Au commencement était le rêve. Sillonner la Grande Bleue avec plus de rapidité et moins d'émission de gaz à effet de serre relevait, jusqu'à un passé proche, de l'utopie. Toutefois, quand on veut on peut, comme on dit. Les autoroutes de la mer auront donc pour rôle de transformer le rêve en réalité. C'est en 2001 que le concept est apparu pour la première fois dans le livre blanc de la Commission européenne sur la politique des transports à l'horizon 2010. Les autoroutes de la mer ont été par la suite intégrées à la politique européenne de transport en 2004, étant inscrites à l'article 12 bis au programme des réseaux transeuropéens de transport. C'est également en Italie que s'est élaboré un grand projet d'autoroutes de la mer visant le soulagement des axes routiers de la région méditerranéenne. Cela dit, la direction générale des transports de la Commission européenne et la direction générale EuropeAid ont lancé, en 2006, le projet Meda-Mos dont le financement est estimé à 4,8 millions d'euros provenant, pour une grande partie, du Fonds Meda et de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat. Toujours est-il qu'une définition exacte du concept permettra de cerner au mieux son utilité avant d'aborder les conditions favorables à son développement. Ce faisant, il convient d'avancer que les autoroutes de la mer constituent des offres de transport à destination des transporteurs routiers, combinant transport routier et maritime et permettant d'acheminer des remorques sur des navires de transport de marchandises (fret seul ou fret et passagers). Plus, les autoroutes de la mer se distinguent du cabotage ou des liaisons maritimes classiques par la recherche de la performance d'un bout à l'autre de la chaîne de transport. Leur atout majeur est de proposer, entre deux ports, un service à haute fréquence, régulier et cadencé avec des horaires fixes, pour un prix attractif par rapport à un chargement équivalent sur route. Aujourd'hui, les autoroutes de la mer sont développées dans 4 régions, en l'occurrence la mer Baltique, l'Europe de l'Ouest (océan Atlantique - mer du Nord/mer d'Irlande), l'Europe du Sud-Ouest (mer Méditerranée occidentale) et l'Europe du Sud-Est (mer Ionienne, Adriatique et Méditerranée orientale). Pour la Tunisie, le projet actuellement le plus avancé concerne la liaison Radès-Gênes : une ligne grâce à laquelle ont été améliorées les conditions de transit et ont été réduits les délais et les coûts. Eviter les excès bureaucratiques Ce faisant, il convient de noter que les autoroutes de la mer favorisent une approche d'intégration entre modes de transport terrestre et maritime. Comme elles contribuent à faciliter les procédures, fortes en cela de solutions avancées de transit et de passage frontalier. Et ce, par la dématérialisation des documents et des formalités. Dans la même perspective, la Tunisie et le Maroc ont mis en place des concessions privées et l'Algérie a engagé des partenariats public-privé. De son côté, la France a lancé un grand projet du côté de l'arc atlantique reliant le port de Nantes-Saint Nazaire à celui de Gijon en Espagne. Elle a de surcroît identifié des liaisons avec le Portugal, des projets en cours d'élaboration, et lancé un appel à projets en partenariat avec l'Italie et Malte. Lequel appel a débouché sur le lancement de huit projets retenus pour constituer le schéma directeur des autoroutes de la mer en Méditerranée occidentale. De ce point de vue, l'objectif de report à terme (de la route vers la mer) entre la France et l'Espagne est d'environ 100 mille poids lourds par an, soit 3% du trafic circulant chaque année à l'ouest des Pyrénées. Ce report modal permet à bien des égards d'améliorer les performances environnementales des navires et entraîne une diminution des émissions de gaz à effet de serre, compte tenu du nombre de poids lourds dont le trafic aura été évité. Outre les bénéfices environnementaux, la diminution du trafic permet également de diminuer le nombre d'accidents. Notamment, des bénéfices sociaux pas du tout des moindres (moins de tués, moins de blessés) mais aussi des économies financières (dépenses des assurances par exemple). Elle permet en outre une amélioration des conditions de circulation (diminution des embouteillages) ainsi qu'une baisse des nuisances sonores. Voilà les atouts susceptibles d'encourager les parties publiques et privées relevant du commerce maritime à investir davantage dans les autoroutes de la mer. Sachant que la demande est encore insuffisante. La réussite du projet des autoroutes de la mer nécessite une performance continue de tous les maillons de la chaîne. L'on entend par cela la vitesse et la capacité des navires, la facilitation des opérations de chargement et de déchargement, la simplification et l'accélération des formalités portuaires et douanières. S'y ajoutent, consécutivement, la mise en place d'une organisation adaptée au service demandé et l'installation de terminaux et d'équipements portuaires spécialement aménagés pour faciliter le passage des poids lourds. Mesures incitatrices Il faut reconnaître, par ailleurs, qu'en Europe du Nord, comme dans l'arc atlantique et en Méditerranée jusqu'en Afrique du Nord, de nombreux acteurs se sont mobilisés pour développer les autoroutes de la mer. Or il se trouve que ces dernières souffrent encore d'être un projet économique étranger, privé d'une demande suffisamment constituée pour former un marché viable. C'est là qu'intervient le rôle des structures publiques des différents pays adhérents à ce projet pour concevoir et mettre en place des mesures incitatrices et favorables au développement des autoroutes de la mer et au renforcement du commerce maritime. Il faut dire, dans ce sens, que les transporteurs routiers redoutent le monde portuaire et qu'il faut des encouragements pour susciter leur intérêt. Comme le fait de leur accorder une remise financière en cas d'utilisation d'une solution maritime. Ce subventionnement spécifique a été déjà mis en place en Italie, baptisé l'écobonus. Comme il faut changer les cadres concurrentiels très favorables à l'option de la route. Tout comme les autres pays, la Tunisie devra se pencher sur ce dossier en renforçant le partenariat public-privé afin de franchir le cap.