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«Débattre d'abord, réformer ensuite»
L'entretien du lundi : Néjib Ayed (producteur de cinéma)
Publié dans La Presse de Tunisie le 31 - 01 - 2011

Dans l'univers du cinéma et de la télévision, il est assurément une figure qui compte. Non pas seulement en raison de son parcours très chargé, mais surtout parce que, au jour d'aujourd'hui, et alors que nous sommes à la croisée des chemins, il assume des responsabilités qu'on pourrait qualifier de stratégiques, comme on le verra dans l'entretien qui suit, et comme on le comprend déjà en notant qu'il est actuellement secrétaire général du syndicat des producteurs et que, par ailleurs, il a été rapporteur général de la commission nationale qui s'est penchée, durant les mois derniers, sur la question du développement du cinéma et de l'audiovisuel…
Mais quelques mots quand même sur le parcours : Néjib Ayed, puisque c'est de lui qu'il s'agit, entame sa carrière de personnage du cinéma tunisien dès les années 1970 en prenant la tête de la Fédération tunisienne des ciné-clubs. Une responsabilité qu'il exerce tout en menant une activité journalistique en tant que critique cinématographique et en étant «animateur» dans les festivals internationaux. Puis, de 1980 à 1988, il est directeur à la Satpec, en charge de la production, puis de la promotion internationale. C'est de cette période que datent ses premières expériences de production de films : des longs métrages (L'ombre de la terre, de Taïeb Louhichi, La trace de Néjia Ben Mabrouk), des moyens métrages (Nid d'aigle de Moncef Dhouib et De Carthage à Kairouan de Hamida Ben Ammar) et un court (Grand-rue de Lotfi Thabet). Il poursuit à partir de la fin des années 90 avec d'autres œuvres, parmi lesquelles des feuilletons télévisés comme Ya zahratan fi khayali (2000), de Abdelkader Jerbi, Rihana (2001) de Hammadi Arafa et d'autres. Sa dernière production est signée Chawki El Mejri : Le royaume des fourmis, qui est un long métrage fort attendu.
Quels sont les grands changements qu'on est en droit d'attendre pour le cinéma tunisien dans le contexte actuel ?
Depuis longtemps, la culture est le parent pauvre du développement en Tunisie. Les avancées qui ont été réalisées dans les années 1980 et 90, la culture n'en a pas profité. Le cinéma, lui, a été déstructuré.
De quelle façon déstructuré ?
Premièrement, il y a eu la mise en faillite de la Société anonyme tunisienne de production et d'expansion cinématographique (Satpec). La société a été liquidée à la fin des années 1980 et sa disparition a été effective dans les années 90. Or cette société avait un rôle important, dans tous les secteurs : elle faisait de la production ainsi que de l'aide à la production, elle avait des laboratoires qui étaient devenus compétitifs au début des années 80, puisqu'en 1984 la couleur a été rajoutée et que, en outre, le processus de production avait été amélioré grâce à de nouvelles technologies. La Satpec s'occupait aussi de distribution et gérait des salles comme le Mondial, le 7e Art, le Globe, mais aussi les salles de l'intérieur du pays, de sorte que les meilleurs films pouvaient se retrouver dans les régions. Bref, elle était le ciment de la cinématographie tunisienne. Toutefois, lorsqu'elle a disparu, sa place est restée vide. Ce qui l'illustre, c'est qu'en 1988, il y avait en Tunisie 88 salles : il n'y en a plus aujourd'hui que 14.
Le phénomène de la désaffection des salles, qui est derrière leur disparition, vient aussi de la révolution de l'audiovisuel…
Oui, mais cette évolution négative n'a pas été constatée dans d'autres contrées, comme en Jordanie, dans les pays du Golfe…
Cette déstructuration du cinéma tunisien était-elle le fait d'une politique délibérée ou le résultat d'une option idéologique, celle du libéralisme ?
Dès la fin des années 70, à l'époque de Hédi Nouira, l'idée est apparue que le cinéma devait être géré par le secteur privé. Et cela a continué dans les années 80. En 1986, les choses ont commencé à aller très loin…
Qu'est-ce qu'il convient de faire aujourd'hui?
Les professionnels du cinéma se sont réunis en conclave : cela a commencé en 2009. La décision a été prise alors de créer une commission nationale de développement du cinéma et de l'audiovisuel. Avec la complicité du ministre de l'époque, huit commissions ont travaillé pendant plusieurs mois : ce sont les « assemblées de Hammamet ». Aujourd'hui, les négociations sont achevées et les derniers événements ne changent rien à ces résultats. Il y a un dossier qui est prêt.
Quelles en sont les grandes lignes ?
D'abord, il faut une stratégie nationale de l'image. Ce qui signifie qu'il ne doit pas y avoir multiplicité des tutelles : le cinéma dépendant du département en charge de la culture et la télévision relevant de celui de la communication. Cette situation a créé une sorte de «guéguerre» entre cinéma et télévision. La réforme doit tout englober : la production, la distribution, le cinéma comme la télévision, la télévision publique et la télévision privée…Ensuite, l'audiovisuel doit financer le cinéma et l'audiovisuel. Tous ceux qui profitent de l'image ont à contribuer. Par exemple, les DVD doivent être taxés au profit de la production. La télévision doit aider aussi : partout dans le monde, elle représente le plus gros producteur de cinéma. 10 % des recettes publicitaires seraient versés pour financer la production. Mais il y a aussi l'Internet, à travers les fournisseurs d'accès : eux aussi sont dans le commerce de l'image. La téléphonie mobile également. Les vidéo-clubs, qui sont actuellement en récession mais qui représentaient 70.000 points de vente il y a deux ans, pourraient ramener des milliards en s'acquittant d'une vignette annuelle et en achetant les films tunisiens… en les achetant à des prix qui seraient imbattables !
Ce mécanisme de financement ne serait pas inscrit au budget de l'Etat. Il serait géré par une structure qui est le Centre national du cinéma et de l'audiovisuel. Il s'agit d'un «établissement public à caractère non administratif» qui, en tant que tel, n'est pas tenu d'être rentable. C'est à lui que reviendrait la tâche de collecter et de distribuer les ressources, selon une loi fondamentale et par le biais de commissions paritaires où le ministère de tutelle serait représenté.
Le cinéma, d'après vous, a-t-il un rôle particulier maintenant, après tout ce qui s'est passé chez nous ?
C'est le même rôle qu'il avait auparavant. Le cinéma doit être à l'avant-garde : il est le meilleur ambassadeur du pays. Il faut faire plus de films, plus de films intéressants, en puisant dans la liberté d'expression qui est la base. Le cinéma, et en dehors d'un intermède qui correspond au passage d'un ministre (Mohamed Aziz Ben Achour), a bénéficié de l'argent de l'Etat sans faire la politique de l'Etat.
Il faut cependant revenir sur une mesure déstructurante qui a consisté à ouvrir le secteur aux non-professionnels. Beaucoup de gens ont voulu profiter de la manne de l'Etat sans être du métier et l'Etat lui-même a encouragé ce phénomène: un problème d'assainissement se pose donc. Que les choses soient rendues claires concernant ceux qui ont bénéficié des largesses de l'Etat parce qu'ils militaient au RCD : il ne s'agit pas de les exclure, mais au moins qu'ils le reconnaissent et qu'ils s'excusent…
Il y a des structures saines comme la Fédération des ciné-clubs, l'Association tunisienne de la promotion de la critique cinématographique ou le syndicat des producteurs, mais d'autres ne le sont pas, comme l'Association des cinéastes tunisiens, qui est squattée depuis 15 ans par la même personne et dont les membres du bureau ne se connaissent même pas entre eux. Dernière trouvaille de cette association : l'annonce dans les journaux d'une «assemblée générale extraordinaire» sans mention ni du lieu ni de la date ! Son président prend soin habituellement de faire constater ses assemblées par huissier-notaire mais, dans le même temps, il les organise chez lui et les annonce au Journal officiel, parce qu'il sait que personne ne lit cette publication. Il est temps que ce monsieur sorte et fasse sortir l'ACT de la «clandestinité».
Tout en laissant prospérer des associations de ce genre, on en a refusé d'autres qui étaient légitimes : il s'agit de les recréer. Une association des jeunes cinéastes serait par exemple la bienvenue… La présence des associations, c'est ce qui va rester quand l'euphorie de la révolution sera retombée.
Nous avons besoin de débat et de réflexion. On nous a longtemps montés les uns contre les autres. Il y a eu un travail de sape. C'est grâce au débat que les quiproquos seront résorbés et que la réforme pourra être mise en œuvre.
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Assainir la télévision nationale
Quand on discute avec Néjib Ayed, on ne peut occulter le volet télévision de sa carrière, puisqu'il est certainement le producteur qui a fait le plus de fictions pour le compte de la télévision tunisienne, en tant que producteur exécutif. Pour lui et comme il l'affirme haut et fort : «L'image est une. Et si j'ai fait le choix de n'accepter ni des films de commande ni des spots publicitaires, j'ai, par contre, opté pour l'élargissement des perspectives de ma société «Rives production», en investissant le monde de la fiction-télé. Et là je reconnais qu'on a fait du bon (Sayd er'rim de Ali Mansour, Gamrat Sidi mahrous de Slah Essid, Charaâ et hob de Hamadi Arafa, Maliha de Abdelkader Jerbi…) et du moins bon».
D'ailleurs, Néjib Ayed va franchir un nouveau palier, puisqu'il va coproduire un grand feuilleton arabe de Chawki Mejri, intitulé Taouk (approximatif : passion) et qui sera tourné à 90% en Tunisie, dans un mois. «Ce faisant, on cherchera la dimension stratégique et le milieu naturel qui est le nôtre, à savoir le Maghreb et le monde arabe», dit-il.
A propos des chaînes télé nationales, il souligne : «Comme notre pays vient d'acquérir une nouvelle indépendance, la télévision tunisienne doit en faire de même. En effet, cela fait cinq ans que l'ex-Canal 7 est sous la coupe d'une société (sous-entendre «Cactus»), qui non seulement a pris le monopole du prime time de cette chaîne, mais en a également vidé les caisses. Indirectement, il faut le dire». Selon lui, en effet, cette société a profité pratiquement des deux tiers des rentrées publicitaires qui étaient normalement et logiquement destinées à la production. «Aussi, demandons-nous que cette société, appartenant à une figure marquante de l'ancien régime qui a spolié le pays sous toutes les coutures, (entendre Belhassen Trabelsi) soit considérée «non grata» dans le paysage audiovisuel et que son dossier soit soumis à la commission nationale d'enquête sur la corruption et les malversations», continue-t-il. Et de conclure que la télévision nationale pourra ainsi repartir sur des bases solides. Pour cela, Néjib Ayed appelle qu'elle soit à l'écoute de son personnel qualifié, ainsi que des opérateurs privés (réalisateurs, producteurs…). Il se dit prêt, avec l'ensemble de ses confrères, à constituer une force de réflexion, de proposition et de production sur laquelle la direction de la télévision pourra compter pour améliorer son image et son produit, ainsi qu'à soutenir la concurrence locale et internationale.
S. GRICHI


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