Par Abdelhamid Gmati L'endettement des hôtels est, à l'évidence, un sujet délicat que même les hôteliers évoquent avec réticence, y compris dans le cadre de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH). Pourtant, c'est un véritable problème et un boulet que trainent hôteliers et banques. Qu'en est-il ? Il y a là divergences sur les chiffres. La Banque centrale de Tunisie évalue les prêts non-performants accordés aux hôteliers à 3,2 milliards de dinars; les hôteliers, eux, ne reconnaissent que quelque 800 millions de dinars de créances, la différence proviendrait des méthodes de calcul pratiquées par les banques incluant des taux d'intérêt excessifs et des pénalités de retard de paiement. Même ce dernier chiffre est très élevé. On estime que120 hôtels sur les quelque 816 recensés en 2005 sont affectés dont 80 sérieusement. Il semble même que plus de 50% des entreprises en difficulté sont des hôtels. Depuis les années soixante, le tourisme est une priorité de l'économie nationale et l'investissement dans l'hôtellerie y est fortement encouragé. L'Etat a consenti de multiples avantages et les banques ont été invitées à soutenir le secteur. Particulièrement durant les vingt dernières années, notamment avec la création de nouvelles zones touristiques et de stations intégrées. Le schéma de financement adopté était très avantageux et a amené plusieurs promoteurs, souvent étrangers à la profession, à en profiter. Des subventions, octroi de terrains à prix symboliques, réduction des fonds propres à 30% (le terrain «offert» comptant pour 20%), encouragement au recours à des prêts bancaires…Les banques appelées à la souplesse dans l'octroi de crédits ont adopté 4 critères : 1/ le marché (en matière de tourisme, cela était toujours positif) ; 2/ la faisabilité ; 3/ la qualité du gestionnaire et 4/ la garantie (hypothèque ou garantie personnelle). Bien entendu, rien n'était rigide et on fermait souvent les yeux sur tel ou tel critère. Les interventions, les recommandations, voire l'intéressement (corruption) jouaient un rôle primordial. Le problème est que l'on construisait une unité hôtelière mais sa gestion revenait à des non-professionnels qui, très vite, se sont retrouvés étroitement dépendants de tour-opérateurs avides de gains faciles. L'effet immédiat a été la baisse des prix et le bradage. On proposait une semaine en Tunisie pour 300 euros, ou moins en hôtel cinq étoiles, à peine 40 % des recettes finissant dans les caisses des hôteliers... Et on ne tenait pas compte des coûts réels. Résultats: des hôteliers en faillite et ne pouvant plus rembourser leurs crédits. La marge réalisée était insuffisante pour permettre la survie du secteur. Et l'Etat était contraint de multiplier les subventions et exonérations d'impôts. L'agence de notation Fitch affirmait que «la dette d'un hôtel 4 étoiles en Tunisie, représente 7,9 fois son résultat d'exploitation (avant amortissement, avant rémunération du capital, avant charges financières banques et impôts). Cela veut dire que cet hôtel devra travailler au moins sept années et consacrer ce résultat d'exploitation au seul paiement de sa dette ! Ce même ratio est de 7,1 pour un hôtel cinq étoiles». Les hôteliers, en difficultés financières, n'avaient pas beaucoup de choix : des services de qualité de plus en plus médiocre, des salaires de plus en plus bas, et le non-remboursement des dettes contractées auprès des banques et de l'Etat.. L'effet ne pouvait qu'être négatif sur le secteur et sur l'économie tunisienne. Aujourd'hui, tout le secteur est appelé à réagir. Des propositions ont été faites et des initiatives engagées. L'une émane de la profession (FHT) qui a formulé, pour la première fois, des propositions crédibles. Certains professionnels ont proposé de convertir les hôtels qui connaissent des difficultés structurelles difficiles à surmonter en hôtels d'application et en centres privés de formation. Douze hôteliers sur une centaine lourdement endettés ont fait état de leur disposition à régler leurs créances et à honorer leurs engagements. Une autre vient des créanciers. Ces derniers sont, pour la plupart, des banques publiques, l'une d'entre elles a décidé de vendre une dizaine d'hôtels dans le capital desquels elle détient des participations. L'objectif des banques publiques est désormais de se concentrer sur leur propre métier. D'autres initiatives sont annoncées. Ce qui importe c'est cette volonté commune de résoudre le problème et un vent d'optimisme souffle sur la profession. Malgré les difficultés actuelles.