Par M.A. BOUHADIBA Le panorama politique tunisien, aujourd'hui ,est varié et les acteurs de plus en plus nombreux.A côté des grands partis traditionnels il y a une floraison de nouvelles formations politiques. Tout le monde prédit qu'après les élections ,il y aura une disparition de la majorité de ces formations.On le dit un peu pour se rassurer et pour voir plus clair au milieu du jeu politique. On prédit qu'après les élections, il restera moins d une dizaine de partis et que cela est largement suffisant pour un petit pays. Et si cela était faux? Tous ces nouveaux venus sur la scène politique ont une vision mais pas d'expérience. Ils ont un projet mais ne savent pas encore le mettre en forme et le bâtir, faut-il pour autant les laisser disparaître ? Imaginons ces petits partis avec plus de temps et d'expérience, leur contribution pourrait être utile et bénéfique pour la Tunisie de demain. Leur vision amènerait du nouveau, une façon différente de faire de la politique, une autre façon de résoudre les problèmes. Pourquoi s'en priver ? Pourquoi dire que leur disparition est un processus naturel ? Pourquoi les balayer d'un revers de la main en disant avec suffisance que ce sont de «petits» partis ? Ils sont le reflet de la diversité, de la jeunesse, de l'enthousiasme, du non-conformisme, et de la virginité politique. Ils n'ont pas encore les défauts des vieux politiciens, comme le cynisme, l'art du compromis, la langue de bois, les ambitions personnelles, la realpolitik, l'esprit manœuvrier, le matérialisme et l'absence de rêves. Ces nombreux partis sont une richesse pour la Tunisie et il faudrait qu'ils restent après les élections. Les Tunisiens finiront avec le temps par les comprendre,les apprécier et finiront par voter pour eux. Cela pose bien sûr des questions logistiques et financières mais s'est-on jamais posé ces questions dans d'autres domaines ? Il existe des programmes de soutien aux jeunes industriels,aux jeunes agriculteurs,aux jeunes artistes,pourquoi pas les jeunes politiciens ? On subventionne les entreprises,les spectacles,les artisans tous parce qu'ils sont une image de la Tunisie. Et les jeunes partis ,ne sont-ils pas une belle image de la Tunisie ? Ne mériteraient ils pas qu'on les aide à se développer ? Il existe des œuvres de bienfaisance pour des actions sociales, l'action d'un jeune politicien n'est-elle pas une œuvre sociale?un sacerdoce? Tous malheureusement ne réussiront pas mais tous méritent une chance. Cette chance, ce ne sont pas les élections, ils ne seront jamais prêts et seront laminés par elles, car de la même façon qu'un petit commerce ne peut concurrencer une multinationale, un petit parti ne peut concurrencer un poids lourd. Cette chance c'est après les élections qu'il faut la leur donner. Comme on crée des pépinières de jeunes entrepreneurs, il faut créer une pépinière de jeunes partis et les aider à se développer. Ceci ne se ferait pas par pure générosité, cette pluralité assurera un meilleur lien avec la population,un contact plus intime et plus réactif avec le citoyen,une meilleure compréhension de ses problèmes qui seraient mieux retransmis aux responsables élus, ça serait une véritable grassroot democracy. On peut imaginer une organisation pyramidale où à la base seraient les nombreux petits partis, au milieu les partis d'opposition importants et au sommet le parti au pouvoir. Cela favoriserait aussi les alliances et faciliterait les changements puisque c'est un des avantages du système à plusieurs partis. Un pays est pluriel, 3 ou 4 grands partis ne peuvent représenter toutes les aspirations d'un peuple et toutes ses complexités. Ce système a montré ses limites et il a surtout montré un mode de pensée étriqué, cela se voit même en Europe, lorsqu'on questionne les citoyens sur les hommes politiques, ils répondent fréquemment: «ce sont tous les mêmes». Notre atout en Tunisie c'est notre jeunesse plurielle, ne l'enfermons pas à nouveau dans un carcan.