PARIS (Reuters) — La France et la Russie s'efforceront lundi et mardi de se rassurer mutuellement face à leur perte d'influence internationale lors d'une visite d'Etat à Paris du Président russe, Dmitri Medvedev. Selon une source gouvernementale française, les deux pays signeront à cette occasion plusieurs accords économiques, dont une prise de participation de GDF-Suez dans le gazoduc Nord Stream et l'entrée d'Alstom dans le capital du russe TMH. Il sera aussi question du projet d'acquisition par la Russie d'au moins un bâtiment de projection et de commandement (BPC) de classe Mistral à la France, qui suscite l'émoi d'alliés de Paris. Le directeur général des chantiers navals de Saint-Nazaire STX, qui construirait ce navire, Jacques Hardelay, est invité au dîner d'Etat offert mardi soir par Nicolas et Carla Sarkozy au Président russe et à son épouse au Palais de l'Elysée. «C'est une visite essentiellement à dimension politique», déclare-t-on cependant à l'Elysée, où l'on rappelle que le volet économique bilatéral a été traité en novembre dernier par le séminaire intergouvernemental franco-russe de Rambouillet. Il sera ainsi beaucoup question de questions stratégiques, avec des dossiers comme l'Iran, le processus de paix au Proche-Orient ou la sécurité européenne. Nostalgie de puissance Une façon pour ces deux puissances nucléaires à l'influence déclinante de se rassurer, estime Thomas Gomart, spécialiste de la Russie à l'Institut français des relations internationales. «Ce sont deux pays qui aiment parler de questions de sécurité mais qui parfois s'enferment dans une nostalgie de puissance et ont du mal à comprendre ou à s'avouer qu'ils sont peut-être l'un et l'autre en train de décrocher par rapport aux évolutions géostratégiques», explique-t-il. Pour cet analyste, la question iranienne sera un des enjeux principaux de la visite de Dmitri Medvedev, alors que la Russie semble se rapprocher de la position des Etats-Unis et de la France en faveur de sanctions internationales renforcées pour amener Téhéran à renoncer à son programme militaire nucléaire. En revanche, les suites de la crise géorgienne restent une pomme de discorde entre Paris et Moscou, avec l'enlisement du processus de Genève censé lui donner un dénouement politique. L'intervention militaire russe en Géorgie, pendant l'été 2008, avait donné lieu à des échanges musclés entre Dmitri Medvedev et Nicolas Sarkozy, qui s'était improvisé médiateur. Moscou milite par ailleurs pour un nouveau pacte sur la sécurité en Europe mais se heurte aux réserves des Occidentaux, et le retour complet de la France dans le commandement intégré de l'Otan a contribué à brouiller les cartes. «La proposition de pacte de sécurité paneuropéen de Medvedev embarrasse plutôt la France, qui essaye d'imposer sa marque sur le nouveau concept stratégique de l'Otan», estime Thomas Gomart. Dans Paris-Match, Dmitri Medvedev se plaint pour sa part d'un «élargissement continu de l'Otan, qui avale tous les anciens membres de l'Urss» et les anciens pays du Pacte de Varsovie. «Ce n'est pas la guerre froide mais nous devons tenir compte de cette situation inédite», souligne-t-il. Il invite d'autre part la France à soutenir les initiatives du Président américain Barack Obama pour un monde sans armes atomiques, une option zéro qui n'enthousiasme guère Paris. Nicolas Sarkozy devrait pour sa part de nouveau plaider pour un espace économique commun incluant la Russie. Mais L'UE subordonne une telle évolution à l'accession de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En attendant, France et Russie devraient signer un accord dit de «réadmission», par lequel la Russie s'engage à reprendre les ressortissants russes entrés illégalement en France. «C'est un premier pas nécessaire vers la suppression à plus long terme des visas, qui est une demande très forte des Russes», souligne un diplomate français. Les relations franco-russes se sont nourries pendant des années d'un romantisme culturel, dont l'actuelle «Année croisée France-Russie» est une nouvelle illustration avec plus de 400 manifestations dans les deux pays. Nicolas Sarkozy et Dmitri Medvedev inaugureront ensemble, mardi, l'exposition «Sainte Russie» au musée du Louvre, un des événements-phares de cette année croisée. «Le romantisme a ses limites», souligne cependant Thomas Gomart. La France n'est que le septième investisseur étranger en Russie, son neuvième fournisseur, et pour Moscou, l'Allemagne reste la priorité en Europe, rappelle-t-il.