Une grande énigme demeure. La rentrée littéraire en Tunisie, c'est quand ? Cela interpelle. Et avec insistance. Certains diront que ce n'est guère de mise, eu égard à la quantité somme toute réduite de notre production littéraire annuelle. Quelques dizaines de romans et nouvelles. Comparé à d'autres pays de même taille que le nôtre, le chiffre semble faible, bien faible. Mais sa progression n'en est pas moins exponentielle au fil des ans. Toujours est-il que nous n'avons guère de rentrée littéraire consacrée comme telle en septembre-octobre — comme c'est de mise ailleurs — et encore moins en janvier. La chronique de la rentrée littéraire chez nous procède bien du non-événement. L'honnêteté impose cependant la relativisation. L'attribution du prix Comar du roman tunisien constitue, chaque année, une espèce de rentrée littéraire. En avril, certes, mais à la veille immédiate de la Foire internationale du livre de Tunis. Et dire que les prix littéraires dans notre pays se comptent sur les doigts de la main. Pour le roman, il y en a même un seul de régulier. L'absence génère des creux. Ainsi n'avons-nous guère de revue littéraire, ni de critique littéraire attitrée. Les quelques plumes qui s'y exercent — avec brio il est vrai — semblent isolées dans des colonnes journalistiques qui ne s'y prêtent qu'à moitié. Pourtant, la Foire internationale du livre de Tunis est devenue un relais international incontournable. Et pas uniquement par le nombre et la qualité des exposants. Témoins, les rencontres qui s'y organisent chaque année avec d'illustres écrivains du monde entier. Cela confère à la cité une allure de place forte de la littérature. Et ce n'est guère usurpé, bien que cela ne dure que deux semaines. Côté diagnostic, le verre est, avouons-le- à moitié vide. Il est vrai que la vie littéraire relève des littérateurs proprement dits, avec leurs diverses casquettes et déclinaisons. On ne saurait planifier leur corpus. Les dons dépendent du talent et des concours sourds de circonstances. Et les hommes de lettres agissent qui plus est dans un univers dont les ressorts ne dépendent pas d'eux seuls. Mais cela n'empêche guère de penser à la réorganisation de la scène. Une action concertée entre le département de tutelle, les organisations appropriées, les intervenants et les acteurs n'est guère de trop. Ainsi pourra-t-on trouver les moyens du dépassement. L'idéal serait de trouver une autre date à la Foire internationale du livre de Tunis. A bien y voir, c'est chose impossible, il est vrai. C'est devenu un événement d'envergure couru du monde entier. Les gens s'y préparent des mois à l'avance. La mécanique de l'organisation n'est pas chose aisée. Et puis il y a un peu partout des foires et salons du livre, ce qui n'autorise guère de perdre une plage saisonnière illustre et reconnue. Décaler ou avancer la date d'attribution du prix Comar ? On ne voit pas pourquoi les organisateurs de l'illustre instance changeraient les modalités ou le timing d'une équipe qui gagne. C'est dire la difficulté de la tâche. En discourir, soit. Proposer le remède idéal, ce n'est pas donné. L'idéal demeure cependant de créer une revue littéraire et de penser à organiser les assises de la littérature tunisienne. Les gens confondent souvent le livre et la littérature. Il y a bien entre eux un lien de cause à effet, une interdépendance. Mais l'un ne saurait résumer l'autre. Entre-temps, faute de mieux, il y a toujours moyen de se consoler. On peut très bien continuer de parler de notre rentrée littéraire dans la rubrique Chronique d'un non-événement.