M.A. BOUHADIBA La Tunisie va enfin être un Etat de droit. Après plusieurs décennies d'absence ou de mauvaise application de la loi et bien souvent d'abus de pouvoir, nous allons être récompensés car la loi va s'appliquer selon les règles de l'art. Nous préparons le code électoral pour une Constituante qui établira une nouvelle Constitution, nous veillons à ce que les procès soient équitables et en conformité avec les standards internationaux de justice et nous nous assurons que la loi règne en toute objectivité sur notre pays. Pour tout cela nous sommes aidés par une armée de juristes tous très compétents, très motivés, sincères et nationalistes, ils font un excellent travail et sont sur tous les fronts .Ils traquent les moindres irrégularités, les moindres faiblesses du système et les rectifient en conformité avec la loi. Nos juristes sont partout, ils siègent dans les commissions d'enquêtes, les comités de surveillance, les associations et travaillent sans relâche. Ils apparaissent sur tous les plateaux de télévision pour expliquer aux citoyens les arcanes de la loi et ses implications, enfin ils s'impliquent totalement en politique puisqu'il se trouve des partis qui sont représentés par des juristes. Il faut dire que cela est nécessaire et rassurant, car nous établissons les bases solides de la Tunisie de demain et de notre future société. Il faut soutenir les juristes dans cette mission sacrée qu'ils ont entreprise, mais avec la prudence qui s'impose lors des grands changements de l'Histoire. Un pays est fait de multiples composantes, l'aspect juridique, si important soit-il, ne saurait escamoter les autres aspects. Hypertrophier cet aspect de notre société nous mènerait à devenir un pays procédurier par excellence, c'est à dire un pays où la réactivité serait lente. Il faut réaliser que les juristes de par leur nature et leur formation sont des gens minutieux, ils traquent le détail jusqu'à l'extrême, ce faisant ils oublient parfois de prendre le recul nécessaire pour envisager le tableau global de la situation, vision qu'un politicien aguerri percevra en un clin d'œil. Pour ces mêmes raisons, un juriste sera la personne de choix pour placer les garde-fous garantissant la légalité d'une situation, mais il ne sera pas nécessairement un décideur car ces deux choses sont différentes. La Tunisie de demain sera un pays moderne intégré dans la mondialisation, qui adoptera toutes les nouveautés et sera réactif en temps réel. Nous ne voulons pas être empêtrés dans des procédures interminables, tournant en rond autour d'arguties juridiques qui nous feront oublier jusqu'au but de notre action et nous plongeraient dans l'inefficacité ou même la paralysie institutionnelle. Il faut saluer l'action de nos juristes, mais il faudra qu'ils sachent reconnaitre le moment où il faudra céder le devant de la scène aux vrais politiciens.