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La Révolution tunisienne, un sursaut pour le monde arabe
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 04 - 2011


Par Abdeljelil KAROUI*
Voilà que depuis quelques décennies le monde arabe et en partie le monde musulman essuient échec sur échec et subissent des catastrophes plus épouvantables les unes que les autres. Le point focal étant le conflit israélo-palestinien qui remonte à plus de soixante ans avec bien des vicissitudes et dont les déconvenues ont empoisonné toute la politique de la région. Vint ensuite l'occupation du Koweit par l'Irak et la guerre quasiment mondiale qui s'en est suivie. L'attaque des deux tours jumelles à New York, le 11 septembre 2001, va constituer un tournant dans les relations entre l'Occident et le monde musulman, souvent transformées en confrontation. Ainsi verra-t-on le bombardement de l'Afghanistan, une nouvelle guerre contre l'Irak, sans préjudice de l'actuel enlisement de ces deux pays dans des attentats-suicide, absurdes et interminables, fomentés, dit-on, par Al Qaïda et les Talibans, ces derniers étant formés par la Pakistan qui connaît à son tour le même sort.
C'est là quelques ingrédients qui suffisent amplement pour allumer les étincelles propres à provoquer une explosion. A voir d'un peu plus près les données de la question, on aura vite fait de constater que l'on pourrait invoquer des raisons exogènes et endogènes. D'un côté l'Etat israélien, arrogant sans doute, mais très solide grâce à un sens de la gestion rigoureuse et aux services de l'élite intellectuelle des juifs des quatre coins du monde venus s'installer dans ce pays. A cela s'ajoute une attention bienveillante d'un Occident timoré et voulant se racheter après le génocide. Aussi accorde-t-il sans la moindre parcimonie un soutien moral, financier et militaire à l'Etat hébreu.
D'un autre côté, la majorité des pays arabes sont gouvernés par des militaires dont l'horizon culturel est des plus médiocres et dont le souci essentiel est de s'agglutiner au pouvoir jusqu'à ce que la mort vienne les en priver à moins qu'un coup d'Etat ne les emporte. C'est ainsi qu'il n'est pas exceptionnel que les peuples les subissent des dizaines d'années durant. Pire encore, ces gouvernants dont la gestion est souvent catastrophique pratiquent d'une manière éhontée le népotisme sans oublier de se servir les premiers dans des limites que personne ne soupçonnait. Seules ces dernières révolutions nous ont révélé l'inimaginable.
Chaque potentat y va de sa méthode
Pour se maintenir, chacun de ces potentats y va de sa méthode: politique de l'enseignement, conception de l'économie, censure, etc… Prenons l'exemple de l'enseignement en Tunisie. Les apparences sont éblouissantes : il est obligatoire et gratuit jusqu'à l'âge de 16 ans, le taux de succès au baccalauréat est autour de 70%, le nombre d'étudiants approche les 400.000, la décentralisation universitaire gagne presque toutes les régions. En fait tout est piégé car une volonté politique qui cherche à afficher des chiffres et des records autour d'un simulacre d'excellence néglige en fait de faire acquérir une relative maîtrise de l'arabe et du français à l'école primaire, condition sine qua non pour que l'élève accédant à l'enseignement supérieur ait le niveau requis. Au lieu de songer à une solution en amont, on a imaginé un subterfuge qui consiste à instaurer dans l'enseignement supérieur un système tel que, quelles que soient les notes obtenues par les étudiants dans les matières principales, les matières à options sont là pour les racheter ; si bien que le taux de succès qui se situait autour de 20 à 25% passe à environ 80%. C'est du moins ce qui se passe dans les facultés des Lettres et des Sciences humaines. Lors de la journée du savoir, on a eu beau jeu alors de brandir à cor et à cri le triomphe du système, performances au baccalauréat avec des moyennes qui défient l'entendement et satisfaction béate pour tous les autres résultats. Face à cette imposture, une élite se dégage malgré tout, grâce aux lycées pilotes et à l'encadrement dont bénéficient les enfants des familles aisées. Reste le problème, et il est énorme, de tous ceux qui n'ont pas cette chance.
Dans la plupart des autres pays arabes, la situation de l'enseignement est encore moins reluisante. Au Maroc, la démocratisation de l'enseignement n'a jamais été à l'ordre du jour, une élite s'est en revanche dégagée à travers le développement des établissements de la mission culturelle française. Au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, une arabisation improvisée et un recours inconsidéré à des coopérants égyptiens peu compétents ont fait beaucoup de dégâts. La Libye est restée fermée aux influences modernes de la recherche et de la science, puisque les langues étrangères ne sont intégrées à titre obligatoire à aucun niveau de son enseignement.
La liberté d'expression n'a pas meilleure presse, puisqu'elle est souvent bâillonnée, avec parfois une petite soupape de sûreté pour éviter l'explosion. La censure sévit en Tunisie impitoyablement si bien que la langue de bois reproduit les mêmes litanies à la louange de l'artisan du changement jusqu'à l'écoeurement tandis que la presse de l'opposition subit toutes les entraves possibles à l'exercice de ses fonctions. En l'espèce, l'Algérie et le Maroc sont un peu plus chanceux, sauf que pour le Maroc, autant ce qui touche au roi est tabou, autant il est permis de desserrer l'étau pour tout le reste.
En fait d'économie, la gouvernance des pays arabes souffre de graves carences dont un des traits communs est la corruption qui prend différentes formes selon les pays. En Tunisie, les familles du Président et celle de son épouse ont fait main basse sur le pays d'une manière concertée, méthodique et tentaculaire se livrant à toutes les activités économiques avec prédilection pour les plus rentables et qui ne comportent ni efforts ni créativité, le système bancaire étant mis à contribution au-delà de toutes limites. Les généraux en Algérie se sont fabuleusement enrichis à la faveur, dit-on, de contrats juteux pour l'achat d'armements ou toutes sortes d'équipements dont la nécessité était loin d'être évidente. Au Maroc, une oligarchie qui gravite autour du Roi, se développe et s'épanouit ostensiblement au grand mépris des masses qui croupissent pour une grande partie d'entre elles dans l'ignorance et la misère. Le colonel Kadhafi en Libye dispose à son gré, depuis plus de quarante ans, des richesses de son pays en en dilapidant l'essentiel, sans oublier de jeter quelques miettes à son peuple.
Attitude pathologique
Après avoir éludé la situation des pays arabes depuis quelques décennies à deux niveaux, celui de la conjoncture internationale : arrogance israélienne et impérialisme, et celui de la gestion catastrophique de leurs gouvernants, il convient de savoir quelles réactions face à ces deux fatalités ils vont développer. Ce qui frappe au fil des années, et la tendance va en s'accentuant surtout après la deuxième guerre contre l'Irak, c'est la passivité. Autrement dit plutôt que de se révolter contre l'ennemi objectif, à savoir l'occupant étranger ou le gouvernement corrompu, tout se passe comme si on cherchait à se nuire à soi-même et à déchirer les siens. C'est à coup sûr une attitude pathologique. Pour se guérir des maux que les autres nous causent, on s'en inflige d'autres masochiquement et qui sont pires. Ce comportement est vrai pour presque tout le monde arabo-musulman qui confronté aux échecs et humiliations qui jurent avec une civilisation ayant connu son heure de gloire aussi bien dans l'Antiquité qu'au Moyen âge, n'a pas imaginé autre chose que de s'enfoncer dans le négativisme et même dans l'avilissement. Il s'agit au début d'un repli sur soi auquel se mêle une tentation de trouver dans le passé l'imaginaire collectif ou la religion un appui qui permettrait d'accuser le coup. La réponse viendra pour l'essentiel de la religion, mais une religion dont le message est souvent dévoyé et trahi par l'ignorance et la bêtise. Ainsi des multitudes se sont rabattues sur une planche de salut qu'ils pensaient être la religion, alors que les principes qu'ils mettaient en œuvre étaient souvent aux antipodes de l'essence de l'Islam : intolérance aveugle, fanatisme exacerbé, frénésie d'attentats-suicide contre des musulmans y compris dans les lieux de culte, persécutions parfois atroces contre des compatriotes chrétiens, extension du port de la burka ou de ce qui en est équivalent quand ce n'est pas le foulard, atmosphère de sinistrose, et j'en passe. Quoi d'étonnant quand on songe que les modèles dont ils disposaient étaient entachés d'obscurantisme et de totale ignorance. Quelques exemples s'il en était besoin : au Pakistan non arabophone on prétend initier les Talibans afghans au Coran et à l'Islam, nous savons quelle en a été la conséquence ; le wahabisme en Arabie Saoudite enseigne une idéologie primaire dont les effets pernicieux sont d'autant plus patents qu'il dispose des mannes du pétrole pour distiller son venin à travers bon nombre de chaînes satellitaires et diverses dotations.
Ainsi ce qui marquait le monde arabe et une partie des pays musulmans jusqu'au 14 janvier était une double déficience intellectuelle et esthétique débouchant sur une totale impasse. En effet, l'horizon intellectuel était des plus bas, et l'esprit critique, réduit à zéro, ne voyait plus la cible qu'il devait atteindre, aussi assistons-nous à une opération systématique de sabordage. Par ailleurs, influence wahabiste oblige, tout ce qui respire le beau et rappelle l'art est perçu comme blasphématoire. Dieu nous en aimera-t-il plus pour ériger l'ineptie et la laideur en valeurs ?
C'était dans cette atmosphère désolante que l'on vivait, au point que pour éviter la dépression, certains ont renoncé à écouter les informations, d'autres se sont réfugiés dans la musique ou le sport. Or voilà qu'intervient cette révolution, et c'en est une véritablement, car rien ne sera plus comme avant. D'abord le phénomène de la liberté d'expression, totalement nouveau chez nous, est perçu comme une renaissance à la vie, une sorte de palingénésie où se mêlent fierté et griserie. Il s'en est suivi une passion pour la chose politique ; des tribunes se dressent partout dans les places publiques et dans les salons ; et totale métamorphose, nos médias (télévisions et journaux) jusqu'ici boudés sont devenus la coqueluche de tout le monde. Le domaine de l'art, lui aussi, est en passe de connaître le même sort. Autre trait à l'actif de cette révolution, son caractère exemplaire qui a servi de modèle lequel allant de proche en proche pourrait devenir quasiment universel.
Reste que, pour éviter tout désenchantement, il ne faut pas perdre de vue une vertu cardinale, l'humilité qui vaut pour la science comme pour la politique, car il faut se méfier comme de la peste de tous ceux qui se présentent comme les détenteurs de la vérité avec un grand V. En politique, quelques principes élémentaires sont des plus salutaires : conjurer la tentation de la tyrannie naturelle chez l'homme en la soumettant à des freins propres à l'en dissuader ; aussi une séparation et un équilibre judicieux des pouvoirs sont-ils les bienvenus. Vantant le régime politique anglais, Voltaire n'a-t-il pas dit : «La nation anglaise est la seule de la terre qui ait établi ce gouvernement sage où le Prince, tout-puissant pour faire du bien, a les mains liés pour faire le mal».


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