Par Mourad ABDELLAH* La Révolution tunisienne ouvre une nouvelle page de l'histoire de la Tunisie en vue d'instaurer une société basée sur la démocratie, les libertés, les droits de l'homme et la justice sociale. Cette révolution ne peut réussir que si elle s'inscrit résolument dans un projet tourné vers le progrès et l'émancipation sociale, et que des réformes politiques audacieuses et ambitieuses sont menées, permettant la mise en place d'un Etat démocratique et moderne, au service du peuple tunisien et de tous les citoyens sans distinction de leurs opinions politiques et religieuses. Il faut pour cela assurer : – La séparation de l'Etat et des partis politiques, des organisations syndicales, associations et groupes de pression quels qu'ils soient. L'Etat doit être impartial et fonctionner sur la base du droit et bannir toute forme de favoritisme, de privilège et de clientélisme. Les nominations doivent être faites sur le seul critère de la compétence et des qualités professionnelles et humaines. Les droits et les devoirs des fonctionnaires et des citoyens doivent être scrupuleusement respectés. Un organisme de médiation et de contrôle des abus doit être créé pour résoudre les problèmes et litiges entre les citoyens et l'administration. Les opérations de récolte de fonds de solidarité telles que le Fonds 26-26 doivent être supprimées au niveau des institutions de l'Etat. Ces opérations doivent être du seul ressort des ONG et associations issues de la société civile et doivent se faire sur la base du choix libre et volontaire des citoyens et non sous la contrainte, dans la transparence la plus totale. – La deuxième réforme essentielle est la séparation de l'Etat et de la religion et l'instauration de la laïcité comme valeur républicaine qui consacre la liberté de conscience du citoyen. La religion doit rester une affaire personnelle. L'Etat appartient à tous les citoyens sans distinction de leur appartenance religieuse. L'Etat ne doit pas se réclamer d'une religion. C'est pour cela que l'article 1 de la Constitution qui stipule que l'Etat a l'Islam comme religion et l'arabe comme langue doit être abrogé, car cela est antidémocratique et ouvre la porte à l'exclusion et à la haine raciale. L'islamisme et l'arabisation à outrance menés par l'ancien régime pour tenter d'isoler et d'éloigner la Tunisie de son ancrage dans le progrès menacent le pays dans son essence. C'est pourquoi la laïcité doit être inscrite comme valeur fondamentale de la République dans la Constitution, ainsi que le principe de l'égalité entre l'homme et la femme et les droits de la femme tels qu'énoncés dans le Code du statut personnel et établir de nouveaux droits comme l'égalité dans l'héritage et la parité dans les assemblées électives comme la Chambre des députés et les conseils municipaux. – Une troisième réforme fondamentale et qui doit être inscrite dans la Constitution est l'abolition de la peine de mort, qui permettra à la Tunisie de rejoindre le rang des Etats démocratiques avancés et civilisés. Il faut aussi interdire la torture dans les locaux de la police et les prisons, ainsi que les peines et sanctions portant atteinte physique à la personne humaine. La nouvelle Constitution doit porter les valeurs fondamentales républicaines que sont la laïcité, la liberté et le respect de la dignité humaine et doivent être protégées comme valeurs irréversibles et fondatrices de la nouvelle République. * Médecin