• De jeunes médecins ont proposé d'aider bénévolement les équipes • Sentiment d'insécurité chez les cadres médicaux et paramédicaux des urgences Il est 13 heures de l'après-midi. L'ambiance semble être apparemment calme aux urgences de Charles Nicolle. Dans la salle d'attente, des familles attendent que les proches admis reçoivent les premiers soins. D'autres discutent des procédures administratives à suivre pour la levée de corps. Dans le hall qui conduit aux salles de consultation, le surveillant général, les traits tirés, donne des consignes au personnel et prend note des coordonnées de deux bénévoles qui se sont proposés d'apporter leur aide pour nettoyer les locaux. «Merci beaucoup pour votre aide, nous vous contacterons dès que nous aurons besoin de vous», souligne l'homme aux cheveux poivre et sel. Au cours de ces quatre jours, les urgences ont dû faire face à un afflux massif de blessés par arme blanche et par balle, dont le nombre total s'est élevé à 300, au cours de ces quatre derniers jours. S'organiser du mieux qu'on peut Bien que certains agents du personnel des urgences n'aient pu venir travailler ces jours-ci, à cause de l'absence ou de l'insuffisance de moyens de transport, une équipe de médecins et de cadres paramédicaux a pu, toutefois, être constituée pour prendre en charge les blessés et assurer une permanence, 24 heures sur 24, par alternance. Rencontré sur place, le chef des urgences le professeur Karim Haouet s'étonne de l'information diffusée par les médias relative à l'attaque dont l'hôpital Charles Nicolles aurait fait l'objet. «C'est de l'intox. Il n'y a pas de fait avéré qui confirme l'attaque de l'établissement. Une telle information n'a fait que semer la panique chez les familles des cadres médicaux et paramédicaux qui travaillaient ce jour-là à l'hôpital. Je reproche parfois aux médias de diffuser des informations sans en vérifier la véracité». Le premier jour a été difficile pour le chef de service des urgences qui a dû à la fois gérer le flux incessant des blessés et calmer les jeunes médecins résidents soit gagnés par la panique ou qui ont fini, les nerfs à vif, par craquer. «Nous nous sommes organisés du mieux que nous pouvons pour prendre en charge l'afflux important de blessés. Mais, tout le cadre médical et paramédical travaillait dans la peur d'être agressé n'importe quand par des manifestants aux esprits échauffés transportant les blessés ou par des bandits. Les urgences sont ouvertEs à tout le monde de jour comme de nuit. N'importe qui peut y entrer. Il faut avouer que nous n'étions pas suffisamment protégés, c'est pour cela que nous avons fait appel aux forces de l'armée». Travaillant pendant tous ces jours dans une ambiance tendue, l'équipe des urgences a trouvé un réconfort dans les gestes spontanés de solidarité de nombreux citoyens qui n'ont cessé de se présenter tous les jours aux urgences pour proposer de les aider, comme ce chauffeur de taxi qui s'est joint aux ambulanciers pour transporter les blessés. Un plan blanc pour gérer la situation Dans les urgences de La Rabta, un plan blanc a été mis en place, dès le premier jour, pour pouvoir faire face à l'éventuel afflux de blessés dont le nombre s'est élevé jusqu'à aujourd'hui à plus de quatre-vingts, a souligné le professeur agrégé Nabila Falfoul Borçali, chef de service des urgences. Ici la sécurité du personnel et des blessés et malades admis a été assurée, dès le premier jour, par un agent de sécurité installé devant les salles de consultation et chargé de vérifier l'identité des visiteurs, derrière une porte en fer forgé. Une double équipe composée de six infirmiers et de sept médecins (dont deux appelés en renfort) a travaillé les deux premiers jours 24 heures sur 24, afin d'assurer les premiers soins aux blessés arrivant aux urgences. Après un bilan lésionnel et un examen par scanner, ces derniers, blessés, pour la plupart par balle, au rachis, au thorax et dans le dos, ont été directement orientés et pris en charge par les services de chirurgie générale, orthopédique et thoracique. Dans ces urgences, un large mouvement de solidarité a permis à toute l'équipe de bien gérer la situation. Des étudiants en médecine ainsi que de jeunes médecins au chômage ont apporté leur aide aux deux équipes de garde pour pouvoir soigner tous les blessés. La direction de l'établissement hospitalier de la Rabta s'est, de son côté, chargée d'assurer le ravitaillement des urgences, en nourriture, en médicaments et en instruments et appareils (cathéters…). «Si nous avons réussi à maîtriser la situation, c'est parce que tout le monde y a mis du sien. Les agents de nettoyage sont venus par leurs propres moyens pour assurer quotidiennement la propreté des urgences. Je voudrais surtout remercier ces jeunes médecins bénévoles, à l'instar de cette jeune étudiante en médecine qui vient de terminer ses études et qui nous a proposé de nous aider bénévolement. Elle est resté 24 heures sur 24 aux urgences et ne nous a pas du tout quitté au cours de ces quatre derniers jours, afin de nous aider à soigner les blessés», conclut le chef de service des urgences de La Rabta.