Tout le monde s'accorde à dire que le tourisme tunisien est au creux de la vague. Une situation tout à fait compréhensible du fait qu'en cas de troubles, de guerre, de catastrophe naturelle ou encore de crise économique, le tourisme est le premier secteur à souffrir mais aussi le premier à rebondir dès que la situation se stabilise. Et le tourisme tunisien ne déroge pas à cette règle. Sauf qu'au moment où l'on pensait que la situation sécuritaire au pays s'est nettement améliorée pour permettre à cette activité de reprendre de plus belle, le secteur subit de plein fouet les répercussions de nouveaux évènements. En effet, aux facteurs endogènes viennent se greffer d'autres facteurs exogènes qui ont creusé davantage le lit des baisses cumulées. En effet, la situation en Libye d'une part et la crise humanitaire due aux flux de refugiés ont jeté un autre pavé dans la mare. Car, bien qu'opaques, nos frontières avec un pays presque en situation de guerre est, aux yeux des voyagistes, un facteur assez dissuasif pour déconseiller le voyage en Tunisie. D'autre part, cette situation, qui ne fait que favoriser le maintien des restrictions au voyage dans les régions intérieures et le sud du pays, empêche le secteur de reprendre des couleurs. Afin de faire sauter les derniers verrous qui freinent encore la vente de la destination sur les plus grands marchés émetteurs, le ministère du Commerce et du Tourisme a organisé une excursion culturelle à l'intention des membres du corps diplomatique accrédités à Tunis. Un week-end de dépaysement et de découverte des quelques joyaux que le Sud tunisien garde jalousement dans leurs écrins. Mais aussi cette opération de charme avait pour but avoué celui de convaincre les émissaires diplomatiques accrédités à Tunis, que la situation au pays est stable et sécurisée. Peut-être qu'en rentrant de ce périple, ils convaincront leurs gouvernements réciproques de lever les restrictions aux voyages imposées aux régions intérieures du pays. Récit d'un week-end avec ses différentes figures planifiées et d'autres imposées. Y a t-il un vert plus intense, plus lumineux que celui de l'oasis qui accueille le voyageur harassé et poussiéreux ? C'est pourquoi le périple commence par une excursion à Nefta, la Perle du Djérid. Ville mystique au passé chargée d'histoire, Nefta surnommée aussi la Petite Koufa, est une ville saharienne qui a quelque chose d'intime et de secret à offrir. Et comme la première jouissance au Sahara, c'est ce regard sur l'immensité, le silence et la splendeur de ce vaste et étrange territoire, auquel on assiste au coucher du soleil sur les dunes de Nefta. Très rapidement, une pensée au sage Théodore Monod, qui disait que pour parler du désert il faudrait se taire comme lui et lui rendre ainsi hommage, s'empare des visiteurs. Car, ici le pouls du temps bat à un rythme mystérieux, celui du rien vacancier qui nargue le voyageur et le pousse à l'aventure. Le temps d'échanger quelques propos avec les convives et voilà que sous les dunes de l'ouest, le soleil se refuge lentement en promettant le retour demain à la même heure au même endroit. L'on quitte les lieux avec une seule envie, celle de répondre à l'appel envoutant à l'escapade et de prendre d'assaut cette mer de sable le plus rapidement possible. Le groupe se dirige en voitures tout terrain pour un dîner dans une oasis à Tozeur, capitale du Djérid. Comme des pâtres d'étoiles célestes, on pénètre dans une forêt de palmiers. Les véhicules serpentent à travers la piste aménagée au cœur de la palmeraie, où le son de bruissement de l'eau, qui coule dans ses séguias, alimente la plus importante palmeraie du Sud, nous rappelle le génie d'Ibn Chabbat qui a imaginé un système d'irrigation intelligent. Une véritable forêt de palmiers mêlés d'orangers, de citronniers, d'abricotiers, de figuiers et de grenadiers ainsi que d'une large panoplie d'autres arbres fruitiers et même des oliviers. Des hommes coiffés de «chachs» blancs et en flambeau accueillent les hôtes du ministère du Commerce et du Tourisme, formant ainsi un chemin lumineux vers ce restaurant à ciel ouvert, aménagé par une agence spécialisée «Terre d'ailleurs». Le sol a été revêtu par des margoums et le chemin entre les palmiers balisé de bougies. Des lampions en forme de guirlande ornent les troncs des arbres et des palmiers-dattiers. Des tables basses entourées de coussins forment l'essentiel de ce restaurant aménagé spécialement pour l'occasion. Les arbres déjà en fleurs embaument l'air de leurs parfums. Çà et là, des vignes capricieuses, aux ceps gigantesques, grimpent le long des dattiers, s'enroulent autour de leurs troncs ou courent en guirlandes d'un arbre à l'autre. Sous les palmiers, c'est un autre climat frais et doux qui subsiste. Le sol divisé en d'innombrables petits compartiments ensemencés de tomates, poireaux et oignons, concombres, courges, choux, etc. et surtout du fameux piment nain inégalé “felfel Nefta”. L'on repart ravis à l'idée d'y revenir demain tôt pour un tour en calèche suivi d'une visite à l'Eden Palm, un concept novateur d'un parc à thèmes dont l'objectif est d'offrir aux visiteurs la découverte authentique et intelligente de l'univers des palmiers-dattier, et de la datte, fruit emblématique de la région. Ensuite, on met le cap, à bord des véhicules 4x4, sur Chebika. Au fur et mesure que l'on s'approche de l'univers magique des oasis de montagne avec les superbes palmiers-dattiers juchés sur les flancs des djebels arides aux couleurs ocre et rouge, l'on se rend compte que dans ces montagnes, la nature a une imagination délirante. Ici, l'on découvre un lieu épique qui offre de magnifiques échappées. L'incident A Tamerza, le visiteur ne sera pas au bout de ses surprises non plus. Accrochée aux flancs dominant toute la plaine du Jérid, le village semble renaître de ses cendres. Les vestiges de l'ancien village témoignent de la singularité du lieu. Chaos de rochers, troupeaux de chameaux, et cabanes isolées ouvrant des bouches d'ombre sous un soleil de plomb jalonnent la piste jusqu'à Ong El Jemel. Ici, surprise, les cocktails se savourent au couchant dans les décors, éclairés à la torche, du célèbre village d'Anakin Skywalker dans Star Wars. La réalité rejoint la fiction… Mais, il faut impérativement passer la nuit à Tozeur, ce lieu magique avant de prendre la route pour «Douz», la porte du Sahara. A la lumière du jour, Tozeur surprend aussi par la fraîcheur des jardins où perlent, gorgés de soleil, «les doigts de lumière et de miel». Les palmiers protègent l'abricotier, le grenadier, le citronnier, les fleurs… Dans la palmeraie, on croise, dans la clarté ombragée, des femmes enveloppées dans leur costume bleu, violine ou noir. Cap sur Douz. Sur la route, la traversée du Chott El Jérid, ce grand lac croûté de sel et dont le reflet par un soleil ardent fait naître le mirage troublant, illustre fort et bien le contraste de paysages dont regorge la région du Grand Sud. A la lisière du Sahara, on passe d'une oasis à l'autre. Kébili et Deguache nous plongent au cœur même d'un univers magique où la douceur des vergers procure une sensation paradisiaque. Tout se passait comme convenu, quant à 30 km de Douz et précisement à Souk El Ahad, des manifestants barrent la route au convoi. Jets de pierres sur le premier véhicule d'escorte de la garde nationale. D'après le comité de la protection de la révolution à Kebili, les manifestants ciblaient uniquement les agents de la Garde nationale, qui, la veille, avaient mené une grande campagne de ratissage de la région qui s'est soldée par plusieurs arrestations parmi les habitants de la ville de Souk El Ahad. Il n'empêche, l'on nous somme de faire demi-tour et emprunter une piste saharienne qui nous permettra de rejoindre Douz. Franchement, à quelque chose malheur est bon. Ce détour nous a permis de découvrir davantage l'étrangeté des lieux et quelques aspects de la vie des nomades. On arrive à Douz, porte du Sahara, après deux heures. Douz nous rappelle le rôle que jouait par le passé ce grand carrefour d'échanges commerciaux et de départs des caravanes. Terre des M'razigues,fiers cavaliers et vaillants combattants pour la libération de la nation en temps de colonisation, cette ville livre chichement ses secrets. Certes, la première jouissance au Sahara, c'est ce regard sur l'immensité, le silence et la splendeur de ce vaste et étrange territoire. Cependant, l'on ne pourrait jamais prétendre développer un tourisme saharien, basé uniquement sur la seule étrangeté des lieux et la forme de dépaysement qu'ils offrent par leur vacuité. Car le Sahara n'a jamais été un lieu vide. En effet, la «présence de l'homme préhistorique est encore largement attestée dans l'ensemble du Sahara… il est habité par les hommes depuis plus de deux millions d'années». Nous sommes donc en présence, certes, d'un milieu vaste et hostile, mais qui est chargé d'histoire, de culture et de civilisation. Il s'agit donc de faire découvrir au visiteur l'art et la manière de vivre des communautés qui vivent au Sahara. Le mini-festival du Sahara à Douz, préparé spécialement pour ces visiteurs de haute marque, s'efforce de nous offrir une compilation des aspects de la vie saharienne, de toute sa richesse, mais aussi toute sa fragilité. C'est dans cette place, «H'nich», un simple petit mouchoir de sable aux portes du Sahara, où une dizaine de tentes bédouines sont dressées en demi-cercle face aux gradins et tribune d'honneur. C'est le «na'jaâ» (le campement), qui aura lieu dans son giron, pendant près d'une heure de temps. En effet, une magnifique fresque vivante avait transporté le public à un voyage à travers les siècles. Musée vivant à ciel ouvert de la vie bédouine, qui sait résister au fleuve du temps, inspirée par les riches enseignements de ce grand maître, royaume des sables et du silence. Ici, on chante la révolution mais aussi les valeureux Mrazig, leur courage, leur patience, leur sens de l'honneur et du sacrifice ainsi que le Sahara et le Méhari. Ainsi, la fresque présentée, ponctués par la poésie populaire «El Mouguef», nous a plongés dans l'univers bédouin avec la découverte du «Douar», la «Course des méharis», «Thelim», la danse «Nokane», le combat des dromadaires mâles, M'daouri, et chasse au lévrier «sloughi». L'Office national du tourisme tunisien (Ontt), qui a toujours soutenu cette manifestation et qui aspire à en faire un levier pour le tourisme saharien dans la région et fort de son expérience acquise dans l'organisation de l'événementiel, s'implique davantage dans ces éditions, en prêtant main-forte aux organisateurs locaux. Ainsi, une nouvelle palette de couleurs, une plus belle chorégraphie et une succession bien orchestrée des tableaux du spectacle, viennent rehausser un peu le niveau de la prestation ludique. Toutefois, le festival gagnerait à faire preuve de plus d'imagination et d'innovation sur une trame de fond d'originalité et de recherche sur les rituels, le style vestimentaire, la danse, le chant et la musique. Les visiteurs quitteront Douz sur une note de fête, mais ils partiront aussi en emportant dans les «rushes» de leurs caméras, les meilleurs souvenirs du Djerid et du Sahara tunisien. Ils raconteront et partageront leurs rêves du Sahara et de ces «sables émouvants» avec leurs compatriotes et finiront par attiser leur appétit pour venir nombreux en Tunisie. Mais auparavant, ils devraient convaincre leur gouvernement de la nécessité de lever toute restriction aux voyages à destination de la Tunisie.