Rompre avec le passé, retrouver les repères, se métamorphoser est aujourd'hui un cahier des charges hyper-chargé pour la sélection. Les joueurs doivent savoir, au cas où ils l'ont oublié, que le football est une leçon permanente de vérité. Comme tant d'autres activités, c'est un repére de moralité L'équipe de Tunisie a manqué, ces dernières années, de prise de position, de réaction et de décision. Les leçons à retenir d'un match, d'une défaite, ne lui ont jamais servi pour rebondir. Curieusement, elle s'est laissé entraîner dans une spirale à multiples facettes: sportive, morale, éthique, humaine… Certains de ses inspirateurs les plus éminents, tous parés d'innocence, adeptes de la pensée unique, tous sans exception, sont passés à côté du vrai sujet de réflexion : des valeurs qui se perdaient, la notion et la culture de sélection qui disparaissaient au gré des profits et des enjeux divers au détriment d'une équipe abandonnée à l'indigence de ses joueurs, aux idées de ses entraîneurs et à la pauvreté de son jeu. On l'a déjà dit et au risque de nous répéter, nous osons encore une fois affirmer que le football est avant tout une question de motivation. L'histoire l'a souvent démontré. Mais c'est aussi et surtout une question de mentalité et d'état d'esprit. La sélection en aurait aujourd'hui fortement besoin. Et encore une fois, le mythe d'une profonde réhabilitation devrait survivre à la vérité dénaturée qu'on n'a jamais cessé de lui coller. L'esprit et la conception de jeu qu'elle est tenue aujourd'hui de favoriser, la civilisation du football à laquelle elle se doit d'accéder devraient constituer son véritable pouvoir de résolution. La sélection est désormais face à l'incarnation d'un moment historique susceptible de rendre les choses à leur juste valeur et à leur place réelle en faisant de sorte qu'elles soient détachées de tout ce qui la conditionnait outre mesure. Au fond, le mérite d'une équipe, ce n'est nullement le résultat, ni la régularité dans le rendement. C'est une philosophie, une liberté de s'exprimer, une vocation, une morale. On avait rarement, très rarement, vu la sélection en disposer. D'une façon ou d'une autre, elle en avait des fois la virtuosité, mais point l'éthique. Aujourd'hui, et à commencer par le championnat d'Afrique des joueurs locaux, nous pensons qu'elle aurait besoin à la fois d'un style et un mode de comportement. On se demande pourquoi elle n'épouserait pas un style, elle ne jouerait pas tous les rôles? Qu'est-ce qui pourrait justement l'empêcher d'incarner l'impeccable spontanéité du geste, le football bonheur? Le combat extrême Au fait, de quoi aurait-elle besoin? L'idée qu'elle devrait donner concerne des individualités et un collectif qui ne seraient pas privés de grandes choses. Peut-être des petits riens? Cela dépend de la manière avec laquelle on serait tenté de la juger et de la façon avec laquelle elle envisagera son avenir. Il faut dire enfin que la raison d'être de la sélection ne devrait pas se mesurer seulement avec les titres. Mais aussi et surtout à un certain niveau d'exigence, vis-à-vis de ses joueurs, de son identité. Ça ne peut pas être seulement un paramètre, ou encore un élément moteur. Le pouvoir appelée à se faire respecter devrait avoir de nouvelles revendications de jeu et de comportement. Un titre, une consécration, ça ne se revendique pas uniquement. Ça se mérite. Et forcément, l'équipe de Tunisie devrait avoir les mérites au-delà desquels elle serait en mesure de forcer la décision, de faire la différence. C'est comme dans la vie : on fait un choix et l'on ne peut que suivre la nature de son cheminement…C'est-à-dire progresser étape par étape jusqu'au sprint final. Entre le trop proche et le trop lointain, se situe donc un constat destiné à matérialiser ce dont aurait réellement besoin la sélection. Cependant, en football, avoir des idées bien élaborées peut parfois ne pas suffire. Il reste qu'elle aurait également besoin d'apprendre l'art de la bonne gestion des temps forts, comme ceux des temps de doute et de faiblesse. Une manière de se montrer capable de contenir à la fois la grande confiance qui peut bien habiter une équipe et l'inquiétude qu'elle risque de ressentir à chaque fois que les choses ne tournent pas rond. Rompre avec le passé, retrouver les repères, se métamorphoser est aujourd'hui un cahier des charges hyper-chargé pour la sélection. Les joueurs doivent savoir, au cas où ils l'ont oublié, que le football est une leçon permanente de vérité. Comme tant d'autres activités, c'est un repère de moralité. C'est dire à quel point ils sont censés avoir conscience de cette réalité. On ne peut pas en vouloir à ceux qui perdent, mais on peut en vouloir à ceux qui manquent à leur devoir et qui oublient qu'ils sont les représentants d'une nation de football et les dépositaires de toute une histoire. Les qualités physiques et techniques ne suffisent pas si on n'y ajoute pas la générosité, l'abnégation et la détermination, s'il n'y a pas ces ingrédients qui provoquent le dépassement de soi. Tout cela, ça ne se décrète pas occasionnellement, ou dans un match. C'est une question d'état d'esprit et de conviction partagée.