Difficile de faire parler Hamadi Agrebi. Autant il était conteur balle au pied, autant il est taiseux (comme dirait Brel) dans la vie. L'homme qui a illuminé nos après-midi a préféré se retirer dans l'ombre d'une vie discrète et tranquille. Il n'en demeure pas moins la star, le génie. Rencontre nostalgique avec l'idole des foules. Hamadi Agrebi, ce nom prestigieux du football tunisien des années 70-80, continue d'être la référence absolue à Sfax. Et même ailleurs. Ses dribbles courts et déroutants, sa grande vision de jeu et ses tirs millimétrés ont fait de lui un génie du foot. Un joueur au talent fou, aimé et respecté par tous. Le grand Hamadi jouait par amour, par passion. Déjà à 12 ans, il réussissait des trucs pas possibles sur le terrain, si bien que l'entraîneur du CSS de l'époque, Milan Kristic, qui a découvert ce joueur, s'est exclamé en le voyant jouer pour la première fois : «Mais que vais-je donc apprendre à ce jeune?». Agrebi savait en effet tout faire avec le ballon. A 13 ans, il attirait déjà la grande foule qui venait admirer les exploits de ce jeune prodige. Elégant, mais aussi remarquablement adroit et inspiré, il manipulait le ballon comme personne ne savait le faire. A crampons raccrochés, on s'attendait à ce que ce monstre sacré du football tunisien communique ses dons de technicien hors pair aux générations montantes. Mais Agrebi a préféré se retirer sur la pointe des pieds et, aujourd'hui, il ne va même plus au M'hiri, ni ailleurs du reste, pour voir les matches. Une rupture totale avec le foot qui lui a pourtant tout donné. Les raisons? Agrebi s'explique. On ne vous voit plus depuis un bon bout de temps au «M'hiri» et encore moins parmi les cercles des sportifs. Est-ce le divorce total avec le foot? Je continue à suivre de loin les rencontres du championnat de la Ligue 1, et ce, à travers les retransmissions télévisées uniquement. Le football, tel que pratiqué actuellement, ne me passionne plus. La créativité et la touche technique se font de plus en plus rares, ne parlons pas des dépassements de tous genres. Ça me dégoûte. Ce football ne m'emballe plus. Peut-être que c'est l'effet de l'âge. Je n'en sais rien. La révolution que nous vivons peut-elle contribuer à la renaissance de notre football? Je l'espère de tout mon cœur. Notre football a besoin de restructuration à tous les niveaux. Il est temps aussi de redonner à la formation de base l'importance qui était la sienne. Les dépassements au niveau de la gestion et sur les terrains sont à bannir au plus vite pour que le terrain soit au-dessus de tout. Entrer dans les détails que tout le monde sait. Mais une chose est sûre: les inégalités ont également touché notre football en lui faisant perdre de son charme et de sa crédibilité. Il faut revoir tout d'abord la structure des clubs pour leur doter des moyens leur permettant d'être indépendants… On peut dire qu'hormis les quatre grands du football tunisien, qui ne le sont d'ailleurs qu'en raison des moyens matériels à leur disposition, les autres vivotent au jour le jour, ce qui les contraint à délaisser la formation au niveau des jeunes, puis quand certain percent quand même ils sont vite cédés au premier offrant pour les besoins de la gestion quotidienne de leurs clubs. Il n'y a plus de travail de fond, ni de suivi au niveau des jeunes à quelques exception près. Mais le CSS, tout comme certains autres clubs, ont opté dernièrement pour le rajeunissement de leurs équipes respectives. L'expérience mérite d'être citée tout de même… Oui, il y a eu des nouveautés dans leurs effectifs. Mais, en attend confirmation sur le terrain. Vous paraissez pessimiste… Non, réaliste. Ce que j'ai relevé dans le panorama actuel, ce sont surtout Youssef M'sakni de l'EST et Zouheir Daouadi au CA qui me rappellent certains joueurs du bon vieux temps, comme Tarak, Témime, Akid, Gasmi… Pourquoi ne vous remettez-vous pas dans le bain, comme technicien ou comme dirigeant pour participer au renouveau de notre football ? Pour être sincère, je ne suis pas fait pour être dirigeant, ni entraîneur. A chacun sa vocation. J'ai aimé passionnément le football dans ma jeunesse. J'espère avoir contribué à ma manière à son épanouissement. A actuellement, je me contente d'être un inconditionnel du football de haut niveau. Je continue en parallèle à être un supporter du CSS, mon club de toujours. Enfin, j'éprouve autant de plaisir à taper dans un ballon avec les «vétérans» et à me consacrer à ma famille. Pourquoi avez-vous tout fait pour éloigner vos enfants du football? C'est leur décision propre. Ils ont plutôt choisi de poursuivre leurs études, le premier en médecine, le second en pharmacie. Ils réussissent. Dieu merci. Dans la vie, l'essentiel, c'est de parvenir à atteindre les objectifs qu'on se fixe. A chacun les siens.