Par Mohamed Sadok LEJRI * Dans l'interview accordée par le Premier ministre Béji Caïd Essebsi, le lundi 13 juin 2011, à la chaîne qatarie «Al-Jazira», l'attitude du journaliste, un certain Ahmed Mansour, a été des plus exécrables. Durant l'interview, en effet, ce dernier n'a cessé d'être arrogant. L'entretien a été émaillé d'interruptions. Le journaliste coupait la parole au Premier ministre de façon abrupte et pouffait de rire en guise de réponse à ses réparties. L'interviewer, et cela était flagrant, voulait faire perdre à M. Béji Caïd Essebsi sa crédibilité. Et ce, en tentant de diminuer son prestige avec l'intention de léser l'ascendant qu'il exerce sur une bonne partie des Tunisiens. Al-Jazira souhaite, peut-être, compromettre une Tunisie post-14 janvier empreinte de la pensée de Caïd Essebsi ; c'est-à-dire une Tunisie, comme l'a rêvée Bourguiba, moderne et progressiste, où tout homme, qu'il vienne d'Orient ou d'Occident, puisse se sentir chez lui. Une Tunisie qui n'a d'autre ambition que le développement et la sauvegarde de ses acquis révolutionnaires pour le monde arabe. Ahmed Mansour, par l'intermédiaire des questions adressées au Premier ministre tunisien, a essayé de jeter le discrédit sur Bourguiba, et ce, en avançant des contre-vérités et en débitant des balivernes. En effet, le journaliste de la chaîne d'information (orientée) qatarie a avancé l'idée que Bourguiba a causé l'arrivée de Ben Ali au pouvoir, comme si ce dernier était l'héritier naturel, le fils spirituel et le digne héritier du leader suprême. Ahmed Mansour voulait faire pénétrer dans l'esprit du téléspectateur, de manière insidieuse, que Bourguiba est du même acabit que son successeur. D'ailleurs, il a même remis en question le fait que Bourguiba ait œuvré pour son pays. L'interviewer, pour faire tomber le père de la nation de son piédestal, a fait entendre d'une manière détournée que Bourguiba a travaillé au même titre que Ben Ali : c'est-à-dire pour lui-même. Lorsque le Premier ministre lui a rappelé que Bourguiba a servi son pays, le journaliste a refusé d'adhérer à cette affirmation. Libre à lui, mais qu'il ne nous parle pas, dans ce cas, de divergence de points de vue, car ce serait, dans une certaine mesure, nier un fait historique. Et en s'obstinant à rester aveugle aux événements de l'histoire, on prouve qu'on ne souhaite pas accéder au vrai, on est dans le dénigrement. Cela se fait, le plus souvent, pour servir une idéologie. Je suis sorti de mes gonds lorsqu'Ahmed Mansour a déclaré sans ambages que Bourguiba persiflait son peuple. Ce journaliste voulait amener les Tunisiens à admettre que Bourguiba n'est pas le grand réformateur que tout le monde connaît, mais un homme rusé qui s'est payé la tête de son peuple pendant plus d'un quart de siècle. Et là, chers amis, nous sommes dans la calomnie pure et dure. De toutes les façons, ses dernières questions témoignent de l'intérêt qu'il porte à Ennahdha. D'ailleurs, il n'a pas hésité (comme tout nahdhaoui qui se respecte) à user de l'expression favorite des islamistes tunisiens, soit «brandir l'épouvantail de l'intégrisme pour faire peur aux gens». Cette fameuse «fazzaâ» qu'on nous jette au visage dès qu'on aborde les problèmes liés à ce qui se passe dans les mosquées, les universités et dans la rue d'une manière générale ; mais aussi dès qu'on évoque les événements des années 1980. Que M. Béji Caïd Essebsi fasse preuve de tact pendant l'interview, parce qu'en tant que Premier ministre il fait de la politique après tout, je comprends. Qu'il ne verse pas dans le discours dithyrambique pour plaider en faveur de Bourguiba, et ce, afin de ne pas s'attirer les foudres des Tunisiens hostiles à l'héritage bourguibien, je le conçois aussi aisément. Cependant, M. Béji Caïd Essebsi aurait dû faire preuve de plus de rigidité et être plus intransigeant. Il fallait remettre ce journaliste d'Al-Jazira à sa place.