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Le cinéaste que rien n'arrête
L'entretien du lundi : Nouri Bouzid (réalisateur)
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 01 - 2011

Il est le cinéaste tunisien le plus prolifique à qui l'on doit L'homme de cendres, Bezness, Les sabots en or, Bent familia, Poupées d'argile et Making of. Plus d'une récompense à son actif pour des films qui se revendiquent subversifs. Nouri Bouzid fait un cinéma qui ne laisse pas indifférent et qui ne se veut pas à la traine d'une société en perpétuelle mutation. Nouri Bouzid, le cinéaste qui ne mâche pas ses mots se livre à nous dans cet "Entretien du lundi".
Le cinéma, le sien, celui des autres, l'avenir, la jeunesse. Tant de choses à partager …
Si nous faisons un round up sur votre cinéma, aujourd'hui. Quel regard poseriez-vous dessus ?
Si je pose un regard introspectif sur mes films et les scénarios que j'ai écrits, je trouve un dénominateur commun : ce sont des films foncièrement résistants à la pensée et la mentalité féodales, dans le sens le plus large du terme. Un enfant qui se fait violer par son patron dans L'homme de cendres, des petites filles qu'on ramène de leur village pour faire les bonnes dans la métropoles dans Poupées d'argile… Toutes les histoires que je raconte illustrent, à chaque fois, cette pensée qui écrase l'être humain.
Au départ, c'était une démarche inconsciente. Je m'en suis rendu compte en m'auto-analysant et en analysant mes œuvres. Mon cinéma m'a aidé, en fait, à liquider la blessure de l'enfance et la défaite de l'âge adulte.
Deuxième caractéristique de mes films, si je puis me permettre, ce sont mes personnages avec qui j'entretiens un "lien de sang" et avec lesquels je partage, bien entendu, un même patrimoine génétique. Ils sont tous porteurs d'une blessure, d'une défaite; celle de toute une civilisation en proie à ses maux. Au niveau émotionnel et psychologique, mes personnages ont tous cette « tare » là.
On accuse vos films d'être des œuvres alarmistes et provocatrices. Comment le prenez-vous?
A cela, je réponds que mes films sont des fictions. Je parle de ce qui pourrait arriver et non de ce qui arrive ou arrivera. Les sabots en or, par exemple, illustre ma démarche qui consiste à anticiper sur les événements. Dans Making of qui est resté un an bloqué, sous prétexte qu'on n'a pas d'intégristes chez nous et qu'il était inutile de faire un film pour en parler. Pourtant, je n'y fais pas l'apologie de la mort. C'est l'histoire d'un jeune qui se retrouve dans l'impasse et se donne la mort parce qu'il refuse d'être un tueur. Donc, dans mes films, je prévois le pire, j'appelle à la vigilance. Ce n'est pas de la provocation gratuite, mais une démarche consciente. Je ne fais pas un cinéma prémonitoire, mais un cinéma qui devance et qui n'est pas à la traine. C'est comme un médecin qui prévoit le pire, en espérant que le pire n'arrivera pas. Si je devais définir le cinéma que je fais, je dirais que c'est un cinéma d'intervention sociale qui secoue des choses qui ne doivent pas être du domaine du stable, encore moins de l'"établi". C'est un cinéma qui provoque pour construire, non pour détruire; un cinéma qui rêve d'un lendemain meilleur. De toute façon, l'art doit être subversif, ne serait-ce que par la forme.
Nouri Bouzid est un cinéaste de la fiction. Pourquoi le documentaire ne l'a-t-il pas intéressé ?
Tout simplement parce que je pense que la fiction me donne beaucoup plus de liberté. Je prends de la distance par rapport à l'intimité des gens d'autant que je ne veux pas les accabler dans leur vie. Mais dans mes films, il y a toujours une scène documentaire réelle (la crise de l'Algérienne dans Bent familia, par exemple). Je veux être témoin de mon époque et je tiens à être culturellement fidèle à mon patrimoine. J'ai un respect religieux pour le contexte de mes films, parce que cela donne de la crédibilité à mes personnages et à mon époque. J'ai conscience, qu'avec le temps, un film devient un document de l'histoire sur un mode de vie, la manière de se vêtir, de construire etc …, même si les personnages restent fictifs.
Pourtant, dans Making of, vous avez fait appel à la démarche documentaire pour appuyer votre position et votre point de vue…
Dans Making of, il n'y avait pas une seule ligne de narration, puisque c'était un film dans le film. L'enjeu était énorme, car la partie fictionnelle du film était le procès de l'intégrisme. Quant à la partie documentaire, elle était le procès de la liberté d'expression. Je reconnais que j'étais manipulateur avec Lotfi Abdelli, mon comédien. Là, je fais mon mea culpa car il me faisait vraiment et totalement confiance. Heureusement qu'il a été récompensé par 9 prix.
Pour revenir à Making of, le choix de ces coupures documentaires dans le film était nourri par la peur. L'enjeu était énorme. J'avais peur à chaque instant, de tomber dans la propagande pour n'importe quelle partie, je tenais aussi à respecter le sacré des gens. Je trouve que cette démarche était nécessaire, parce qu'elle permettait au spectateur d'avoir un autre point de vue, à savoir le mien, en plus de ceux de Lotfi Abdelli et du personnage de Bahta.
Cette même technique qui consiste en une sorte de chassé-croisé, je l'ai déjà utilisée pour un scénario que j'avais écrit pour Moufida Tlatli dans Mille et deux nuits, qui ne s'est malheureusement pas fait. Je pense que quand la réalité dépasse la fiction, la démarche documentaire investit cette réalité pour enrichir la fiction.
Il y a toujours cette même question qui revient concernant notre produit cinématographique : peut-on parler de cinéma tunisien ou ne sont-ce que des films épars?
"Cinéma tunisien" ou "films tunisiens" est à mon sens une querelle de mots et un faux débat. Pour moi, le cinéma n'est pas une question de chiffres. Mais si on cherche des caractéristiques à notre cinéma, je peux affirmer qu'elles existent. Ne serait -ce que par l'audace d'une première génération avec beaucoup de premiers films fondateurs, Halfaouine, Traversée, Les ambassadeurs, Trace. Pour la nouvelle génération, je trouve que nous avons une relève en dessous de nos attentes, mis a part quelques cinéastes qui sont porteurs d'un regard novateur dont Jilani Saâdi, Nidhal Chatta, Néjib Belkadhi et Raja Lamaâri que je considère comme chef de file surtout avec son deuxième film La berceuse. Dans les courts métrages, on ressent des propositions nouvelles avec d'autres préoccupations. Dans certains courts métrages, je retrouve le plaisir de voir un film même si souvent, au-delà de l'esthétique, la technique et la forme, ces films n'ont pas de discours.
Cette nouvelle génération maîtrise les outils et cela présage d'un cinéma de qualité, mais au-delà de la technique, il faut aller et vers un discours cinématographique sociologique et dramaturgique. Le film doit dire des choses. C'est le cinéma que j'aime et que je fais même si on nous traite de ringards et vieillots. Il y a eu une tendance à vouloir tuer le père, je veux bien! Mais il faut proposer autre chose à sa place pour relancer le cinéma tunisien. A quoi cela servirait-il de le tuer, si c'est juste pour rester orphelin ?
On commence à parler de films qui se font à petits budgets. Qu'en pensez-vous ?
J'encourage le désir et l'acte de faire des films. Seulement, j'ai peur de celui fait entre copains qui ne peut être une référence ou constituer un repère. On ne fait pas de films par copinage pour baisser le coût de production. La gratuité et l'effort des gens se chiffrent aussi. Cette tendance fait du tort au métier, bien que ceux qui la pratiquent croient bien faire
Le boom du numérique et les nouvelles technologies ont facilité l'accès au métier. Peut -on s'inventer, selon vous, cinéaste du jour au lendemain ?
Face au numérique, je me sens impuissant car il suffit de faire un film pour devenir réalisateur. Ce qui me fait souffrir le plus, ce sont l'absence de rigueur, la paresse dans l'écriture et le fait de faire des films sans scénario. Le cinéma est une industrie de précision. Il faut avoir droit à l'apprentissage et à l'erreur pour arriver à maîtriser ce qu'on fait.
Et la critique dans tout cela. Quel rôle lui accordez-vous ?
Personnellement, je n'accepte pas qu'on réponde à la critique. Si on se met à le faire, c'est qu'on a abandonné son rôle de créateur et d'artiste. Ce que j'attends toutefois de la critique, c'est qu'elle écrive moins sur ce qu'elle n'apprécie pas et parler plus de ce qui la retient. J'ai envie qu'on parle avec davantage d'amour du cinéma pour le faire aimer de tous.
Le rôle de la critique, à mon avis, devrait aider le spectateur à trouver les clés qui permettent la lecture de l'œuvre et à la faire accéder au second degré. Elle assure, en fait, le relais entre le public et l'artiste. Si je peux faire un reproche à notre critique, c'est qu'elle est plus dure avec le cinéaste tunisien qu'avec les autres et je peux le comprendre. Cela vient d'un bon sentiment qui consiste à vouloir exercer son droit de regard sur son patrimoine ou bien parce qu'elle aspire toujours à mieux. Toutefois, la critique doit être, à mon avis, ne pas porter des jugements moraux sur les œuvres artistiques et surtout ne pas caresser dans les sens du poil les idées conservatrices fondamentalistes. Tout discours nouveau ou novateur ne devrait pas faire peur à la critique. Bien au contraire, c'est son rôle de promouvoir et de faire accepter toutes les idées nouvelles. Heureusement que c'est souvent le cas. Je n'oublie pas que pour L'homme de cendres, par exemple, c'est un film qui a été porté par la critique et c'est elle qui a élevé le débat.


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