Le Premier ministre du gouvernement de transition a, lors d'une conférence de presse organisée hier matin, avalisé les grandes options retenues par l'Instance de la réforme politique, tout en ramenant à dix ans, au lieu de 23, la période dont les responsables RCD, politiques et partisans, seront déclarés inéligibles à l'Assemblée constituante. C'est ainsi que le scrutin de liste à la proportionnelle et la parité hommes-femmes avec alternance ont été approuvés par le gouvernement provisoire. Quant à la contre-proposition soumise à l'Instance de M. Iyadh Ben Achour à propos de l'exclusion devant frapper les éventuels candidats RCD, elle suggère une liste nominative des ex-responsables inéligibles à la Constituante. M. Béji Caïd Essebsi a saisi l'occasion pour rendre hommage au travail abattu par les trois commissions : celle des abus commis lors des événements, celle de la corruption et des malversations et celle de la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique. «Le fait qu'un accusé ait porté la cravate ou qu'un suspect ait été vu circulant librement», a-t-il souligné, n'est nullement de la responsabilité du gouvernement. Car il est clair pour M. Caïd Essebsi qu'il «n'est pas question de rétablir le despotisme du passé» avec lequel la révolution a rompu. Et le Premier ministre d'expliquer qu'il s'agit là de l'affaire de la justice, et qu'il est essentiel de faire, à ce niveau, la différence entre la rapidité et la précipitation. A propos des élections du 24 juillet, le Premier ministre a exprimé sa fierté de voir organiser en Tunisie, et pour la première fois, des élections transparentes, démocratiques et équitables. Sachant qu'elles seront organisées et surveillées par une instance parfaitement indépendante, élue au sein de la commission de la réforme politique. «Le gouvernement est, pour la première fois de l'histoire du pays, a-t-il souligné, tout à fait en dehors de cette opération». Mais ces élections historiques, qui devront marquer le couronnement démocratique de la révolution populaire et consacrer la souveraineté républicaine exigent aux yeux du Premier ministre que l'on sache leur assurer un environnement économique et social parfaitement sain. Car les pratiques et comportements des citoyens, la multiplication des sit-in et des blocages des routes et entreprises ne peuvent se poursuivre ainsi. «Ce gouvernement ne veut pas utiliser la force», a glissé M. Essebssi, mais «les investissements ne viendront que si notre climat est rassurant» A titre d'exemple, l'usine de gaz de Sfax, que les protestataires menacent depuis quelques jours, et qui produit les trois quarts de notre potentiel en la matière, est essentielle pour garantir l'électricité à l'ensemble du pays. Une vision conforme à l'intérêt général «Notre révolution a été populaire, pacifique, propre, non encadrée, sans leadership et sans idéologie. Le monde entier nous admire et nous attend», a-t-il expliqué avant d'appeler l'ensemble des citoyens quelle que soient leurs attentes ou leurs revendication à s'appliquer à garantir une poursuite de l'attachement à cet esprit positif. Et le Premier ministre d'illustrer cette crédibilité universelle de la révolution tunisienne en informant les journalistes présents que la Tunisie a l'honneur d'être invitée à participer au Sommet du G-8 en témoignage de la considération et du respect que notre pays a su mériter. S'agissant de l'inéligibilité des responsables RCD et gouvernementaux de l'ère Ben Ali, soit du 7 novembre 1987 au 14 janvier 2011, le Premier ministre a expliqué qu'une exclusion couvrant les 23 années correspondrait à une mise à l'écart d'un grand nombre de citoyens en l'absence d'une décision de justice, surtout que tout le peuple était, en fait, allé au début dans ce sens. Et M. Béji Caïd Essebsi d'évoquer ce leader de parti qui, à l'époque, avait déclaré sa «confiance en Dieu, puis en Ben Ali», avant d'expliquer qu'une telle mesure exclurait Mohamed Charfi, Saâdeddine Zmerli, Dali Jazi… et autres. «Cependant que, a-t-il souligné, de nombreux responsables RCD ont une responsabilité certaine dans ce qui a eu lieu ces dernières années». Il a tenu à insister sur le fait que le gouvernement provisoire n'a d'engagement ni avec le RCD, ni avec les gouvernements de Ben Ali, ni vis-à-vis de quelque parti politique. «C'est un gouvernement qui s'est engagé, ainsi que le président intérimaire, à ne pas se présenter, conformément à l'organigramme provisoire des pouvoirs publics. Notre vision est conforme aux exigences de l'intérêt général du pays et du peuple». «Le RCD a été dissous à la demande du gouvernement, c'est aujourd'hui une page définitivement tournée», a-t-il lancé, expliquant qu'une liste des responsables RCD inéligibles sera établie nominativement et fera l'objet d'un décret-loi qui sera édicté par le président de la République. Concernant les excès constatés en matière de manifestations de rue, de critiques infondées adressées au gouvernement à propos des suicides, de la migration clandestine et le zèle témoigné par les citoyens qui veulent prier dans la rue, M. Béji Caïd Essebsi a regretté que tous ces excès souvent suivis de violences n'ont jamais été dénoncés par aucun parti politique. «La révolution est une porte vers la démocratie, a-t-il lancé, mais il peut y avoir une autre porte possible‑: la division, la haine, la sédition, à nous de nous prendre en charge». Et de conclure : «Ne détruisons pas tout ce que nous avons réussi par des calculs partisans égoïstes».