Le cinéma tunisien marque le coup à Cannes, dès l'entame du festival, après la remise, jeudi dernier, de la Légion d'honneur au cinéaste Nouri Bouzid et la montée des marches d'une délégation tunisienne aux côtés de M. Frédéric Mitterrand, ministre français de la Culture et de la Communication, lors de la cérémonie d'ouverture. Place a été faite hier à l'hommage consacré au grand cinéaste tunisien, arabe et africain, Tahar Cheriaâ. C'est l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) avec le soutien de la Chambre syndicale des producteurs et l'Association des cinéastes tunisiens qui ont organisé une table ronde consacrée au critique de cinéma passionné, au fondateur des JCC et au promoteur du cinéma panafricain indépendant. Un aréopage de cinéastes, de producteurs et de critiques africains a assisté à cette manifestation. Beaucoup ont pris la parole : Férid Boughdir, Kahena Attia, Souleyman Cissé, Charles Menza, Hassan Daldoul, Mohamed Challouf, Taïeb Salah, cinéaste syro-égyptien, ami de longue date du défunt Tahar Cheriaâ, et qui a exprimé toute sa reconnaissance pour Cheriaâ qui, dit-il, l'a révélé au public africain et arabe. Tous ceux qui ont pris la parole se sont, en fait, accordés à la nécessité «du devoir de mémoire et de la transmission et de voir le cinéma africain s'affirmer comme indépendant avec la liberté de produire et l'autonomie de la distribution». Auparavant, le matin, les admirateurs de T. Cheriaâ ont vu le film documentaire de Mohamed Challouf Tahar Cheriaâ, à l'ombre du baobab, un documentaire de 52 mn qui a ému la salle jusqu'aux larmes et notamment la parraine du cinéma africain à l'OIF, Souad Hassan, et le jeune réalisateur tunisien Bahri Ben Yahmed. C'est que T. Cheriaâ, le visionnaire et militant de l'indépendance culturelle des cinémas du Sud de par le monde, a fait un amer constat dans ce film Works in progress en affirmant que son rêve ne s'est pas réalisé : «La culture, il l'a voulu comme les racines et l'élément fondateur de notre pays, mais cela n'a pas été le cas ni sous Bourguiba, ni sous Ben Ali. La culture ce ne sont ni les grandes autoroutes, ni les grands ponts; seulement, il ne faut pas qu'ils dominent nos vies, car c'est l'homme qui les construit. La culture, c'est une identité, des racines, un ancrage et une liberté de vision et de création». Voilà qui est vrai, lucide et émouvant. S.D.