Par Soufiane Ben Farhat Inévitables classiques. Ils s'avèrent toujours incontournables. Le dernier sommet du G8 de Deauville nous renvoie aux Pensées philosophiques de Diderot. Il y est dit que l'incrédulité est quelquefois le vice d'un sot, et la crédulité le défaut d'un homme d'esprit. Finalement, qu'on a-t-on retenu ? Une dépêche TAP d'avant-hier nous éclaire là-dessus. Elle est précisément intitulée «La Tunisie "pas satisfaite" mais rassurée (Premier ministre)». M. Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement provisoire, a estimé, à Deauville, que le sommet du G8, a donné des signaux forts d'encouragement au processus de démocratisation dans le pays. Le pays, a-t-il dit, recevra un soutien économique à même de renforcer sa marche vers la démocratie : "Nous avons eu des assurances que les choses vont aller de mieux en mieux" a-t-il ajouté. Il a cependant affirmé qu'on ne "peut pas être totalement satisfait" de ces résultats. On apprend également que M. Caïd Essebsi "a présenté, lors d'une séance de travail sur la transition démocratique dans les pays arabes, un plan économique requérant un soutien financier de 25 milliards de dollars, une intégration approfondie avec l'Union européenne, des accords de libre échange avec les autres pays du G8 et une aide au rapprochement et au dialogue entre les peuples". De son côté, le ministre tunisien des Finances, M. Jalloul Ayed, a déclaré, depuis Deauville, que le Sommet du G8 s'est engagé à consacrer une enveloppe de 40 milliards de dollars aux pays "du printemps arabe". La répartition de cette somme sera décidée lors d'une prochaine réunion interministérielle groupant les pays et les instances concernés. Qui, quoi, où, quand et pourquoi ? Notre ministre des Finances n'en dira pas plus. Toutefois, les dessous des cartes s'avèrent autrement plus éloquents. Premier constat : les dirigeants du G8 ont parlé par la voix du président français, M. Nicolas Sarkozy. Deuxième constat : le paquet financier annoncé de 40 milliards de dollars ne spécifie ni les pays concernés ni les enveloppes allouées à chacun d'entre eux. Or, les pays touchés par la vague dudit "printemps arabe" s'élèvent jusqu'ici à au moins six pays. Troisième constat : Plutôt que d'"aide promise par le G8", on gagnerait à appeler les choses par leur nom, c'est-à-dire de prêts. Quatrième constat : il s'agit en fait, essentiellement, de prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. C'est-à-dire des deux tristement célèbres pourvoyeurs du "développement du sous-développement". Cinquième constat : la France devrait accorder un milliard d'euros à l'Egypte et à la Tunisie. Sixième donne fondamentale : à la veille du sommet, l'Egypte avait estimé ses besoins à 10 à 12 milliards de dollars d'ici à mi-2012, tandis que le gouvernement tunisien avait chiffré les besoins du pays à 25 milliards de dollars sur cinq ans. L'on est d'ailleurs en droit de se demander si les prêts sollicités ou obtenus au sommet du G8 rentrent dans les prérogatives d'un gouvernement intérimaire provisoire. La dimension faramineuse de la somme (deux fois ce qui est sollicité par l'Egypte !) ainsi que l'opacité qui s'y rattache ne laissent guère indifférent. On connaît l'aversion non déguisée de M. Caïd Essebsi pour les qualificatifs "intérimaire" et "provisoire". Ils l'agacent, tout simplement. Il l'a dit sans fioritures. Cependant, ce gouvernement officie bel et bien comme une instance éphémère à brève échéance. Ce qui n'entache en rien les hautes responsabilités politiques qui sont les siennes. Conclusion : on a cru avoir affaire au G8, on se retrouve en plein Grand-huit. Avec ses frissons, ses vertiges, ses toboggans, ses illusions, ses hauts et ses bas. Sauf qu'ici, il ne s'agit point d'un jeu de mômes. Mais bien plutôt du destin d'un pays. Certes, certains s'avisent bien de nous infantiliser, ici ou ailleurs. Ce n'est cependant pas une fatalité.