• Donia Bouattour a ouvert grand les portes de Bel Art pour faire circuler l'air de liberté qui souffle désormais sur la patrie. Rien ne sera plus comme avant. Espérons-le. Le vent de la Révolution du 14 janvier a métamorphosé, et même chambardé, de façon radicale les structures, les opinions et les valeurs. En écho à cet élan de générosité, jamais exprimé jusqu'ici, parce que muselé, Monia Zaïem s'est abandonnée sans réserve à ce sentiment de liberté qui l'a envahie «avant, pendant et après» la révolution de la dignité, enfin retrouvée. L'intitulé de cette exposition qui a démarré le jeudi 7 avril 2011 se présente comme une succession de faits d'actualité qui se sont déroulés selon un ordre bien déterminé. L'artiste a réagi à ces événements par de larges aplats de couleur sur des dessins (17 toiles) savamment elliptiques où le sous-entendu et le symbolique jouent le plus grand rôle. Avant Angoissée et anxieuse de remonter aux sources de la colère qui a grondé dans le pays, l'artiste a exprimé le mécontentement populaire qui a cristallisé le mouvement de la révolte de la rue tunisienne par une longue quête de l'indicible et de l'invisible qui s'est traduite par une volonté manifeste pour le recours au rêve et aux fantasmes. Cette volonté est perceptible dans «La femme obscure», «Building town» et «Une ville à la dérive», trois tableaux illustrant le premier parcours «Avant». Pendant Dans la seconde station du parcours, notamment dans «Les chaînes brisées», «Dégage», «Le Pays en feu», «La Kasbah», «Les cancans» ou «Le pays du jasmin», la vigueur de la touche se fait plus précise et incisive. Les rapports de couleurs insolites sont ici au service de l'intensité expressive et d'une conception optimiste de l'avenir de la révolution. Des peintures qui cultivent les simplifications formelles, la violence graphique et l'irréalisme de la couleur. Après Loin de Monia Zaïem l'idée de projeter une vision imaginaire de son monde intérieur ou secret, l'artiste n'a pas cherché non plus à peindre la foule dans «La ville en pleurs», «Point de vue féminin», «Libération», Dans l'attente et «Fruits de la passion», elle a tout simplement créé des états de sensibilité, réduisant ainsi à leur plus simple expression les formes, faisant naître des arabesques décoratives et poussant le coloris jusqu'à sa plus haute intensité. Monia Zaïem s'est appliquée à chercher dans le quotidien de ses préoccupations le surpassement de la réalité. Cela a de quoi assouvir sa faim du renouveau tellement souhaité et esquisser les contours d'un art, celui de l'inquiétude et de la suggestion. Avec la complicité de la galériste, l'artiste a exposé dans la cour à l'entrée de Bel Art, quatre toiles illustrant l'éclatante victoire de la révolution de la jeunesse tunisienne. Désignées par les titres «Tunis libre», «Facebook», «Freedom» et «Parole libre», ces peintures affichent le prix modique et promotionnel de cent dinars. Voilà une exposition qui a la prétention légitime de nous inciter à croire que la vie culturelle et picturale est remise sur les rails. A nous de lui donner de nouveau les moyens de fonctionner normalement. Elle se poursuivra jusqu'au 23 de ce mois.