Le comité constitutif de la Cgtt, dont l'ancien régime du président déchu avait interdit toute action, a organisé hier, en son siège à Tunis, sa première conférence de presse en tant que centrale syndicale légale, à l'heure de la liberté et du pluralisme. Saluant la Révolution tunisienne qui leur a permis de voir concrètement le jour en tant «qu'organisation ouverte à toute structure syndicale des différents secteurs d'activité», les 6 membres du bureau fondateur (Habib Guiza, Mohamed Chakroun, Sonia Jaouadi, Naceur Rdissi, Jamel Mokadmi et Lamia Ben Naceur) ont appelé à ce que le 14 janvier soit proclamé fête nationale. En fait, cette centrale, qui se présente comme une confédération opposée à tout excès de centralisme, est née le 3 décembre 2006, sur la base d'une plateforme rendue publique à l'époque et portant les signatures de 500 syndicalistes. Les autorités du ministère de l'Intérieur avaient alors refusé d'accuser réception de la déclaration de constitution de la nouvelle centrale et lui avaient interdit toute activité par différents moyens de pression. Et la plainte adressée au Bureau international du travail à Genève n'a pu lever cette interdiction. La Cgtt, qui porte le même nom que le syndicat historique fondé le 3 décembre 1924 par feu Mohamed Ali El Hammi, se considère comme le continuateur de l'esprit qui avait alors guidé le premier leader syndical de l'histoire de la Tunisie. Son continuateur «dans le sens de la modernisation et de la rénovation». La nouvelle centrale veut lutter contre la culture de syndicat unique, contre la bureaucratie et contre le pouvoir personnel, pour le débat le plus large et la pluralité des idées et positions. Elle réclame «sa place à côté de l'Ugtt, à l'heure où le pluralisme politique se présente comme un élément agissant en faveur de la liberté syndicale la plus totale». Cette liberté syndicale étant aussi chère que la liberté d'expression, d'organisation et de rassemblement, comme le précisent ses fondateurs. Pour M. Habib Guiza, coordinateur de la Cgtt, il s'agit de rompre avec le paradigme : un parti unique - un syndicat unique. Et cette nouvelle organisation syndicale nationale est, comme celles de feu Mohamed Ali Hammi, Belgacem Gnaoui et Farhat Hached, en 1924, 1937 et 1946, issue de la centrale en place. La CGT en 1924 et 1937, et l'Ugtt aujourd'hui. Les fondateurs de la Cgtt sont en effet des anciens cadres de l'Ugtt, à l'image de Habib Guiza et Mohamed Chakroun, anciens secrétaires généraux des Unions régionales du travail de Gabès et de Tunis, qui ont à leur actif 30 ans de syndicalisme militant et qui ont été en prison ensemble suite à la crise du 26 janvier 1978. Les dirigeants de la Cgtt expliquent que c'est suite au congrès de l'Ugtt de Sousse, en 1988, qu'ils avaient subi la «marginalisation des syndicalistes», au profit d'une «caporalisation par le pouvoir». Et d'expliquer : «Nous sommes contre l'alliance avec le pouvoir quel qu'il soit et avec quelque parti politique que ce soit». Et c'est suite au congrès de Djerba que la décision a été prise de fonder une nouvelle centrale. Ce qui fut fait le 3 décembre 2006 par la plateforme des 500 syndicalistes. Aujourd'hui, la Cgtt se proposerait de «réformer le mouvement syndical sur la base d'un véritable pluralisme», «compléter l'Ugtt et agir ensemble à valoriser le plurisyndicalisme», jouer le rôle de contre-pouvoir en refusant toute implication avec le pouvoir politique et en refusant d'être la courroie de transmission de quelque parti ou tendance que ce soit. Le modèle français étant, à cet effet, rejeté au profit des expériences espagnole et belge d'indépendance vis-à-vis des partis. En revanche, la Cgtt compte jouer un rôle actif dans la construction de la démocratie et du pluralisme démocratique. Elle se promet d'être un acteur actant dans tous les secteurs au service des travailleurs, comme une force de proposition sociale et de solidarité syndicale. En donnant toute l'autonomie voulue à ses différentes fédérations sectorielles et non, comme cela est le cas à l'Ugtt, aux unions régionales. C'est une organisation qui se veut différente, intéressée par la révision des rapports sociaux, par l'appel à des comités d'entreprise participatifs ayant de vraies prérogatives, par l'éradication des comportements dictatoriaux, par la transparence à tous les niveaux et la démocratie la plus large. Un réceptacle confédéral pour tout syndicat acquis à ces valeurs, suivant un fonctionnement de coordination souple et sur la base d'un pari sur les jeunes et les femmes, contre l'exploitation et contre l'exclusion. Et qui ne refuse pas d'être associé à la gestion des entreprises.