La troisième journée de la 26e édition du Festival international du film amateur de Kélibia (Fifak) a été consacrée cette fois-ci uniquement à la compétition internationale et au cinéma du pays à l'honneur au cours de cette session et qui n'est autre que l'Egypte, deuxième pays arabe à avoir accompli la révolution après la Tunisie. Huit films en tout, dont deux tunisiens, ont constitué l'ensemble du menu. Signs de l'Irlandais Vincent Galagher a été au final le film de la soirée. Du genre animation, cet opus utilise les signaux du code de la route pour construire et raconter une histoire d'amour entre deux enfants qui vivent moult péripéties, finissant par se retrouver après une brève séparation, en tant que héros, en haut d'un panneau de signalisation façon affiche de cinéma. Une mise en scène intelligente et lumineuse pétrie d'humour, révélant un imaginaire débridé et beaucoup d'inventivité. Trois minutes, le temps que dure ce court-métrage, de pur bonheur. Concernant le reste des films européens et asiatiques, programmés dans la compétition internationale, signalons qu'il n'y a rien de vraiment consistant si l'on excepte, quelque peu, Chando Truena de Liz Lobats, une fiction espagnole en noir et blanc de 13', sur le comportement humain et le rapport de l'homme à la religion à laquelle il n'a recours selon le propos qu'en cas de malheur et de catastrophe. La fable est simple : un village de la campagne espagnole souffre de la sécheresse, le prêtre organise une procession afin de prier Dieu et la Vierge Marie et tous les saints pour que tombe la pluie afin que le village soit sauvé d'une véritable catastrophe naturelle. Les villageois, hommes, femmes et enfants, entreprennent alors une longue marche en rase campagne, portant l'effigie de la Sainte Vierge tout en chantant les litanies religieuses. Mais dès que l'orage éclate, enfin, tous les villageois s'enfuient chez eux, laissant tomber l'effigie de Marie et le prêtre les laissant seuls en pleine nature. Un regard à la fois tendre et malicieux sur l'opportunisme et l'ingratitude humains. El Houroub du Mauritanien Salem Dendou, documentaire de 26 minutes, évoque la condition des petites filles mauritaniennes contraintes à des mariages forcés à l'âge de huit ans et dont certaines sont enlevées et «vendues» dans les pays du Golfe et en Arabie Saoudite. Viols, violence, souffrances sont racontés par celles qui, aujourd'hui, sont des femmes mais qui ont subi dans leur enfance toutes les cruautés. Documentaire ou reportage? Si le propos accroche sur le fond, ce documentaire pèche côté forme, par des redondances, des longueurs et encore une fois par un style télévisuel, voire radiophonique. Plus court, ce film aurait gagné, sans conteste, en concision et en force. Les films iraniens, eux, Nar Bannou de Jafar Bazmeian, un documentaire de 3'30 sur une vieille tisseuse de tapis, et The Human Beings de Mohamed Mashalah, un film d'animation de trois minutes, ont, contrairement à la tradition, franchement déçu tant ils sont d'une banalité confondante. Parlons, enfin, des deux films tunisiens : le premier, La complainte du poisson rouge de Oubeyd Allah Ayari (Esac), met en scène dans un décor construit et des couleurs recherchées à dominante rouge, créant par là une atmosphère, un homme qui, en raison d'une tumeur au cerveau, est en train de perdre la mémoire. Il veut écrire, justement, ses mémoires pour revivre les meilleurs moments de sa vie qu'il aurait voulu éternels, telle que la rencontre avec son ancien amour. Mais le récit, malgré quelques trouvailles et autres clins d'œil cinématographiques, à Kusturica par exemple, manque de clarté et risque donc de laisser indifférent. La chute est en forme de trouvaille : les murs du décor tombent, laissant découvrir la mer. Une ouverture sur l'horizon marquant une note d'espoir. Le deuxième, The road d'Amine Aissa, un documentaire, de 12' (Ftca) qui se focalise sur l'aide humanitaire aux réfugiés libyens transportés sur les routes, jusqu'à la frontière, n'a rien en fait d'un documentaire, se réduisant à un reportage sans point de vue affiché. Ce film mérite-t-il d'être dans la sélection de la compétition internationale? Absolument pas. C'est là justement le défaut de cette sélection internationale où plusieurs films n'ont pas leur place. Plus de rigueur et de vigilance s'imposent MM. les sélectionneurs. Enfin, les trois opus de la section «Pays à l'honneur» sont signés Mouna Iraqi, journaliste d'investigation égyptienne qui a débuté en tant que reporter à la télévision soudanaise en 2010. Elle travaille aujourd'hui à «OTV-Egypte» et «Al Hayat». «Game», son premier court métrage de fiction, est une adaptation d'Alberto Moravia mettant en scène un jeu où une mère et sa fille de 10 ans changent de rôle. Ce qui fait révéler à la mère la vérité de son être et de son comportement obtus et orgueilleux. «La semaine du départ» (Gomaâtou Errahil) sur la chute de Hosni Moubarak, en revanche, est un reportage sans fil conducteur qui n'apporte rien de nouveau par rapport aux reportages des chaînes arabes. Au final, «Wolves Plate» (Tabaqou Edhiab), reportage d'investigation sur les déchets dangereux des hôpitaux égyptiens qui provoquent des maladies dangereuses chez les enfants, entre hépatites B et C. Dans ce reportage, elle démonte tout le réseau de trafic composé d'ouvriers et d'hommes d'affaires corrompus. La journaliste utilise la caméra cachée et interpelle les gens pour révéler la vérité. Bref, voilà deux reportages télévisés dont on ne comprend pas toujours l'existence et la programmation dans un festival de cinéma. N'y a-t-il pas de films cinématographiques pour honorer le cinéma égyptien ? Peut-être fallait-il se prendre plus à l'avance pour demeurer dans le 7e art puisqu'il s'agit, justement, d'un festival de cinéma.