne le professionnalisme artistique, chaque artiste professionnel doit avoir, généralement, une carte pour exercer et se distinguer des autres métiers. Or, on remarque que cette carte est à la portée de quiconque se présente au test. Même les mélomanes, qu'ils soient médecins ou banquiers, peuvent avoir cette carte. A partir de là, la catégorisation du musicien n'est plus claire. En résumé, le clivage entre l'artiste professionnel et celui qui ne l'est pas, n'est pas très bien marqué.
Tout ceci alimente l'insatisfaction de l'artiste et le met dans une situation précaire. C'est à partir de ce contexte que la situation financière devient (pour les musiciens) plus importante que l'esthétique et la création artistique. Au final, tous ces points sont en relation directe avec le contenu, la réussite ou pas d'un festival.
Profil des journées musicales
Après la décision prise par le Président de la République de convertir le festival de la musique en Journées musicales de Carthage, un point de presse a été tenu par le directeur, Kamel Ferjani, le 21/9/10 pour exposer les grands traits des JMC. La finalité qu'il avait présentée était la suivante : le rayonnement du secteur musical dans son environnement tunisien, maghrébin, méditerranéen, arabe, africain et international.
Il a présenté, par ailleurs, les procédés à travers lesquels vont se dérouler les journées. Sa présentation avait une approche globale et il a développé ses propos en exposant les objectifs opérationnels suivants :
1- Contribuer à mettre en évidence les voix, l'interprétation dans toutes ses formes.
2- Favoriser la formation scientifique pour pouvoir cerner la personnalité de l'artiste d'un point de vue théorique.
3- Essayer d'être en adéquation avec tous les goûts musicaux.
Pour ce qui est des activités elles-mêmes :
1- Organisation de concerts.
2- Mise en place de compétitions dont une pour la composition de chansons sous toutes ses formes et ses genres, consacrées au Maghrébin.
3- Une compétition pour le oud consacrée au monde arabe.
4- Un atelier et un master classe pour les instrumentistes.
5- Un colloque sur l'industrie de la musique et les technologies nouvelles et leur impact sur la production musicale.
En guise de conclusion
Au vu de toutes les informations, certaines réflexions viennent à l'esprit. Il est, sans doute, tôt d'émettre des critiques, mais peut-être est-il possible de s'interroger sur certains points. La finalité qu'a donnée M. Kamel Ferjani des Journées musicales est : le rayonnement du secteur musical dans son environnement tunisien, maghrébin, arabe, méditerranéen et international. C'est fort logique. Mais les journées vont-elles s'inscrire dans un rapport d'interaction avec le secteur musical en général ? C'était, nous l'avons vu, une des recommandations principales des fondateurs de l'ex-festival de la chanson. Et, ce fut, nous l'avons également observé, une recommandation vite laissée de côté par les organisateurs. On ne sait pas si les JMC ont à l'esprit de ne pas retomber dans la même erreur. Un événement musical comme les journées ne peut prospérer par lui-même, indépendamment de la situation de la profession sous tous ses rapports. Les JMC comptent-elles s'inscrire, donc, dans cette interaction? Ce n'est pas tout à fait clair encore.
Exemple : dans le colloque prévu, la question des droits d'auteur ne constitue qu'un chapitre alors, qu'à notre avis, il eut été plus opportun de jeter l'ensemble des problèmes du métier dès les premiers débats et les premières réflexions.
D'autres interrogations encore, mais de détail : comment s'effectuera l'évaluation dans les compétitions tous genres et toutes formes ? Avec quel jury va-t-on opérer ? Y aura-t-il des jurys selon les genres et les spécialités ? Et, s'il n'y en a qu'un seul, comment va-t-on concilier les critères?
Ceci soulève d'ailleurs le problème de la catégorisation des genres dans la musique arabe. Ces genres ne sont pas codifiés comme dans le cinéma et la musique en Occident. Faute de clivage théorique, comment les jurys vont-ils trancher devant certaines formes ou chansons des différents genres dont on ne peut être sûr ni de la qualification ni de l'appréciation ?
Un des objectifs opérationnels des JMC est : essayer d'être en adéquation avec tous les goûts musicaux.
Peut-on réellement satisfaire tous les goûts, qu'ils soient du côté des artistes ou du côté public ?
Autre question d'ordre technique : pourquoi le master classe et les ateliers prévus ne prévoient-ils pas une place pour le chant arabe ?
Pour finir, puisque le débat restera, de toute façon, ouvert, contentons-nous de souhaiter bon courage et bonne réussite aux organisateurs des JMC et aux JMC. Et formulons l'espoir que ce grand événement contribuera à la relance, tant attendue, de la musique et de la chanson tunisienne.
1) Ancienne appellation du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine.
2) S. Dami , Tout sur le premier festival de la chanson tunisienne, La Presse, Tunis, 1987.
3) L'année qui précède celle du festival


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