Le Conseil national de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) s'est réuni hier dans un hôtel de Gammarth, pour répondre à une situation devenue intenable. A vrai dire, cette réunion devait avoir lieu au siège de l'organisation, sis à la Cité El Khadhra, mais un sit-in dans les lieux a poussé les organisateurs à choisir de se transporter ailleurs… Ce qui n'a pas empêché, du reste, que des affiches soient collées sur les murs en pleine séance de débats : «Game over», «Vers une organisation autonome», lisait-on. Mais cet intermède fut de courte durée et les choses sérieuses, pour ainsi dire, ont vite repris leur cours. Les choses sérieuses, ce sont les propositions des membres dudit Conseil pour dépasser une situation de crise de l'instance dirigeante. Car depuis le départ de M. Hédi Jilani, l'ancien président de l'organisation, le bureau exécutif est demeuré en place. Or la légitimité de ce bureau a été vivement contestée et des voix se sont élevées ici ou là pour le faire savoir et pour agiter des accusations… M. Mohamed Ben Sedrine, qui a remplacé Hédi Jilani à la tête du bureau exécutif après le départ de ce dernier, a protesté contre ces allégations en indiquant que ceux qui s'en faisaient l'écho sans preuve pourraient avoir à en rendre compte devant la justice. Après le mot d'introduction qu'il a prononcé pour ouvrir la réunion, il a invité un expert-comptable à présenter les comptes de l'organisation, ajoutant par ailleurs qu'une autre expertise existait réalisée par quelqu'un d'entièrement étranger à l'organisation. Il s'agissait en particulier d'établir que les membres de l'instance dirigeante n'avaient pas reçu de rétribution, contrairement à ce qui se disait. Dans son allocution, M. Ben Sedrine avait toutefois déclaré : «Nous sommes prêts à la démission mais l'avion, avec à son bord les passagers, peut-il rester sans pilote ?» Il a fait valoir que le prochain congrès devait normalement se tenir dans les deux mois. Ce qui serait un intervalle juste suffisant pour s'y préparer : «Nous avons attendu quatre ans, ne pouvons-nous pas attendre deux mois de plus ?» Toutefois, certains dans la salle ne l'entendaient pas de cette oreille. Ils ont dénoncé l'affaiblissement de l'organisation et son absence dans les médias, où elle est parfois prise à partie et critiquée. On évoque les noms de Hamma Hammami, le leader du Parti communiste des ouvriers, celui de Rached Ghannouchi, qui dirige le mouvement Ennahdha, ou encore celui de Abid Briki, de l'Union générale des travailleurs tunisiens… Une discrétion médiatique qui, dit-on, nuit au prestige de l'organisation et à sa capacité à faire entendre sa voix pour faire valoir ses propres revendications. «Il nous faut quelqu'un qui soit capable de taper sur la table !», dira l'un des intervenants. Ce qui est jugé d'autant plus nécessaire que si les entreprises ne parviennent pas à retrouver les conditions de leur retour normal au travail, c'est toute l'économie qui en souffre, et avec elle l'emploi. La réunion, qui s'est poursuivie assez tard dans l'après-midi, a finalement débouché sur un accord, avec la formation d'un nouveau bureau exécutif, dont la composition est la suivante : 5 membres issus de l'ancien bureau exécutif — dont l'ancien président Mohamed Ben Sedrine —, 5 membres parmi les présidents de fédération, 5 autres parmi les représentants des Unions régionales, 4 membres correspondant aux jeunes et dont on peut penser qu'ils ont incarné jusque-là la tendance contestataire et, enfin, un membre issu de la fédération des femmes chefs d'entreprise. Souhaitons à cette nouvelle équipe bonne chance en attendant la tenue du prochain congrès. Bon courage aussi : l'économie du pays dépend en bonne partie de la capacité de l'Utica à remettre de l'ordre dans ses affaires !