Le Centre Pompidou propose jusqu'au 21 mars, une grande rétrospective de Mondrian, depuis ses débuts figuratifs jusqu'à ses tableaux les plus abstraits. Déjà riche en elle-même, cette exposition raconte également le travail d'autres artistes hollandais de l'époque, le groupe De Stijl, une avant-garde restant très contemporaine. Au dernier étage du Centre Pompidou, on découvre le parcours esthétique qui mena, au fur et à mesure de ses recherches, le peintre figuratif des débuts au dépouillement de l'abstraction. Dans la première salle de l'exposition, au sixième étage, une classe écoute attentivement un adulte. Les enfants regardent la toile Paysage de dunes, peinte en 1911 par Mondrian. L'animateur leur fait remarquer que Mondrian, même lorsqu'il peint des paysages, commence déjà à géométriser ces représentations. En véritable conteur, l'animateur explique également que ce peintre hollandais avait adhéré à la théosophie. Il la décrit comme une sorte de philosophie universelle avec des sympathisants sur tous les continents. Et pour dire que les signes géométriques ont toujours fait partie de l'art, il leur parle de Lascaux. Il y a des animaux dessinés de manière figurative sur les murs de ces grottes préhistoriques, ce sont surtout eux qu'on connaît. Mais il y a aussi, et c'est moins connu, des dessins géométriques ; une façon d'annoncer que Mondrian va suivre ce chemin en peignant de plus en plus souvent des lignes droites sur ses toiles pour finir, encore plus tard, avec des grilles. Devant un autre tableau, Visions de guerre, peint en 1915 par Janus de Winter, l'animateur explique cette fois aux enfants la tendance de cette décennie 1910 : les formes figuratives deviennent moins identifiables et laissent la place à des taches de couleurs. Les couleurs utilisées par les peintres hollandais de ce début de XXe siècle ne cherchent plus à retranscrire la réalité comme le faisaient les peintres par le passé. Le Clocher zélandais, peint par Mondrian en 1911, est rose vif et le sol au pied du monument est bleu. Idem pour l'Arbre bleu. En 1912, le Portrait de femme est composé presque uniquement de rectangles dans des dégradés de gris. On y voit l'influence du mouvement cubiste : Braque, Picasso, Cézanne. Connaît-on tous ces tableaux de Mondrian ? Pas tous. De grands musées, un peu partout dans le monde, ont, en effet, prêté exceptionnellement des œuvres. Résultat, toutes les étapes de l'évolution du peintre sont exposées. Surtout, ces touristes venant du même pays que Mondrian sont étonnés de la manière dont l'animateur captive l'attention. L'une des salles est consacrée à une série de vitraux réalisés par des amis de Mondrian, comme Théo van Doesburg, Vilmos Huszár ou Sophie Taeuber-Arp. Cette avant-garde commence à exalter les formes géométriques que Mondrian reprend et peint dans le même style dans les années 20. En 1921, Mondrian accentue la longueur de ces rectangles. Ils s'allongent, tout en restant délimités par des lignes noires qui, elles, s'épaississent. Une décennie passe et les rectangles de couleur sont plus petits, les grilles noires encore plus présentes. Pour finir, le fond blanc s'est imposé dans toute cette série de tableaux appelés Composition. L'abstraction étant aboutie, le concret revient et se manifeste à travers le nouveau mobilier. Le célèbre fauteuil rouge et bleu de Gerrit T. Rietveld créé en 1918, est toujours dans l'air du temps. Mondrian a, d'ailleurs, dans son intérieur le dépouillement, la simplicité graphique de ses toiles. Dans cet atelier parisien où il vit à côté de la gare Montparnasse, les murs sont blancs. Le lit, la table basse, le bureau, les sièges ont des formes géométriques. Dans la revue culturelle Vouloir, Mondrian explique : «Nous voulons une esthétique nouvelle basée sur les rapports purs de lignes et de couleurs pures parce que seuls des rapports purs d'éléments constructifs purs peuvent aboutir à la beauté pure». L'exposition montre également beaucoup de photos de Mondrian, notamment une où il dîne au café Voltaire, à Paris, peut-être en 1931. Elle montre une grande tablée avec Robert Delaunay et Jean Arp et d'autres artistes, hommes ou femmes, moins connus. Une autre photo montre Mondrian avec d'autres invités sur la terrasse d'une maison construite à Garches par Le Corbusier. Des photos, pendant sa longue période parisienne, le montrent également à plusieurs périodes de sa vie dans son atelier de la rue du Départ, devenu comme un Mondrian, un espace blanc, simple, épuré. L'exposition se termine sur le travail du groupe hollandais De Stijl (le style); des peintres et des architectes influencés par la route de Mondrian vers l'abstraction.