Des corps de femmes, des visages sans visages, un vieil enfant assis dans le vide, une petite fille qui cache ses pleurs avec ses poignets, une ombre qui tombe, du noir, du gris charbonneux, du blanc, quelques taches de rouge, de jaune… c'est la dernière exposition d'Amel Ben Attia intitulée Egographie, à la galerie Mille Feuilles à la Marsa. Après avoir interrogé de manière poignante la figure Christique, Amel Ben Attia qui n'en est pas à sa première exposition personnelle, se tourne aujourd'hui vers son visage. Un visage qu'elle déclinera en mille facettes, toutes fausses, toutes vraies. «Je suis à la fois le créateur, le sujet, l'objet, la chaise, l'animal, la pente de 30 degrés, le blanc, le noir, cette femme, cet homme, ce petit chien... » Appropriation du monde dans sa totalité dans une mise en scène des formes et des volumes, des profils et du trait dans une orchestration plastique que la peintre étale sur sa toile. Y a -t- il un sujet central ? Une procession récurrente de personnages solitaires dressés, assis, ombres d'eux-mêmes, traversant et retraversant les frontières. Les frontières de soi, juste pour ne pas tomber dans la folie ! Comme les grands peintres, Amel Ben Attia dessine, peint, traque, attrape cette nudité initiale qui fait notre généalogie. Une nudité vêtue de blanc, ce blanc du deuil et de la pureté. Car un artiste ne fait que suivre son propre cortège, le cortège de sa finitude. Les grands formats s'associent aux petits formats, sur les murs de la galerie, le cri au silence, l'éphémère au désir d'éternité. Une longue traversée entre peinture figurative et abstraction naît des doigts de l'artiste. «Que faire de notre silence, que faire de notre solitude, que faire de notre errance ? Amel n'y répond pas... mais assume pleinement le risque de l'extrême voyage artistique... » C'est ce qu'écrit Leïla Souissi, commissaire d'exposition pour introduire le catalogue qui accompagne l'artiste dans ses expositions. En effet, Amel Ben Attia pose la question de l'oeuvre sans y répondre ou en y répondant pleinement dans cette série d'anamorphoses, dans ces « bougé », ces apories, ces corps inquiétants du silence. Amel Ben Attia donne à voir l'origine du monde dans ce chaos permanent des lieux et des formes. Elle peint la limite à contre-vitesse et traque ainsi la couleur qui loge sous la chair, elle nous conduit dans ce lieu défendu que l'artiste entrevoit. Le lieu du génie ! Une exposition à voir absolument.