La poésie de Béchir Trabelsi, professeur de français depuis 1982, est quelque peu incohérente en ce sens que la recherche aveugle de la rime a faussé l'esprit des poèmes et altéré la nature du lien supposé exister entre le poète et le vers. Vouloir à tout prix reproduire la même rime, le même son, en parlant des finales de vers, s'avère un exercice difficile et contraignant pour le lecteur parti à la poursuite de l'émotion que le poème est censé dégager. Cette lacune a considérablement réduit les effusions lyriques propres au romantisme recherché par Béchir Trabelsi. Un romantisme qui fait prévaloir le sentiment sur la raison, et l'imagination sur l'analyse critique. Dans son recueil qu'il a intitulé Au gré des sensations, il est parti à la recherche de l'évasion, une fuite vers l'avant dans le rêve, dans l'exotisme et le goût de l'aventure et dans le passé‑: «C'est le temps des masques… Des illusions qu'on démasque On se bouscule, on se heurte… On ment, on peine, on flirte… Moments d'amour trompeur… Pour camoufler ses peurs… Moments de fuite, de mensonges… Pour entretenir ses sens et songes… C'est la recherche des plaisirs… La quête d'un quelconque loisir…» «La Ville» La poésie de Béchir Trabelsi se révèle comme un acte de confession d'une âme tourmentée, en proie à un sombre désespoir dans lequel le plonge la versalité d'une femme qui, souvent, varie. «Les montagnes ont beau se courber Et les dunes de s'embourber Les nuages ont beau se retourner Et le soleil de se détourner Toi, tu ne changeras jamais Les continents ont beau s'enlacer Les étoiles, à force de briller, se lasser Les océans ont beau s'assécher Et le printemps de s'éterniser Toi, tu ne changeras jamais» «Même si…» Ses tentatives d'évasion vers un univers irréel, soulignées par des accents voluptueux et délicats, marquent une transition entre le romantisme pur et dur et l'engagement d'inspiration patriotique, témoin d'une sensibilité exacerbée pour la cause palestinienne. Cela se vérifie dans «Gazagrad». «Mais les Gazaouis, ces titans Modernes, ces honorables résistants Seront les survivants mythiques De cette extermination ethnique. Que leur résistance soit légendaire Que leur épopée soit millénaire Que ce peuple héroïque tolère mes larmes Puisque je n'ai que ma plume pour unique arme». ––––––––––– Au gré des sensations, de Béchir Trabelsi — Imprimerie Riahi, Tunis — Décembre 2010