Ce deuxième recueil poétique de Béchir Trabelsi se lit aisément comme un ensemble de dédicaces en vers. Quarante-quatre poèmes et autant (ou presque) d'hommages à la Tunisie des Courageux , à sa Révolution mémorable mais o combien fragile, au Printemps arabe encore balbutiant , aux gens du peuple qui rêvent d'un monde meilleur mais qu'on risque de décevoir, aux défenseurs de la Lumière confrontés aux ténébreux prédateurs de l'émancipation, à la Palestine « orpheline de l'Histoire », partagée hélas « entre Abbas et Hamas », à « la jeune, belle, douce, sage et riche » Afrique spoliée et appauvrie mais qui puisera un jour dans sa glorieuse Histoire la force de s'affranchir et de s'épanouir. Béchir Trabelsi s'incline aussi, un peu à la manière d'Ahmed Chawki, devant l'enseignant qui illumine les esprits avec son savoir et réchauffe les cœurs avec son sourire. Comme un romantique endurci, il s'épanche également à la mer, à l'horizon et aux « arbres vêtus de beaux draps verts ». Il déplore la fuite du temps et regrette « sa belle Aurore » d'antan.
Plutôt que des hommages, nous dirions qu'en dépit de l'amertume frustrante qui en marque une bonne partie, les poèmes d' « Au creux de la vague » sont surtout des hymnes à la vie, chantés en chœur par les sens du poète, par sa fougue libertaire, par sa dignité d'Homme, par sa foi en l'avenir en dépit des revers du présent. « Au creux de la vague » est écrit avec une plume de sentimental convaincu, mais sans mollesse ni complaisance. Quant à la musique du recueil, elle est équitablement répartie entre notes véhémentes et tendres refrains, entre chants de la colère et complaintes attristées, entre hurlements de rage et mélodies de sage, entre cris d'insurgé et gazouillis d'ange. Avec Béchir Tabelsi, on n'est jamais tout à fait « au creux de la vague » ; son recueil est peut-être dépressif, mais il trahit cette dépression généreuse, fertile, créatrice et, en définitive, salutaire, qui repêche les vrais poètes et leur fait aimer les plus incertaines des traversées.