NEW DELHI (Reuters) — Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a poursuivi hier son offensive de charme en Inde, proposant de soutenir les aspirations de New Delhi à jouer un plus grand rôle aux Nations unies et convenant d'un ambitieux objectif en termes d'échanges commerciaux bilatéraux. Wen Jiabao, qui effectue la première visite d'un chef de gouvernement chinois en cinq ans en Inde, a affirmé en outre avec son homologue indien, Manmohan Singh, que les deux géants de l'Asie s'engageaient à résoudre leur vieux contentieux frontalier par des négociations qui s'ouvriront prochainement. Un conflit frontalier meurtrier avait opposé les armées chinoise et indienne dans l'Himalaya en octobre 1962 et, depuis lors, le litige sur le tracé de la frontière empoisonne toujours les relations bilatérales. Les bonnes relations que cultive Pékin avec le Pakistan, "frère ennemi" de l'Inde, enveniment aussi les rapports sino-indiens. Le commerce bilatéral est néanmoins en plein boom et les deux pays se sont fixé hier pour objectif d'atteindre un volume d'échanges bilatéraux de 100 milliards de dollars à l'horizon 2015. Pour 2010, les échanges devraient atteindre 60 milliards de dollars, contre 13,6 milliards en 2004. La Chine a fait savoir en outre de son côté qu'elle soutenait les aspirations de l'Inde à jouer un plus grand rôle au Conseil de sécurité des Nations unies, sans aller pour autant à exprimer son entier soutien aux démarches en ce sens de New Delhi. L'Inde compte parmi les grands pays qui, comme le Japon, réclament régulièrement un siège de membre permanent au Conseil de sécurité. Manmohan Singh a estimé hier qu'un partenariat fort avec la Chine renforcerait la paix, la stabilité et la prospérité à travers le continent asiatique. "Je crois que grâce à nos efforts conjoints, grâce à la visite, nous serons en mesure de hisser notre amitié et notre coopération à un niveau élevé au cours de ce nouveau siècle", a dit aux journalistes Wen Jiabao, qui est accompagné dans sa visite de trois jours en Inde par plus de 300 hommes d'affaires. "Grâce aux efforts communs du Premier ministre (Singh) et de moi-même, nous serons à même de parvenir à un important consensus stratégique durant ma visite, qui aura d'importantes retombées", a ajouté Wen Jiabao, aux côtés de Manmohan Singh. Visite au Pakistan Celui-ci a répondu sur le même ton aux déclarations chaleureuses de Wen, avant d'entamer un entretien à huis clos: "Un partenariat fort entre l'Inde et la Chine contribuera à la paix, à la stabilité, à la prospérité et au développement sur le long terme, en Asie comme dans le monde". "J'espère que ma visite confortera la confiance mutuelle entre la Chine et l'Inde et permettra de développer la coopération et les échanges entre nos deux pays", avait dit Wen lors d'un dîner donné par Singh en son honneur mercredi soir. "Le XXIe siècle est le siècle de l'Asie", avait-il estimé alors, cité par la presse chinoise. Wen a annoncé mercredi que les entreprises chinoises signeraient pour plus de 16 milliards de dollars de contrats avec des entreprises indiennes, dans les domaines des équipements de téléphonie et du secteur énergétique. La Chine est désormais le plus important partenaire commercial de l'Inde. Les investissements chinois en Inde sont pourtant réduits, et ont représenté seulement 221 millions de dollars en 2009, soit 0,1% du total des investissements directs de la Chine à l'étranger cette année-là. C'est sept fois moins que ce que la Chine a investi au Pakistan dans le même temps, selon les statistiques officielles. L'Inde et la Chine sont les deux gros moteurs de la croissance économique mondiale. Des deux principales économies émergentes asiatiques, la Chine est la plus puissante, avec un PIB quatre fois supérieur à celui de l'Inde. New Delhi craint que Pékin ne cherche à freiner son ascension en tant que puissance mondiale, et voit d'un mauvais œil la visite que doit entamer aujourd'hui au Pakistan voisin le Premier ministre chinois. "Le terrorisme, sous quelque forme que ce soit, ne peut pas être un instrument de la politique d'un Etat. Je pense que c'est le message que nous transmettrons au Premier ministre Wen Jiabao et j'espère qu'il le transmettra à son tour au Pakistan", a déclaré le chef de la diplomatie indienne, S.M. Krishna, à la chaîne de télévision CNN IBN. Trois guerres ont opposé l'Inde et le Pakistan depuis leur accession à l'indépendance en 1947, et New Delhi a rompu le dialogue avec Islamabad après les attaques menées en novembre 2008 à Bombay par des extrémistes qui, selon l'Inde, venaient du Pakistan. Ces attaques avaient fait 166 morts.