Par Slim JOUINI Dixit Aragon. Jamais cette sentence ne s'est appliquée avec autant d'acuité que dans la Tunisie d'aujourd'hui. Que ce soit dans les administrations, les postes de police, les banques, les usines, les écoles ou les hôpitaux, ce sont souvent les femmes qui sont les plus appliquées, les plus soucieuses du service public, les plus consciencieuses dans leur pratique professionnelle. Sans elles, nos usines de textile seraient fermées, nos administrations seraient paralysées, nos écoles et nos hôpitaux ne pourraient plus tourner. Sans surprise, les femmes tunisiennes sont majoritaires au lycée comme à l'université. Cette réalité est le produit de notre histoire millénaire qui a commencé avec une femme, intelligente et volontaire, la Reine Didon, qui, à force de courage et de génie, a fondé Carthage en 814 avant Jésus-Christ. Plus tard, au 7e siècle, une autre femme de caractère, la Kahena, Reine des Aurès, a marqué notre histoire par sa résistance farouche à l'envahisseur arabe. L'amphithéâtre d' El Jem est là, dressé encore au centre de la Tunisie, pour nous rappeler son ultime bataille. Les Tunisiennes d'aujourd'hui sont les descendantes de Didon et de la Kahéna. Elles ont dans leurs gènes la fierté, la combativité et la volonté de vaincre de ces deux princesses. Ce sont ces mêmes héritières que nous avons vues à l'œuvre au cours de la révolution du Jasmin, défiant les forces de l'ordre devant le ministère de l'Intérieur et proclamant leur soif de liberté et de justice. La femme tunisienne a de plus intériorisé un très grand sens de la responsabilité car on lui a appris, génération après génération, à être dévouée à sa famille ; à la fois fille, épouse, mère et gardienne du foyer. En déclenchant, immédiatement après l'indépendance, trois révolutions : l'école obligatoire pour tous, le planning familial et le Code du statut personnel, le président Bourguiba n'a pas seulement libéré la femme tunisienne de carcans imposés par des siècles de domination masculine. Il a fait un inestimable cadeau à la cause du développement économique et industriel de la Tunisie. Cette chance, unique dans le monde arabe, nous devons la cultiver. Le code électoral récemment promulgué a fait un pas immense en imposant la parité et l'alternance homme-femme dans toutes les listes électorales. Mais nous avons plus de cent partis. Pour plusieurs d'entre eux, seule la tête de liste sera élue. Si nous voulons être sûrs d'envoyer suffisamment de filles de Didon et de la Kahéna dans la future enceinte de l'Assemblée constituante, les partis démocrates doivent placer des femmes en tête de liste. Elles seront notre meilleur rempart contre le risque d'une Constitution rétrograde qui leur dénierait entre autres leurs droits acquis depuis 50 ans. En Turquie, c'est l'armée qui, traditionnellement, protège la Constitution laïque. En Tunisie, nous n'avons pas de grande armée, mais nous avons des femmes de valeur. Sachons les mettre à l'honneur pour la sauvegarde de tous.