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Antigone ou le tragique du destin
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 10 - 2011

Quiconque se fait de l'existence une conception, disons, commerciale, en ce sens qu'il chercherait à en sortir gagnant comme d'une bonne affaire, en ayant récolté ou plein de moments de plaisirs ou, selon les convictions, pleins d'actions méritoires qui peuvent faire espérer un bonheur post-mortem, celui-là ne pourra qu'être perturbé par l'exemple du personnage d'Antigone. Son destin est tragique de part en part. Ses fiançailles elles-mêmes débouchent sur des noces qui sont le comble du malheur : une étreinte sans lendemain, où la mort se glisse et prend la place de l'amour. Et, cependant, Antigone ne recule pas devant son destin. Elle l'affronte sans hésitation. Elle n'a rien récolté, si ce n'est les coups d'une malédiction sans merci, mais quelque chose nous dit qu'elle n'est pas précisément perdante, qu'elle a même sa part de victoire, selon des critères qui ne sont cependant pas ceux du commun des vivants, ou des bon-vivants, qu'ils croient au paradis ou qu'ils n'y croient pas.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'histoire, que l'on trouve en particulier chez Sophocle, mais aussi chez Pindare et chez Eschyle, Antigone est la fille d'Œdipe, ce roi de Thèbes qui, sans le savoir, commet étant jeune homme un meurtre sur la personne de son père Laïos. Il avait été prédit par un devin qu'Œdipe tuerait son père et épouserait sa mère. Et c'est la raison pour laquelle ses parents décidèrent de l'éloigner de la maison alors qu'il était encore tout jeune enfant et de le déposer dans un coin perdu de la campagne. Le destin, tenace, voulut cependant qu'il soit recueilli par un couple de bergers, qui l'élevèrent. Puis qu'il fût confié à un voyageur et, enfin, qu'il atterrît à la cour du roi de Corinthe, où il fut adopté comme l'un des enfants de la maison. Le destin voulut encore que, ayant consulté lui-même Apollon, le dieu des devins, il apprit la sombre prédiction qui pesait sur lui et que, pensant l'éviter en quittant la ville de Corinthe, il allait ainsi se jeter dans les bras de sa funeste fortune. D'abord en tuant son père au croisement d'un chemin pour une triste et banale affaire de priorité —le code de la route n'étant pas en vigueur à cette époque— puis, quelque temps plus tard, en allant défier le sphinx qui assiégeait la ville de Thèbes dont il était originaire. Ce qui lui valut de libérer la ville et d'obtenir des habitants, en guise de récompense, qu'il épouse la reine, Jocaste, qui n'était autre que sa mère. Il en aura des enfants, parmi lesquels Antigone, et vivra heureux jusqu'au jour où une épidémie de peste frappe la ville. Le grand prêtre de Delphes, le fameux Oracle, fait alors savoir que l'épidémie ne sera terminée que lorsque le meurtrier de Laïos sera retrouvé. Œdipe prendra les choses en main et veillera sur l'enquête jusqu'à parvenir à la vérité, l'amère vérité qui le désignait comme le coupable et qui révélait dans le même temps toute l'horreur de son mariage incestueux... Jocaste se suicide et lui-même se crève les yeux. Plus tard, obligé de quitter la ville, il va à travers le pays, et c'est Antigone qui lui sert patiemment de guide sur son chemin d'errance.
Puis il advient que ses deux frères, Etéocle et Polynice, se disputent le trône de la ville de Thèbes après qu'un arrangement entre eux pour gouverner par alternance fut rompu par l'aîné. La guerre est livrée de part et d'autre des remparts de la ville, puisque le plus jeune des frères arrive avec les renforts de la cité voisine d'Argos, qui a pris fait et cause pour lui. Le combat est acharné et ne sera départagé qu'à la suite d'un duel entre les frères, au cours duquel ils trouvent tous deux la mort... Alors les armes se taisent et l'armée argienne se retire. Les corps d'Etéocle et de Polynice gisent sur le sol. Mais voilà que le nouveau maître de Thèbes, Créon, décrète que si les honneurs seront rendus à Etéocle, Polynice, lui, qui est venu en ennemi, il ne sera même pas permis de lui accorder une sépulture : son corps restera exposé à l'air libre, proie des chiens et des vautours. C'est à ce point de l'histoire qu'Antigone révèle le caractère qui est le sien. Car l'interdiction de Créon est assortie d'une menace de mort. Or Antigone, qui vient de voir disparaître ses deux frères, fait cependant le choix du défi. Déjouant la surveillance nocturne de la sentinelle, elle va recouvrir le corps de Polynice d'une mince couche de poussière. La nouvelle parvient à Créon qui redouble de menaces à l'endroit des gardes. Mais Antigone, qui n'est pas adepte de la demi-mesure, récidive la nuit d'après, au grand soulagement des gardes, qui tiennent désormais un coupable. Elle est amenée devant le nouveau roi, face à qui elle ne nie pas les faits : «Connaissais-tu la défense que j'avais fait proclamer?», lui dit-il. Elle acquiesce : «Elle était des plus claires!» Et lui : «Ainsi tu as osé passer outre à ma loi?» Antigone délivre alors une réponse qui restera comme la mère des répliques faite à ceux qui se réclament des lois, mais dont les lois, celles de la cité, s'opposent aux lois d'en haut : «Oui, car ce n'est pas Zeus qui l'avait proclamée. Ce n'est pas la justice, assise aux côtés des dieux infernaux ; non, ce ne sont pas là les lois qu'ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pense pas que tes défenses à toi fussent assez puissantes pour permettre à un mortel de passer outre à d'autres lois, aux lois non écrites, inébranlables, des dieux!»
Antigone mourra donc. A vrai dire, Créon, dont le fils était le fiancé d'Antigone, et qui a tenu précisément pour cette raison à ne pas céder, malgré les supplications de son propre fils, n'a pas appliqué sa menace à la lettre : au lieu d'exécuter Antigone, il l'a enfermée dans une caverne : une tombe, pour ainsi dire, où elle serait comme enterrée vivante. Et c'est elle-même qui se chargera d'en finir avec sa vie en se pendant à un cordon prélevé sur ses vêtements... La fin de cette histoire, c'est que le fiancé découvrira la caverne, Antigone pendue à l'intérieur. Il la rejoindra, se donnera la mort à son tour et expirera enlacé à son corps. Sa propre mère, Eurydice, ne s'épargnera pas non plus en apprenant la nouvelle, laissant Créon avec deux cadavres sur les bras, celui de son fils et celui de son épouse.
En quittant le monde des vivants, Antigone laisse donc l'image d'une femme qui demeure intraitable face à la volonté inflexible du tyran, ne craignant pas pour sa vie quand il s'agit de s'acquitter de la justice supérieure. C'est en tout cas ce qu'on a eu tendance à garder d'elle comme symbole. Mais on n'oubliera pourtant pas son attachement à sa famille... Un attachement d'autant plus affirmé, d'autant plus passionné, que tout dans cette famille l'entraîne dans le malheur : elle aura été, contre un esprit calculateur qui a les faveurs de nos contemporains, celle qui ne marchande pas avec ses origines pour le prix de son confort personnel.
Est-elle morte «perdante»?... Qui peut répondre par l'affirmative?


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