Certains s'adonnent à la sculpture moderne (en imitant par exemple un instrument de musique), voire à des installations avec des objets reflétés. Ils sont une quinzaine à la galerie Yahia du Palmarium et font miroiter — au sens propre — tout l'espace car ils célèbrent, classiquement ou de façon très originale, le miroir : peinture de bordure, sculpture avec insertion de métal, collages et «marqueterie»… On est attiré par les travaux de torsion du métal : courbes massives superposées au miroir chez Besma Ben Yahia qui attire l'œil et le conque qui s'entrouvre dans deux tableaux symétriques chez Raoudha Hamraoui. On aime le beau travail très raffiné de Rahma Bouderbala et Renata Dlimi. Elles utilisent la peinture sur et sous verre. L'une compose dans ce miroir une «marine» ou bien elle impose un miroir dans une guitare, tout en avertissant : «Ceci n'est pas un miroir» et un chat veille sur l'ensemble… Renata propose un triptyque rehaussé d'acrylique dans les teintes brunes. Il y a une interpénétration et une «illumination» qui pourraient servir de titre à bon nombre de tableaux (il a été choisi par Abdelaziz Maalel, pour des éléments en relief et fragments de miroir). Fragments et diffraction La pratique d'un savant mélange d'éléments peints et de fragments de miroir insérés dans l'ensemble est celle de trois artistes au moins: Maalel, mais aussi Lamia Ben Lamine Saïdane : des éclats savamment disposés, une peinture complexe en correspondance»… Dans une composition mixte, avec des éléments surréalistes, Adel Gouider propose «Le coquillage et la perle». Lamia parle de «réflexion de l'âme», ce qui inspire plusieurs artistes mais dans une production diversifiée. La plupart des œuvres sont harmonieuses mais Leïla Selmaoui divise «la réflexion de l'âme» en cinq panneaux avec quatre visages déformés, assez inquiétants… Les fragments de Med Fenine sont des courbes en miroir sur un fond orange (mouvement réflexion). Aïcha Ibrahim diffracte les couleurs sur des visages en nombre (en des couleurs vives, presque agressives). C'est un «autoportrait» dit-elle. On la croit? Signatures Elle fait partie de ces participants qui ont un renom comme Rahma et Renata. On remarque Zoubeïr Lasram, Alyssa, Habib Bida au «miroir éclaté» (sans miroir). Chez Zoubeïr au milieu de grandes fleurs rouges, le miroir est peint seulement… Ces peintres font acte d'originalité alors que Abdelmajid Bekri reste dans la classique bordure — mais dans sa thématique. On retrouve les signes du patrimoine, la magie… Reflets et insertions Tous font éclater le miroir, font passer de l'autre côté… de façon magique ou plutôt scientifique. Ils font passer aussi le visiteur dans l'œuvre, surtout dans les œuvres posées au sol. Nesrine Ben Ameur insère le visiteur qui se voit en entier dans les deux barres de miroir posées en biais : cela s'appelle «savon en couleur», couleurs de nos vêtements, de nos visages… Notre silhouette s'inscrit dans les panneaux et modifie l'œuvre… Mourad Habli propose une installation de tube catholique suspendu dans «une réflexion virtuelle». Dolizen Chtourou impose une sorte de harpe-guitare dans «Tanit 2». Un œil et des boules blanches donnent une impression d'étrangeté. Ce sont les deux forces de cette exposition à facettes — n'oublions pas une table à facettes de miroirs — : harmonie et étrangeté. Lilia Ben Zid se permet et nous permet de définir en un poème notre inclusion dans chaque œuvre (partielle ou totale) : «Notre miroir se trouve partout, dans les yeux des autres. Sur les portes et les fenêtres que l'on ouvre ou que l'on ferme». Son œuvre illustre, par des photos nombreuses collées sur un grand panneau, le propos. Elle l'appelle «La nuit la plus longue» ou «Anonyme» avec? On est enchanté de la poésie qui se dégage de cette exposition à facettes et aux multiples lumières. Des enfants visitaient cette exposition en groupe et se plaisaient à se mirer, ils satisfaisaient le désir des œuvres. «Regarde-moi et perds-toi en moi», semble dire chacune d'elles.