Durant les années de plomb, la musique a continué à exister et à se développer trouvant refuge dans certains espaces, dans certains milieux, jamais accessibles au grand public. Malgré les scènes qui se sont rétrécies, cela n'a jamais pu empêcher la créativité d'éclore de partout. Dans l'Underground, ils étaient tous et on ne pouvait les écouter que dans l'espace virtuel. Badiâ, dont la voix résonnait en boucle sur nos écrans d'ordinateur, chantant la détresse et la révolte du bassin minier, Bendir man avec son style satirique accusait et dénonçait, Général El bled avec sa lettre ouverte à l'ancien Président, l'appelant à descendre dans la rue pour voir les jeunes au chômage et les personnes précaires. Eux et d'autres encore évoquaient pour la première fois dans un style musical franc, la corruption et font assumer à l'ancien gouvernement tunisien la responsabilité de la dégradation de la situation sociale et économique du pays. Des vidéos largement diffusées dans la blogosphère en Tunisie et ailleurs. Mais bien avant cela, Il fut un temps où l'espace universitaire était investi par les artistes, Il fut un temps où la musique alternative y résonnait. «Al bahth el Mousiqi de Gabès», «Hédi Guella», «Mohamed Bhar», «Zine Essafi», «Les colombes», le regretté Hamadi Ladjimi, la parole était arrachée, mais très vite confisquée. Quelle définition donnons-nous aujourd'hui à la musique alternative et quel rôle peut-elle jouer encore avec cette nouvelle donne qui est notre liberté retrouvée ? La musique alternative est, en fait, une musique qui s'affranchit de tous types d'appartenance de style, de forme de jeu, de famille musicale, de règles à respecter. Elle s'invente avec ses propres critères de composition, de réalisation ou de diffusion. On retrouve dans la musique alternative de nombreuses influences musicales, sans pour autant que celle-ci s'enferme dans des codes spécifiques de genre. Cette notion d'alternative se définit donc, comme un état d'esprit de liberté totale qui tend à réinventer aussi bien au niveau du fond c'est-à-dire le texte mais surtout de la forme. On peut donc dire qu'il n'existe pas une seule forme de musique alternative, mais que celle-ci est forcément inclassable, ouverte et plurielle. Avec ce vent de liberté et la nouvelle Tunisie qui se dessine, l'underground sort au grand jour, et tous ses acteurs, jadis écartés assistent et s'expriment sur les plateaux de télé. Idoles d'une jeunesse, et stars de la Toile, se doivent aujourd'hui de se définir de nouveaux objectifs et de nouveaux mécanismes de fonctionnement. D'autres devront aussi laisser libre cours à leur créativité, faire en sorte que cette énergie ne se complaise pas sur les acquis de la liberté. Et surtout faire gaffe à la récupération. Ne perdons pas de vue la loi immuable de l'évolution qui fait que ce qui est alternatif aujourd'hui est conventionnel demain !