Après "les Journées du théâtre libre" organisées, du 24 au 29 avril 2011, à la salle du 4e Art à Tunis, l'expérience, autour de la scène alternative, se renouvelle dans le même espace avec les "Journées de la musique alternative" qui ont entamé leur marche le 16 juin dernier. Une manifestation qui vise à faire connaître de nouvelles propositions musicales inspirées ou pas du patrimoine artistique national. "L'idée est surtout d'ouvrir les portes à un nouveau faire artistique à une nouvelle esthétique. Ce festival ouvre d'autres perspectives devant les expériences musicales tunisiennes, toutes tendances confondues", annonce le musicien Zouhaïer Gouja dans son allocution d'ouverture. La notion d'alternative est, par définition, ce qui s'affranchit de tout type d'appartenance de genre, de forme de jeu, de règles à respecter. En cela, la musique alternative abolit toute appartenance de style, de famille musicale, en s'inventant avec ses propres critères de composition, de réalisation ou de diffusion. On retrouve dans la musique alternative de nombreuses influences musicales, sans pour autant que celle-ci s'enferme dans des codes spécifiques de genre. On peut donc dire qu'il n'existe pas une seule forme de musique alternative, mais que celle-ci est forcément inclassable, ouverte et plurielle. Et la soirée n'a pas proposé, dans sa totalité, ce que l'on peut considérer comme de la musique alternative. Le programme (surtout en deuxième partie) était libre, éclectique mais pas vraiment "alternatif". C'est Mahmoud Turki et son groupe de musiciens qui préludent la soirée avec la chanson ''Excuse envers le prestige de l'Etat''. Un morceau composé et interprété par Turki et soutenu par l'excellent texte de Ahmed Chaker Ben Dhaya. Inspirés par le concept du "prestige" de l'Etat, entre satire et jeux sémantiques, les mots du jeune poète s'adressent à tous ceux qui piétinent la souveraineté du peuple. " Arrêtons donc avec l'anarchie, ceux qui sont morts sont enterrés, pourquoi donc s'entêter et s'en prendre aux bourreaux...", lance ironiquement la voix grave de Turki accompagné de Mohamed Anis El Meftaoui au luth, Mohamed Amine Ben Aoun au violon et Taoufik Ettouni au "tar", tous diplômés de l'Institut national de musique et qui distillent une musique inspirée de cultures diverses. Une interprétation fortement acclamée par l'auditoire. La scène est, ensuite, cédée à Ahmed Chaker Ben Dhaya qui nous a récité, avec une forte présence scénique, son poème "Nachid al mounachada" en rapport avec octobre 2010. Beaucoup de potentiel, mais pas vraiment alternatif Le reste de la soirée a été assuré par le groupe "Amalgame". Composé de jeunes musiciens diplômés, ou candidats au diplôme de musique, ayant suivi à la base une formation d'études musicales au sein de divers conservatoires, ce groupe propose une musique aux influences classiques occidentales et orientales, s'inspirant également de ce que l'on appelle les musiques du monde. Ses membres sont Mehdi Krit (violon), Amal Ben Saâd (violoncelle), Aroua Gharbi et Salma Baklouti (piano), Ahmed Dhifaoui (guitare et luth), Touihri Mariem (luth), Med Wafik Maïna (percussion), Amal Ben Saad (violencelle), au chant Nayress Ben Gaga, Khaoula Ben Hamida et Souad Megdiche (contrebasse). Ces jeunes musiciens talentueux nous ont proposé un programme, pour le moins, libre et varié et l'on est passé du morceau "Hurt" de la chanteuse américaine Khristina Aguilera, interprété par Nayress, à Renaud, avec sa chanson "Le mistral gagnant" par Khaoula, du "Yani" également pour finir la soirée, entre autres, avec deux chansons du grand Cheikh Imam: "El bahr yadhak" et "Ahou dali sar" merveilleusement chantées par Souad. Hormis quelques petites maladresses (chant et instruments) que l'on met sur le compte de l'âge, les jeunes d'"Amalgame" ont fait preuve de maturité scénique et musicale mais leur programme, certes libre, n'était pas vraiment dans sa totalité alternatif, ni au niveau de l'appréhension musicale ni au niveau du choix des thèmes. L'on a tout de même apprécié, avec délectation, leurs interprétations. Souhaitons-leur bonne continuation.